▪ Les Etats-Unis comptent 4 495 universités. Visiblement, ces institutions ont toutes pensé qu’il y avait au moins 4 495 personnes plus convenables que votre correspondant pour un discours lors de la cérémonie de remise des diplômes ; aucune ne nous a demandé de contribution. C’était probablement une bonne décision de leur part. Néanmoins, nous avons préparé un petit quelque chose, que nous aurions prononcé si nous y avions été invité.
A la classe 2014 : félicitations, les pigeons !
Vous et votre famille avez payé des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers de dollars pour que vous puissiez prendre votre place dans l’économie moderne. Mais qu’est-ce qui vous est passé par la tête ?
Avez-vous déjà entendu parler de l’effet Cantillon ? C’est bien ce que je pensais. On n’a pas la tête à ça, quand on doit gérer les dépenses d’une éducation universitaire.
Vous êtes-vous donné la peine de réfléchir à ce qu’est vraiment un gouvernement et ce qu’il fait réellement ? Non ? Cela ne devrait pas me surprendre. Vous étiez trop occupé à être endoctriné dans vos classes de politique.
Et la "décoordination intertemporelle" ? A vrai dire, moi non plus je n’en avais jamais entendu parler avant la semaine dernière. Je réalise à présent que c’est un ingrédient essentiel dans l’omelette financière actuelle… et il va vous rendre très malade.
Accordez-moi cinq minutes. Je voudrais vous éduquer un peu. Ou au moins commencer le processus consistant à défaire le mal causé par quatre années passées dans une institution universitaire.
Comment se fait-il qu’il soit si cher d’aller à l’université que vous deviez lourdement emprunter pour vous le permettre ? |
Bon nombre d’entre vous sont déjà endettés. Les banques vous prêtent de l’argent pour que vous puissiez le faire circuler dans le secteur éducatif. Où les banques ont-elles obtenu l’argent à prêter ? Et comment se fait-il qu’il soit si cher d’aller à l’université que vous deviez lourdement emprunter pour vous le permettre ?
▪ On ne vous a rien appris à l’école ou quoi ?
Permettez-moi de vous éclairer sur le fonctionnement de votre économie. Vous verrez qu’on vous prend pour un gogo… un pigeon… et un idiot.
D’abord, pourquoi coûte-t-il si cher d’aller à l’université ? Eh bien, c’est une longue histoire. La version courte, c’est que l’économie a été truquée par la collusion entre l’industrie et le gouvernement. Quiconque n’est ni un saint ni un simple d’esprit veut plus de statut, plus de pouvoir et plus d’argent. Le moyen le plus simple d’obtenir tout ça est de bidouiller l’économie en votre faveur. Qui peut le faire et s’en tirer sans encombre ? Le gouvernement, bien entendu. Et qui peut faire ce qu’il veut du gouvernement ? Les oligarques qui le contrôlent… avec leurs lobbyistes… leurs contributions de campagne et leurs blocs d’électeurs.
La semaine dernière, il y avait un article dans le Financial Times. Il nous apprenait que la quantité d’"argent sombre" allant aux campagnes électorales grimpe en flèche. "L’argent sombre", c’est ainsi qu’ils appellent l’argent qui ne va pas aux candidats directement — mais aux groupes d’intérêts qui font leurs propre publicité et leur propre politique. A moins de 100 millions de dollars en 2008, cette somme est passée à plus de 300 millions en 2012 et semble en bonne voie pour dépasser les 500 millions de dollars lors du prochain cycle électoral.
Dans l’économie précédant le début des années 80, les Américains fabriquaient des choses et les vendaient au reste du monde |
Dans l’économie précédant le début des années 80, les Américains fabriquaient des choses et les vendaient au reste du monde. Il n’y avait pas besoin d’avoir un diplôme universitaire pour fabriquer des choses. Il n’y avait pas non plus besoin de verser des contributions électorales. Il fallait simplement apprendre… travailler dur… et vendre les choses avec profit. On pouvait alors bien gagner sa vie et mener une vie raisonnable.
Et puis l’économie a changé. Les autorités américaines ont remplacé l’argent par le crédit. En 1968, elles ont retiré l’or du système monétaire américain. En 1971, elles ont cessé d’honorer leur promesse de régler leurs comptes étrangers en or. L’or était limité. Il limitait la quantité d’argent et de crédit dans l’économie. Mais cette nouvelle devise était quasi-illimitée. Elle rendait plus facile et moins cher d’acheter des choses fabriquées par d’autres que de les fabriquer soi-même. Depuis 1980, les Etats-Unis ont dépensé près de 10 000 milliards de dollars de plus à l’étranger qu’ils n’en ont encaissé en ventes à l’étranger.
Peu à peu, fabriquer des choses aux Etats-Unis est devenu de moins en moins profitable. Si on voulait gagner un bon salaire, il fallait aller dans la finance, l’administration, la comptabilité, le droit, l’éducation ou la santé. Dans ces secteurs, il faut être diplômé pour avoir un bon poste. C’est pour ça que vous êtes là.
Mais attendez, ce n’est pas tout. Le crédit sans limite a également facilité l’alimentation des zombies… et des parasites. Le gouvernement s’est entendu avec l’industrie pour créer des quasi-monopoles… des cartels… des subventions… des garanties et des soutiens de prix. Et les autorités pouvaient ajouter de la bureaucratie… des contrôles… des règles… Elles pouvaient aussi acquérir plus de voix auprès de ce que j’appelle les "poligarques" — de pauvres gens, en gros, qu’il faut acheter pour maintenir la paix sociale et l’illusion de justice.
Ces zombies — je les définis comme des zombies parce qu’ils ne produisent rien qui en vaille la peine, ils se contentent de sucer le sang des autres parties de l’économie — réduisent la production et augmentent les coûts. Mais désormais, avec le crédit bon marché, les Américains — y compris le gouvernement lui-même — peuvent emprunter pour payer ces coûts.
Et avez-vous entendu parler de la "maladie de Baumol" ? Pourquoi est-ce que je demande : bien sûr que non. Nous y reviendrons dans la deuxième partie de mon discours, dès demain.