La Chronique Agora

Le Père Powell et la cloche de Wall Street : Noël gâché par un réveil brutal

Wall Street vivait un rêve éveillé, porté par des records historiques et un optimisme débordant. Mais en une intervention, Jerome Powell, président de la Fed, a brisé l’ambiance festive.

C’était Noël tous les jours à Wall Street depuis le 6 novembre. Le pied du sapin boursier regorgeait de tellement de cadeaux que cela masquait les boules et les guirlandes jusqu’à la mi-hauteur.

Il y a une semaine jour pour jour (le mercredi 11), le NASDAQ terminait pour la première fois de l’Histoire au-dessus des 20 000 points. Le lendemain, espérant un nouvel accès d’euphorie du marché, Donald Trump était venu actionner la cloche marquant l’ouverture de la séance sur le « floor » à Wall Street en mode : « le père Noël du NYSE (et du S&P 500), c’est moi ».

Et ce lundi 16, nouveau record du NASDAQ haut la main à 20 200 points, à 4 jours de la séance des « Quatre sorcières ».

Mais qu’est-ce qui aurait bien pu mal se passer ?

Pas moins de 97% des opérateurs anticipaient une baisse de taux de 25 points et un discours banal et formaté de Jerome Powell, se résumant à « n’oubliez pas que le scénario Goldilocks et les +30% de hausse des indices, c’est aussi grâce à moi : allez, bon bonus à tous et passez de bonnes fêtes ».

Wall Street abordait donc cette séance en mode « no stress », et à l’heure du déjeuner, de nombreux gérants allumaient le cigare, le sourire aux lèvres dans l’attente de la prise de parole du patron de la Fed. Dans une heure, leur seule préoccupation serait de trouver une table libre dans un grand restaurant de Manhattan pour fêter la meilleure année des marchés depuis 2019 (+28,9%).

Au moment de commander un café ce mercredi, les sourires se sont soudain figés avec un scénario impensable : le VIX, le baromètre du stress, s’est mis à décoller à la verticale de 20%, le temps pour un sucre de fondre dans un expresso.

Le temps de demander l’addition et les principaux indices perdaient déjà 1%… Mais 90 minutes plus tard, ce sera le triple : -3% pour le S&P 500, -3,6% pour le NASDAQ, avec 95% de titres en repli.

Et il y a pire : le Russell-2000, baromètre des small caps emblématiques des « Trump Trades », a dévissé de 4,4% – sa pire correction depuis juin 2020.

Mais ça, ce n’est (et de loin) pas le plus impressionnant : le VIX s’est envolé de 77%, passant de 14 à 28 en deux séances.

Du jamais vu au XXIe siècle, à 48h des « Quatre sorcières », et à quatre séances de la trêve des confiseurs.

Alors que les investisseurs s’apprêtaient à effectuer les derniers habillages de bilans de leurs portefeuilles dans la joie et l’allégresse, Jerome Powell, attendu comme le Père Noël, s’est transformé en Père Fouettard.

Avait-il besoin de souligner que la robustesse de la croissance s’accompagnait d’une résurgence des tensions sur les prix dans de nombreux secteurs d’activité ?

Les braises de l’inflation ne sont pas complètement éteintes, ce qui va conduire la Fed à ralentir le rythme de la décrue de ses taux : ce sera probablement deux fois -25 points en 2025 (contre trois anticipé). Mais un membre de la Fed s’est exprimé pour que celle de ce 18 décembre soit la dernière, trois autres membres n’en prévoient plus que deux… et ils ne sont que cinq sur dix-neuf à juger que trois ou même quatre restent possibles.

Mais ils pourraient bientôt changer d’avis si l’indice d’inflation PCE devait confirmer son rythme de progression de 3,5% (hors énergie et produits frais).

Wall Street va maintenant trembler à chaque publication de la jauge de l’inflation, qui pourrait tendre rapidement vers 4% si Donald Trump applique tous les tarifs douaniers dont il a menacé le Mexique, le Canada et la Chine. Des surtaxes qui impacteraient rapidement les prix acquittés par les consommateurs.

Quoiqu’il en soit, la semaine boursière précédant Noël est gâchée, et certains vendeurs de volatilité – pris totalement à contrepied par le doublement du VIX – vont devoir prévoir un réveillon avec biscottes coquillettes.

A la différence de début août, l’explosion du stress n’est pas exogène (venue du Japon), mais venue du coeur du réacteur économique US : la Fed peut encore amender son discours pour atténuer le choc, car Powell a eu la dent dure contre l’inflation.

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