La Chronique Agora

Nouveau capitalisme… vieilles sottises

** Nous continuons de penser à cette idée de capitalisme d’une Nouvelle Ere. Dans l’ancienne version du capitalisme, les propriétaires étaient radins. Leur idée, c’était d’exploiter la main d’œuvre… pas de se faire exploiter par elle. Mais ça a changé aussi. Les capitalistes semblent avoir perdu la tête ; ils pensent que le Zoo-capitalisme n’a que de bons côtés. Et puisqu’il n’y a que de bons côtés, il n’y a pas de raisons de s’inquiéter des mauvais. Contrôle des coûts ? Bah, tout le monde va s’enrichir — pourquoi se donner la peine d’être un grippe-sou ? Ils placent également une confiance démesurée dans l’argent et les compensations financières. Ils pensent donc qu’en payant grassement des dirigeants… ou des gestionnaires financiers… ils obtiendront des rendements spectaculaires. Donnez aux dirigeants des stock options géantes, pensent-ils, et ils feront de gros profits. De même, donnez un gros pourcentage des gains aux gestionnaires de hedge funds… et ils feront de gros gains.

* Du point de vue purement logique, cela semble absurde. Si un dirigeant n’arrive pas à faire des profits avec un salaire d’un million de dollars par an, comment y parviendra-t-il avec deux millions de dollars ? Et pourquoi les gestionnaires compétents devraient-ils être payés beaucoup plus cher qu’avant l’avènement de la Nouvelle Ere ? Toutes les générations doivent avoir un certain nombre de gestionnaires compétents ; si les salaires n’étaient que d’un million de dollars par an, plutôt que 10, que feraient-ils ? …routiers ?

* Et les gestionnaires de hedge funds… ou les autres professionnels de la finance ? Même si leurs salaires étaient divisés par deux, ils ne changeraient probablement pas de profession pour devenir cuisiniers de fast-food.

* Toute l’idée du Nouveau Capitalisme n’est qu’une escroquerie. On ne peut pas abandonner le bon sens et les critères de prudence simplement parce qu’un fêlé vous annonce que le nouveau marché libre vous rendra riche. Le vieux marché libre peut vous rendre riche, mais pas si vous ignorez les anciennes règles qui l’accompagnent.

** Pour terminer, un lecteur nous écrit :

* "J’apprécie vraiment vos Chroniques, et je les attends avec impatience tous les jours. J’aimerais vous raconter une petite histoire sur le roi Canute.

* "Loin d’être un idiot, Canute était en fait considéré comme un roi sage et bienveillant. Son empire couvrait une bonne partie de la Scandinavie, du nord de la France et de l’Angleterre. Grâce à une devise commune (basée sur du métal, bien entendu) et des échanges relativement libres, il a considérablement développé l’économie anglaise. En signant en 1016 un accord avec Edmond "Côte-de-Fer", qui était alors roi d’Angleterre, précisant qu’ils règneraient ensemble jusqu’à ce que l’un d’entre eux meure (Edmond était gravement blessé à l’époque, suite à une bataille), il évita un bain de sang. Mais il reste le mythe…"

* "On raconte toujours l’histoire de Canute comme si, faisant étalage de son arrogance, il s’était rué dans les vagues en ordonnant à la marée de se retirer. En fait, c’est l’inverse qui s’est passé. Canute, lassé des flatteries et des attentes irréalistes de sa cour, mit son trône dans le sable, et demanda à la marée de se retirer".

* "Evidemment, la mer continua de monter ; il se tourna donc vers ses courtisans et leur expliqua qu’il y a une limite à tout — même aux pouvoirs d’un roi. Je pense que c’était une excellente leçon de choses, bien expliquée".

* "Une fois encore, j’apprécie vraiment vos écrits ; je me demandais si vous ne pourriez pas corriger cette mauvaise lecture de l’histoire de Canute, d’autant que la véritable histoire semble particulièrement appropriée à la situation actuelle, notamment en ce qui concerne les prêts subprime. Tous les courtisans — les banques, les médias, les garants obligataires, les débiteurs noyés sous les dettes — s’attendent à ce que le ‘roi’ (Bernanke ? Paulson ? Bush ?) fasse refluer la marée. Mais vous savez aussi bien que moi que cela ne peut pas arriver."

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