La Chronique Agora

Ni calme ni réconfort

** Le krach de l’immobilier américain est terminé, selon Alan Greenspan, ancien président de Fed et fin connaisseur des bulles d’actifs.

– "La plupart des facteurs négatifs, en matière d’immobilier, sont probablement derrière nous", assure-t-il. "Le quatrième trimestre devrait être raisonnablement bon — meilleur en tout cas que le troisième".

– Si Greenspan ne s’inquiète pas, c’est que nous devrions probablement nous faire du souci. Aussi cultivé que soit l’ancien président de la Fed, il ne peut pas lire les journaux de demain. En fait, il semble parfois avoir du mal à lire les journaux d’aujourd’hui… ou au moins de comprendre ce qu’ils signifient.

– "Beaucoup de gens vont perdre leurs maisons", dit-il. "C’est une tragédie familiale. Ce n’est pas une tragédie économique — ou macroéconomique".

– Peut-être, mais ce n’est pas non plus une comédie. Appelons ça un drame en cours… avec une fin surprise. Ce drame bien précis comportera probablement un déclin des ventes de maisons, et une chute des prix.

– Les prix de l’immobilier dégringoleront-ils assez pour se classer dans la catégorie "tragédie macroéconomique" telle que définie par Greenspan ? Nous n’en savons rien, mais nous n’exclurions pas cette possibilité. L’éclatement d’une bull provoque en général plus de larmes que de fous rires.

** Et quels sujets inquiètent l’ancien président de la Fed, vous demandez-vous peut-être ?

– "Nos problèmes sont peut-être le mieux exprimés", déclare-t-il, "par le fait que l’âge moyen de nos chercheurs scientifiques augmente". Euh… d’accord.

– L’âge de plus en plus canonique de la communauté scientifique américaine est sans aucun doute une tragédie incalculable. Mais nous ne sommes pas certain que des chercheurs grisonnants présentent un problème plus grave que l’érosion de la valeur de l’immobilier… et la disparition des comptes en banque (en fait, nous irions même jusqu’à affirmer que la hausse de l’âge moyen des scientifiques est bien moins tragique que la hausse de l’âge moyen de l’équipe éditoriale américaine de la Chronique Agora).

– Mais plutôt que de nous faire du mauvais sang au sujet de l’inévitabilité de la vieillesse, examinons la quasi-inévitabilité de la chute des prix de l’immobilier…

– Nous étions terrifié par le marché immobilier avant même que Greenspan n’essaie de nous calmer. Mais nous sommes plus terrifié encore à présent, grâce au considérable historique de Greenspan en tant qu’indicateur contrarien.

– L’ancien président de la Fed n’a pas TOUJOURS tort, bien entendu. Mais qui pourrait oublier sa célèbre remarque sur l’"exubérance irrationnelle", le 5 décembre 1996, lorsqu’il s’est inquiété de l’ébullition régnant sur les marchés boursiers. Au cours des trois années qui ont suivi, le Nasdaq a été multiplié par quatre. Mais au lieu de s’inquiéter plus encore de l’exubérance boursière, le président s’en est MOINS inquiété.

– Puis, le 6 mars 2000, Greenspan a déclaré, au cours d’une conférence sur la "Nouvelle Economie" donnée au Boston College, que l’économie basée sur internet continuerait de nourrir la productivité, l’innovation technologique et une création de richesse durable.

– "Je ne vois rien qui suggère que ces opportunités disparaîtront avant longtemps", a prédit Greenspan. "En fait, bon nombre de personnes affirment que le rythme des innovations ira en s’accélérant au cours des prochaines années, les entreprises exploitant le potentiel encore largement inutilisé de l’e-commerce"…

– Hélas, le Nasdaq a atteint son sommet quasi-immédiatement après que Greenspan ait quitté la salle.

– Les propos calmes et réconfortants de Greenspan au sujet du marché immobilier ne communiquent donc ni calme, ni réconfort.

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