Il est relativement inutile de chercher à prédire l’orientation des marchés tous les jours. En revanche, il est bien plus profitable d’avoir un modèle de long terme, et de s’y tenir. Par exemple en ne faisant que six opérations en 110 ans… bien assez pour devenir multi-millionnaire…
Nous ne prodiguons aucun conseil d’investissement dans ces colonnes quotidiennes. Nous nous efforçons simplement de tirer les conclusions qui s’imposent. Or, nous avons constaté des tendances. Espoir… désespoir. Empire… destruction. Été… hiver. Naissance… mort. Impression de monnaie… inflation. Une chose en chasse une autre, obéissant à un modèle ancestral.
Les marchés financiers connaissent de longs cycles haussiers et de longs cycles baissiers.
Par conséquent, les investisseurs qui se maintiennent sur le marché en tout temps peuvent se retrouver avec une position qui leur fera perdre de l’argent pendant plusieurs décennies. Aux Etats-Unis, après le krach de 1929, les Bourses ont mis 26 ans à se redresser (lorsque l’on prend en compte les performances ajustées en fonction de l’inflation). La Bourse nippone s’est effondrée en 1989 et n’a toujours pas retrouvé son niveau d’antan.
Essayer de prédire l’évolution du marché fonctionne rarement. Mais c’est un pari que nous sommes prêts à prendre. Les périodes les plus dangereuses, lorsque les valeurs boursières sont extrêmement survalorisées, sont rares également. Les modèles permettant d’identifier ces périodes, aussi imparfaits soient-ils, peuvent se révéler fort utiles.
Il faut parfois conserver ses positions et parfois les dénouer. Il existe également des périodes où il vaut mieux quitter les marchés en courant. Ces modèles vous permettent de savoir quand prendre ses jambes à son cou.
Le seul objectif est d’éviter les grosses pertes. Lorsque vous êtes jeune, les grosses pertes peuvent servir de leçon. Mais lorsque l’on approche de l’âge de la retraite, perdre une grande partie de son épargne peut être quelque chose de très difficile à encaisser moralement.
Les leçons des krachs passés
Comment éviter cet écueil ? L’absence de tendances claires sur les marchés est monnaie courante. Mais on observe également de longs cycles qui propulsent les bourses vers de nouveaux sommets, puis de longs cycles qui font chuter les marchés vers des points bas, et ainsi de suite. La bourse a atteint un premier sommet en 1929, puis en 1966. Le troisième sommet historique a été atteint en 1999. Comme nous l’avons suggéré hier, chaque cycle semble correspondre plus ou moins aux générations humaines. Une génération apprend. L’autre oublie, puis réapprend.
Vendredi dernier, nous avons vu comment utiliser les ratios cours/bénéfices (on parle de « price/earnings ratios » ou PER) pour identifier les zones dangereuses. Par exemple, vous pouvez vous contenter de vendre vos actions lorsque le PER moyen dépasse les 20. Mais les PER contiennent trop d’informations superflues qui les rendent peu utiles.
En 2009 par exemple, en pleine crise des subprime, le PER de l’indice S&P 500 a étonnamment dépassé les 100. On aurait pu penser que les actions étaient trop chères, alors qu’en fait, elles étaient bon marché. Les prix ont augmenté durant les onze années qui ont suivi.
Il existe un autre indicateur, que Warren Buffett apprécie tout particulièrement : le ratio capitalisation boursière/PIB. Les entreprises fabriquent des biens et fournissent des services. Elles créent de la richesse, versent des salaires et récupèrent cet argent sous forme de chiffre d’affaires. La capitalisation boursière ne peut donc pas trop s’écarter du PIB.
Traditionnellement, ce ratio oscille autour de 80%, soit 8 unités de capitalisation boursière pour 10 unités de PIB. En 1999, ce ratio s’est hissé à 140%, un chiffre largement supérieur à la fourchette moyenne. C’était le moment idéal pour vendre. Mais le ratio est désormais encore plus élevé, et frôle un record historique de 200%. Une règle simple : vendez vos actions quand le ratio dépasse les 120%. Cela vous aurait évité la bulle internet des années 2000 et la bulle spéculative généralisée que nous connaissons depuis 2016.
Le ratio Dow/or
Mais nous pensons avoir à notre disposition un modèle plus efficace. Nous comparons le Dow (qui regroupe les 30 plus grosses entreprises industrielles des États-Unis) au cours de l’or.
L’or est une monnaie réelle. Ce n’est pas la monnaie parfaite, car elle est lourde et difficile à transporter. Mais ça reste la meilleure monnaie que nous ayons découverte à ce jour.
Lorsque vous comparez le prix de l’or au Dow, vous juxtaposez deux choses qui sont en opposition constante, comme deux daims dont les bois se seraient enchevêtrés en combattant.
Le Dow représente le flux de la prospérité américaine, l’or est une mesure de valeur ancestrale. Le Dow représente l’espoir, l’or représente l’expérience. Le Dow représente l’avenir, l’or représente le passé. Le Dow représente le rêve, l’or représente la réalité.
Les entreprises peuvent créer une quantité quasi illimitée de richesse, mais les ressources en or pour mesurer cette richesse sont limitées. Par conséquent, exprimée en or, la valeur des plus grandes entreprises américaines (le Dow) fluctue à la hausse et à la baisse, mais elle ne s’écarte jamais trop de sa moyenne de long terme, qui avoisine les dix onces d’or.
Un siècle, six mouvements de portefeuille
Revenons à la naissance de la Fed, en 1913. Imaginez que vous respectez une règle simple : vous achetez vos actions lorsque le Dow vaut cinq onces d’or (ou moins) et vous vendez vos actions et achetez de l’or lorsque le Dow vaut quinze onces d’or ou plus.
D’emblée, vous utilisez votre pécule, disons 100 $ pour acheter des actions. Nous sommes en 1913 et elles s’échangent à quatre onces d’or face au Dow. Puis, elles perdent de la valeur lorsque la Première Guerre mondiale éclate. Vous n’avez pas besoin de lire les journaux ou de disséquer les inepties des économistes. Vous vous contentez de suivre à la lettre le modèle.
Vous vendez vos actions et vous achetez de l’or en janvier 1929, lorsque le ratio Dow/or dépasse les 15, puis vous rachetez des actions en 1931, lorsque le ratio s’effondre sous la barre des 5.
Votre prochaine action intervient 27 ans plus tard : vous vendez vos actions lorsque le ratio franchit la barre des 15, puis vous rachetez des actions en 1974. Commence alors un nouveau cycle haussier en Bourse. Vous maintenez vos positions jusqu’à ce que le ratio Dow/or atteigne 15, ce qui est chose faite en 1996. Puis vous réalisez votre dernière transaction et vendez toutes vos actions. Depuis ce moment, vous ne détenez que de l’or (le ratio n’étant tombé qu’à 6,36 en 2011).
Et alors ? Vous êtes passé à côté du cycle haussier le plus important de l’histoire des marchés, qui a commencé au lendemain de la crise des subprimes en 2009 et perdure aujourd’hui. Vous êtes également passé à côté des glorieuses années de la bulle internet, qui a duré de 1996 à 2000. En quoi cela serait-il un bon investissement ?
Eh bien, après l’éclatement de la bulle internet et après la crise des subprimes, le ratio Dow/or n’est plus jamais redescendu sous la barre des 5. Vous n’avez plus jamais racheté d’actions. Vous êtes resté à l’écart de la Bourse pendant 26 ans, attendant patiemment votre heure les poches remplies d’or.
Et pourtant, grâce à ce modèle de trading, avec seulement six transactions en 100 ans, vous auriez transformé vos quatre onces d’or en 1913 en 17 773 onces d’or actuellement. Votre investissement initial de 100 $ vaudrait désormais environ 33 M$.
Le ratio Dow/or est actuellement de 18, environ. Et selon la quasi-totalité des ratios et indicateurs disponibles, les actions américaines affichent les valorisations les plus élevées de leur histoire. Vous êtes prêt à prendre la poudre d’escampette ?
Affaire à suivre…