La Chronique Agora

Nous ne croyons pas au Père Noël… mais le "Robot Noël" semble bien réel !

▪ Ca y est ! On est riiiches ! L’espace de quelques secondes, le CAC 40 est revenu hier au contact au contact des 3 936 points ; le Nasdaq 100 a quant à lui égalé son record historique du 31 octobre 2007.

En ce qui concerne Wall Street, l’exploit pourrait relever du prodige si la manipulation des cours de bourse se heurtait à la vigilance des autorités boursières. Sauf qu’elle est au contraire encouragée par la Fed et la Maison Blanche pour générer un sentiment de richesse virtuel. En effet, si les prix des actions s’envolent, c’est que personne ne vend — bien que sachant à quel point les niveaux de valorisation en cette fin d’année 2010 sont totalement artificiels.

En fait, tous ceux qui orchestrent cette gigantesque carambouille ne manquent pas d’engranger consciencieusement leurs bénéfices jour après jour : conserver des positions serait beaucoup trop dangereux. Et de leur côté, les particuliers qui leur ont confié leur épargne ne sont gagnants que sur le papier.

Lors du flash krach du 6 mai, y avait-il de véritables acheteurs pour profiter des « cours idiots » à mesure que les robots amplifiaient l’effondrement du marché ?

Les mêmes programmes de trading qui ramassaient du papier depuis des semaines n’étaient-ils pas unanimement vendeurs ? On constatait pourtant dans le même temps la multiplication d’opportunités extraordinaires aux yeux d’investisseurs dotés de leur seul bon sens — au lieu d’une souris et de logiciels qui ne savent que suivre aveuglément la tendance.

▪ Nous retrouvons aujourd’hui les mêmes comportements somnambuliques avec une succession de cinq semaines de hausses qui semblent toutes issues du même algorithme.

Le Nasdaq 100 prend 0,15% en moyenne chaque jour depuis le 2 décembre. Cela fait 2% de gain en trois semaines… Juste de quoi dégoûter tous ceux qui opèrent via les options et qui voient s’effondrer inexorablement la valeur temps, c’est-à-dire l’essentiel de leur mise.

Quand à l’indice VIX, baromètre du stress sur le S&P, il revient flirter avec le plancher historique des 16. Cela alors même que les taux d’intérêt sont au plus haut et que les déficits s’accumulent au-dessus de la tête de chaque contribuable américain !

Même si rien ne justifie de tirer les cours vers de nouveaux records annuels, Wall Street s’applique à imiter les places européennes. Elle s’aide pour cela des puissants robots de trading algorithmiques qui permettent de placer les indices sur des rails haussiers en mobilisant le minimum de liquidités — quelle que soit la toile de fond conjoncturelle ou les perspectives économiques les plus plausibles.

▪ A la mi-journée hier, le Dow Jones gagnait 0,5%, le S&P 0,6% et le Nasdaq 100 engrangeait 0,65%. Il retraçait rien moins que son zénith historique des 2 235 points établi à l’issue de la fameuse séance du 31 octobre 2007. Rappelons que cette dernière demeurera l’un des pires exemples de bull trap de la décennie : l’indice avait bondi de 1,5% avant de rechuter de 2,25% dès le lendemain.

Le CAC 40 est encore loin de ses records absolus. Il s’est toutefois hissé au contact des 3 936 points (retracement du niveau de clôture du 31/12/2009) ; peu importe que le marché n’ait eu strictement aucune raison objective de gagner 1,3% au plus haut du jour… il n’y a que le résultat qui compte.

Il s’agit d’une hausse complètement artificielle mais c’est pleinement assumé : plus l’indice monte, moins il y a d’acheteurs. Le CAC 40 gagnait donc 1,1% dans un volume d’échange d’une maigreur consternante : 2,2 milliards d’euros… et encore, il y a eu pas mal d’achetés/vendus fiscaux en fin de séance.

Toutes les places européennes ont bénéficié de ce véritable cadeau de Noël indiciel (+1,3% pour l’E-Stox 50) sans le moindre commencement de justification micro- ou macro-économique : aucune statistique publiée, euro qui rechute sous 1,3130 $, taux longs toujours au zénith. Avec la dégradation des bons du Trésor en ce début de semaine, il ne serait pas difficile de justifier un repli symétrique — voire plus significatif — de tous les indices.

▪ Mais il faut toujours trouver une explication, un alibi, pour permettre aux derniers irréductibles de croire que les indices ne sont pas manipulés à l’excès. Des commentateurs inspirés ont donc justifié l’optimisme des marchés par une déclaration du vice-Premier ministre chinois Wang Qishan.

Cet éminent personnage assure qu’il est de « l’intérêt fondamental de la Chine et de l’Union européenne de renforcer leur coopération ». Cela aurait été interprété par les gérants comme une promesse implicite de soutien aux pays en difficulté de la Zone euro.

Mais voilà : cette explication A priori plausible ne résiste pas à l’épreuve des faits. Les cambistes, qui se fichent que le CAC 40 clôture l’année à 3 936 ou le Dow Jones au-dessus des 11 500, ne semblent pas convaincus de l’imminence d’une éventuelle coopération chinoise au refinancement des « PIGS ». L’euro a continué de reculer, jusque sous les 1,31 $ — un plancher a été inscrit à 1,3075 $ en début de soirée.

Et comme les taux américains n’ont pas progressé d’un centième, la faiblesse de l’euro ne s’explique même pas par la hausse de rémunération du dollar. Par conséquent, le prétexte du « coup de pouce chinois » équivaut véritablement à se mettre le doigt dans l’oeil !

 

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