La multiplication des « niches fiscales » ne doit pas cacher une dangereuse dérive du Droit selon laquelle notre argent appartient d’abord à l’Etat.
Hier, nous avons évoqué quelques règles qui encadrent la gestion de patrimoine et le conseil en la matière. Aujourd’hui, je vous propose de voir les solutions vers lesquelles s’oriente l’Etat afin que les contribuables respectent les règles du jeu.
Vous avez pu constater que le contribuable qui se pense assez averti pour diminuer sa fiscalité en respectant les textes doit également exceller en herméneutique fiscale pour ne pas déroger à l’esprit de la loi.
Pour ne rien arranger, la jurisprudence fiscale n’est pas toujours limpide ni définitive. Nous sommes à mille lieues d’une législation simple et claire qui se bornerait à interdire un certain nombre de pratiques et où toutes les autres seraient autorisées. Cette situation fait bien sûr le grand bonheur des spécialistes du Droit.
Que ceux qui trouvent que la situation n’est pas encore assez complexe se rassurent : le législateur est au taquet pour rendre la situation encore plus sibylline.
Ainsi le 18 juillet 2013 le Sénat a-t-il validé une modification de la notion d’abus de droit qui ouvrait la porte à une insécurité juridique extrême. Il s’agissait de remplacer, dans l’article L64 du Livre des procédures fiscales, la partie :
« Ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé. »
Par les termes suivants :
« Ils ont pour motif essentiel d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales ».
Vous ne savez pas distinguer entre les motifs essentiellement fiscaux et les motifs non essentiellement fiscaux ? Aucun problème, le Sénat semble convaincu que l’administration, elle, saura (au besoin, elle recrutera sans doute une armée de psychologues pour sonder vos intentions).
Fort heureusement, le gouvernement a mis fin à la plaisanterie des ronds de cuir du palais du Luxembourg, paradis fiscal et social au sein de la République s’il en est.
Optimisation vs évasion : pas d’amalgame !
Quel exemple symbolique d’acteurs qui confondent volontiers optimisation fiscale et fraude fiscale, dès lors que ce n’est pas eux qui tirent profit de la loi ! Il s’agit du même genre de confusion que font certains politiciens démagogues et nombre de médias très lourdement subventionnés à propos des Paradise papers, assimilant nombre de riches contribuables qui ont optimisé leur fiscalité à des fraudeurs.
En effet, le journal Le Monde précise que « contrairement aux ‘Panama Papers’, cette nouvelle enquête concerne moins le blanchiment d’argent sale, issu de la fraude fiscale et d’autres activités illicites (trafics d’armes, de drogue…), que des schémas légaux montés par des bataillons d’experts en optimisation fiscale. L’argent, ici, a le plus souvent été soustrait à l’impôt de façon légale ou aux frontières de la légalité, grâce aux failles du système fiscal international. »
Comme le relève l’avocate Nathalie MP sur Contrepoints, « la réaction des écologistes de EELV est particulièrement amusante et révélatrice. Ils dénoncent et déplorent ‘la légalité des montages fiscaux’ employés. Donc c’est légal. Donc il n’y a pas d’affaire ‘Paradise Papers’. Donc la phrase du Monde est absurde, car si ces pratiques sont légales, on voit mal quelles sommes ont été ‘soustraites’ à l’impôt. » C’est à se demander s’il ne faudrait pas considérer qu’en France, votre patrimoine appartient d’abord à l’Etat, déplore-t-elle…
Saluons notre expert ès « comptabilité insincère » Michel Sapin, qui a tout de même eu le culot de venir dispenser une leçon de morale sur le plateau de France Info. Il est vrai qu’un spécialiste aussi chevronné, condamné en septembre 2016 à rembourser 100 000 € indûment perçus au titre de ses indemnités de maire, ne peut avoir qu’un avis éclairé sur les questions de probité.
Les mailles du filet anti-fraude
Dans un pays où l’Etat absorbe près de 50% de la richesse créée, quoi de plus légitime que d’optimiser sa fiscalité en passant par des montages légaux ? Parfaitement légale, l’optimisation fiscale est d’ailleurs parfois explicitement voulue par l’Etat lui-même, au travers des wagons de dispositifs que nos dirigeants nous concèdent sous le nom méprisant de « niches fiscales ».
Mais du fait de son modèle social (que chaque pays nous envie mais qu’aucun ne copie) et des gabegies budgétaires, qu’elles soient réalisées dans une perspective clientéliste ou dans un objectif purement festif, l’Etat français doit faire rentrer de l’argent dans les caisses. Il est donc en recherche permanente de solutions en vue de s’assurer qu’un minimum des euros qui devraient lui revenir légalement ne lui échappent pas.
L’Etat s’oriente-t-il vers un système fiscal (et social) qui mettrait tout le monde à égalité en supprimant l’ensemble des exceptions fiscales et des privilèges sociaux ? Vous vous en doutez, cela n’est pas la direction que l’on prend…
En 2018, le nombre de « niches fiscales » passera de 451 à 457…
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Par ailleurs, en septembre 2017, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) indiquait que 100 nouveaux inspecteurs allaient rejoindre les rangs des 1 500 inspecteurs de l’URSSAF d’ici 2018.
Outre ce renforcement de ses équipes physiques, l’Etat mise également sur l’informatique. Ainsi au mois de novembre le gouvernement a-t-il autorisé Bercy à expérimenter pour une durée de deux ans le croisement plusieurs fichiers regroupant des données personnelles afin de traquer la fraude fiscale des particuliers.
Seront regroupées les informations « du référentiel des personnes physiques et morales, celui des occurrences fiscales et des adresses, le fichier des comptes bancaires, le compte fiscal des particuliers, la base nationale des données patrimoniales, le fichier des contrats de capitalisation et d’assurance-vie », relève Numerama. D’autres administrations, nationales ou étrangères, seront également sollicitées (notamment les organismes sociaux).
Pour ce qui concerne les entreprises, la loi de finance rectificative du 29 décembre 2016, dans son article 14, prévoit un nouveau type de contrôle fiscal pour les entreprises qui porte le doux nom d' »examen de comptabilité ». L’originalité de ce dispositif de contrôle fiscal est qu’il se déroule à distance, sans qu’un agent du fisc ne se déplace dans les locaux de l’entité concernée.
Enfin, l’Etat rémunère à titre expérimental depuis novembre 2016, et ce pour deux ans, les informateurs de cas de fraude fiscale internationale. Dans le même genre, depuis mars 2017, les Fournisseurs d’Accès à Internet (FAI) sont désormais rémunérés pour indiquer à la HADOPI l’identité des internautes qui téléchargent illégalement.
Vers une société où les bons citoyens seront ceux qui dénonceront leur voisin ? L’avenir s’annonce radieux !