La Chronique Agora

Nos arguments baissiers font… Bâle figure !

▪ Plus de 300 points repris en sept séances à Paris, ce n’était pas assez. Nous pensions le CAC 40 mûr pour une correction sous 3 730 points… nous avions tort : le voici qui tutoie les 3 780 points !

En revanche, nos estimations relatives aux nouvelles normes « Bâle III » présentées dès vendredi dernier étaient parfaitement exactes. Le ratio de fonds propres « Tier 1 » devra à terme être porté à 7% — et non 9% comme l’annonçait la rumeur qui avait circulé au début de l’été — avec un ratio dit de « fonds propres durs » de 4,5%, et un matelas de sécurité de 2,5%.

Nous n’étions naturellement pas les seuls à anticiper de tels chiffres. D’autres que nous disposaient certainement d’informations encore plus précises… Nous faisons le pari que cela remonte au 1er septembre, lorsque le CAC 40 s’est envolé de 3,85% au motif que l’ISM manufacturier américain était ressorti « meilleur que prévu » (+0,8). L’indice hexagonal restera pourtant sans réaction 48 heures plus tard lors de l’estimation de l’ISM des services, ressorti en baisse de trois points.

Les marchés se réjouiraient aujourd’hui du « bon calibrage » dévoilé dimanche soir mais nous parions que la véritable raison se situe ailleurs. En effet, Christine Lagarde a déclaré que si les banques américaines ne se pliaient pas aux nouvelles normes, les autorités européennes s’abstiendraient de les imposer à leurs homologues du Vieux Continent.

Autant écrire en toutes lettres la recette pour torpiller « Bâle III » !

De toute façon, la mise en place des nouvelles normes débuterait en janvier 2013 (lorsque le ratio Tier 1 dur passera de 2% à 3,5%) et leur application pleine et entière n’entrerait en vigueur qu’en janvier 2015… Autrement dit, aux prochaines calendes grecques — sans oublier qu’en quatre ans, bien des ajustements peuvent être opérés sous la pression des lobbies !

▪ Autant disserter sur ce que nous ferons de l’argent lorsque nous aurons gagné au loto — alors que nous ne remplissons jamais une grille –, car la seconde phase de la crise des créances immobilières (nous sommes actuellement dans l’oeil du cyclone) commencera à faire ressentir ses effets à partir de la fin de l’année 2010.

Les difficultés iront crescendo jusqu’à la mi-2012. Pour l’heure, les banques — qui se savent menacées d’une nouvelle vague de dépréciations d’actifs — peuvent très bien ne pas bouger, ou prétendre qu’elles lèvent des fonds de manière préventive. Elles ont intérêt à se hâter : il leur sera impossible de faire appel au marché lorsque les investisseurs s’apercevront que c’est en fait du… curatif.

▪ L’autre motif d’optimisme réside dans la hausse de la production industrielle chinoise (+13,8% en mois d’août contre +16,5% en mai). La demande Internet est elle aussi vigoureuse, avec une progression de 18,4% des ventes de détail, contre +17,9% en juillet, soit 181 milliards de dollars. Dans le même temps, le volume des prêts hypothécaires chute spectaculairement de 90% dans la région « incandescente » de Shanghai.

Ces chiffres tendraient à démontrer que la bulle immobilière est enfin sous contrôle, sans que cela affecte le niveau de la consommation dans l’empire du Milieu.

Reste à déterminer si l’apathie du consommateur américain ne va pas finir par impacter sa croissance globale… Mais la Chine se tourne résolument vers le Brésil, l’Afrique et l’Inde. Si les clients y sont en moyenne moins riches, ils sont en revanche assez nombreux (nous ne reculons devant aucun euphémisme). Par ailleurs, l’offre de produits et services à prix cassés, y compris dans des domaines comme les centrales thermiques ou les trains à grande vitesse, leur est parfaitement adaptée et rencontre un vif succès.

Alstom (en forte baisse à Paris depuis le 9 septembre et une fois encore ce lundi) ou son rival Siemens auront du mal à vendre des turbines dans les pays en voie de développement vu les tarifs pratiqués par le groupe chinois Harbin Power qui vient de décrocher un gros contrat en Inde début septembre.

▪ La Chine reste tout de même confrontée à un problème de taille : il s’agit du dollar, qui constitue encore près de deux tiers de ses réserves de changes. Pékin apparaît plus que jamais l’otage de Washington. C’est une situation qui demeure gérable mais que la hausse du yen (qui repasse le cap des 84 face au billet vert) rend de plus en plus délicate.

Dans le même temps, les banques chinoises apparaissent notoirement sous-capitalisées en regard des encours de prêts immobiliers qu’elles détiennent ; les capitaux à réinjecter se chiffrent en centaines de milliards de dollars.

Cela fait beaucoup d’argent à trouver dans un monde où l’on n’a jamais compté autant d’emprunteurs parmi les pays développés, avec des besoins de financement qui n’ont jamais été aussi importants… et qui proposent le plus faible taux de rémunération du risque depuis 50 ans.

Cela marche pour le Japon parce que les citoyens font leur devoir en souscrivant massivement les émissions du Trésor nippon. Il faut souligner que l’argent qu’ils prêtent si volontiers se voit : jamais le pays n’a autant investi dans des équipements et des services au profit de la collectivité (plutôt que dans des aides sociales) que depuis l’éclatement de la bulle du crédit il y a 20 ans.

En comparaison, les Etats-Unis apparaissent engagés dans un processus de délabrement inquiétant, malgré tout l’argent injecté dans les travaux publics depuis 2009. Trop de municipalités américaines se retrouvent au bord de la faillite, trop d’Etats de l’Union sont dans le rouge… et la Californie invite les Chinois à financer la construction d’une ligne de TGV entre Los Angeles et San Francisco.

Là au moins, il y aurait une juteuse concession à exploiter… alors que réparer des routes secondaires défoncées ou des lignes à hautes tensions délabrées ne présente aucun intérêt pour l’investisseur étranger.

Toutes ces évidences seront remises sur le tapis dès que les sherpas de Wall Street jugeront que le consensus haussier est devenu trop univoque.

▪ Peut-être cette séance du lundi 13 septembre (entamée à 3 767 points et conclue au même niveau, avec à la clé un gap haussier de 20 points) constituait-elle le point d’orgue de la reprise boursière amorcée le 31 août vers 3 430 points — soit très précisément 10% plus bas.

Certains pourraient prétendre que le niveau ridiculement faible du rendement des bons du Trésor justifierait de payer les actions entre 5% et 10% plus cher d’ici la fin du mois de septembre (cet argument nous est asséné presque quotidiennement depuis la mi-juillet 2009). A ceux-là, nous demandons de nouveau : qu’est-ce qui va mieux sur le front conjoncturel depuis le 21 juin dernier ?

Barack Obama vient d’avouer ce week-end qu’en dépit de tous ses efforts, le chômage de longue durée va perdurer aux Etats-Unis… Et même sans remonter si loin, qu’est-ce qui va mieux depuis le 30 août ?

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