La Chronique Agora

Nous n’échapperons pas à la « taxe de répression monétaire » (1/2)

inflation

Une nouvelle forme d’impôt se répand déjà un peu partout – invisible, « insensible » et non-officielle. Vos investissements seront les premiers frappés…

Qui a déjà entendu parler de la taxe de répression monétaire (TRM) ?

Très peu de gens, semble-t-il, à en juger par l’absence de colère populaire. Pourtant, les recettes issues de cette taxe se sont considérablement accrues sous l’effet de la norme des 2% d’inflation annuelle.

Elles sont maintenant sur le point d’atteindre un nouveau record dans de le contexte de reflux de la pandémie, avec une estimation d’environ 600 Mds$ cette année rien qu’aux Etats-Unis.

Il n’est pas nouveau dans un régime de monnaie fiduciaire qu’une banque centrale impose une taxe effective sur les avoirs du grand public en bons du Trésor (y compris ceux détenus par le système bancaire) en manipulant les taux d’intérêt pour les maintenir à un niveau artificiellement bas (en particulier en termes de taux réel).

Cependant, jusqu’au XXIème siècle, personne ne pensait qu’une telle politique pourrait se poursuivre longtemps sans déclencher une combinaison entre une accélération de l’inflation des prix à la consommation et un boom économique insoutenable basé sur la spéculation.

Nous avons appris au cours du cycle particulièrement long d’expansion qui a débuté en 2009 (et un peu plus tard en Europe), interrompu récemment par la crise pandémique, qu’une inflation monétaire virulente (dont l’un des principaux vecteurs est la manipulation des taux d’intérêt) peut coexister avec une inflation modeste des prix à la consommation, une absence persistante de croissance économique ainsi qu’une inflation à la fois soutenue et continue du prix des actifs.

En effet, la spéculation effrénée à laquelle on assiste sur les marchés financiers, loin de susciter une réaction des autorités monétaires, facilite la politique de répression financière.

Nombreux sont ceux qui restent en effet convaincus qu’ils peuvent éviter la répression financière en utilisant leurs compétences pour générer dans la durée des plus-values par le biais de leurs investissements sur un large éventail d’actifs.

Ont-ils raison ?

Quelques définitions d’abord

Afin de mieux comprendre la TRM, prenons un peu de recul pour revoir d’abord quelques définitions, avant de nous intéresser au contexte historique dans lequel elle s’inscrit.

Les recettes issues de cette taxe de répression monétaire correspondent au différentiel entre le niveau des intérêts réels perçus sur des actifs sans risque (en termes de valeur nominale) tels que les bons du Trésor, et le niveau des intérêts qui auraient été perçus dans un régime monétaire sain.

Il faut distinguer la TRM de la taxe par l’inflation qui est plus connue. La TRM est constituée d’une part de la perte en termes de valeur réelle que les détenteurs de bons du Trésor subissent du fait de la flambée inattendue de l’inflation des prix à la consommation, et d’autre part de l’érosion du pouvoir d’achat de la base monétaire qui ne génère pas d’intérêts (c’est-à-dire de nos jours principalement les billets de banque) causée par l’inflation endémique.

Déjà à l’époque des Années folles, nous pouvions identifier l’embryon du risque potentiel d’imposition d’une TRM. La présence de puissantes forces désinflationnistes non monétaires – une croissance rapide de la productivité résultant de la deuxième révolution industrielle ainsi qu’une surabondance de matières premières – a permis à la Fed de manipuler les taux d’intérêt à la baisse au nom du maintien de la stabilité des prix (par opposition à une période de baisse des prix qui se serait produite sous un régime monétaire sain).

Cependant, l’émergence d’une gigantesque bulle spéculative aux Etats-Unis et, surtout, la situation de la République de Weimar (qui en pratique faisait partie de la zone dollar à partir de 1924) signalaient qu’il ne pouvait pas y avoir à la fois une inflation régulière du prix des actifs et un maintien de la stabilité des prix à la consommation.

De toute manière, avec une dette fédérale qui était alors inférieure à 30% du PIB, le gouvernement américain n’avait aucun intérêt à mettre en place une TRM. Herbert Hoover (élu président en novembre 1928) critiquait d’ailleurs ouvertement la frénésie spéculative qui s’était emparé de Wall Street et la façon dont la Fed l’avait encouragée sous la direction de Benjamin Strong.

Une norme qui change tout

A présent, retournons au début des années 2000. Dès 1997, la Fed a commencé à adhérer à la norme des 2% d’inflation au cours d’une période caractérisée par une croissance rapide de la productivité grâce à la révolution informatique qui alimentait également une inflation des prix des actifs. Le gouvernement fédéral dégageait à l’époque des excédents budgétaires, il n’était donc pas question de taxation monétaire.

Puis, en l’an 2000, la Fed a brièvement cessé sa politique de manipulation des taux en réponse à une faible poussée de l’inflation des prix à la consommation au-dessus de son objectif.

A la suite d’une légère récession (dont l’ampleur a depuis été révisée à la baisse par les statisticiens), l’administration Bush a poursuivi une politique de réduction des impôts financée par un accroissement du déficit. La Fed, avec son gouverneur vedette fraîchement nommé venu de Princeton et son président qui briguait un nouveau mandat, a été obligée de manipuler les taux à la baisse.

La TRM est née en 2002-2004, au beau milieu d’une période de forte inflation des prix des actifs. Malgré de puissantes forces désinflationnistes non monétaires, notamment la mondialisation et la numérisation, le taux d’inflation des prix à la consommation a dépassé l’objectif fixé par la Fed en 2005 et 2006 dans le contexte d’un boom économique mondial qui ressemblait de plus en plus à une frénésie spéculative, ce qui a déclenché un resserrement brutal de la politique monétaire de la Fed.

En conséquence, la TRM a été abandonnée peu de temps avant la crise économique et financière mondiale de 2008.

Les choses se sont déroulées très différemment au cours du cycle d’expansion économique particulièrement long que nous avons connu à partir de 2010. Les déficits budgétaires massifs accumulés par les Etats-Unis, l’Europe et le Japon ont eu pour contrepartie l’imposition d’une taxe de répression monétaire extrêmement lourde.

Cette fois-ci, l’inflation des prix des biens et services ne s’est pas emballée. Aucun boom économique n’a eu lieu. L’inflation des prix des actifs est devenue virulente.

Le président américain Donald Trump et le Premier ministre japonais Shinzo Abe ont suivi une stratégie politique consistant à essayer de camoufler l’imposition d’une TRM (en particulier aux Etats-Unis après la baisse de l’impôt sur les grandes sociétés) en suscitant l’excitation du grand public autour de la hausse des cours boursiers, dont ils se sont attribué le mérite.


Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.

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