La Chronique Agora

Néo-banques : début de la fin ou rebond ?

banque, néo-banque, N26, Revolut

Comme les banques en ligne, elles traversent une période difficile… depuis quelques années. Dans ces conditions, est-ce encore une bonne idée de confier ses économies à une néo-banque ?

Les néo-banques n’arrêtent pas de faire parler d’elles : rachat, levée de fonds, fermeture, développement… Vont-elles finir par concurrencer vraiment les banques traditionnelles ou vont-elles finir par être absorbées comme leurs grandes sœurs les banques en ligne ? Petite revue de détail.

Ne pas confondre néo-banques et banques en ligne

Les termes sont souvent confondus. Pourtant, ils désignent deux activités certes très proches, mais néanmoins différentes. Les banques en ligne, comme leur nom l’indique, sont des établissements bancaires présents sur Internet. La première sur le marché français fut Cortal, créé en 1984 par la Compagnie bancaire (rachetée par Paribas qui, à son tour, sera rachetée par BNP, cette dernière transférant les comptes de Cortal à Hello Bank en 2016).

C’est surtout au début des années 2000 que les banques en ligne se sont multipliées. Elles sont alors indépendantes – comme Zebank ou Boursorama – ou filiales d’établissements étrangers – comme Bibop ou ING. Cette première génération de banques à distance propose surtout des services d’épargne et de courtage en Bourse, sans ouverture de compte bancaire, et à frais réduits. Elles s’adressent aux jeunes urbains, aux clients « modernes » séduits par les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), ou encore aux cadres très mobiles ou expatriés cherchant une solution pour gérer leurs comptes de n’importe quel endroit de la planète. Petit à petit, elles deviendront des banques à part entière, sans agences physiques toutefois.

Si le développement d’Internet a permis l’émergence des banques en ligne, c’est celui de l’Internet mobile qui a fait le succès des néo-banques. Apparues au début des années 2010, elles s’appuient, en effet, principalement – et parfois exclusivement – sur leurs applications pour smartphones. Leur principal attrait est de proposer, en règle générale, une ouverture de compte facile et rapide (quelques minutes) et de ne pas exiger de conditions de ressources. Elles sont réellement accessibles au plus grand nombre, à condition toutefois, nous l’avons dit, de posséder un smartphone.

La différence de taille entre les néo-banques et les autres est que les premières sont généralement des « établissements de paiement », selon la classification de la Banque de France. Pour le dire autrement, elles ne sont pas de « vraies » banques, ne pouvant pas proposer de découvert, de chéquier, pas plus que de solutions d’épargne ou de crédit.

Des banques qui ne gagnent pas d’argent

Si les banques traditionnelles ont pu être surprises par l’arrivée des banques en ligne, puis des néo-banques, elles ont su rebondir rapidement. Elles ont ainsi créé leur propre banque en ligne ou racheté un établissement existant. Aujourd’hui, en France, plus une seule banque en ligne n’est indépendante : Bforbank est filiale du Crédit Agricole, Boursorama de Société Générale, Fortuneo de Crédit Mutuel Arkéa, Hello Bank, nous l’avons vu, de BNP Paribas, et Monabanq de Crédit Mutuel Alliance fédérale.

Ces emplettes des banques traditionnelles chez les banques en ligne ont été facilitées par le fait que ces dernières ne gagnent en général pas d’argent. Aujourd’hui, seules Fortuneo et Boursorama seraient rentables.

Ainsi la néerlandaise ING, arrivée en France en 2000, l’une des premières banques en ligne de l’Hexagone, a-t-elle fini par jeter l’éponge après plus de 20 ans de pertes. ING avait l’ambition de faire oublier la banque traditionnelle. Mais, en 2021, le groupe annonçait sa décision de fermer son établissement français « du fait des difficultés liées au contexte économique actuel, et notamment la faiblesse des taux d’intérêts, des résultats financiers négatifs enregistrés par la banque en ligne ces dernières années et de sa part de marché relativement limité ». Bref, la banque n’a jamais vraiment réussi à percer.

Alors que la plupart des banques en ligne insistent sur la qualité du service rendu pour se distinguer, ING a mis l’expérience client de côté au moment de sa sortie du territoire. Pourtant la banque néerlandaise avait annoncé qu’elle faciliterait les transferts de comptes vers Boursorama, choisi comme partenaire. Une procédure simplifiée avait été mise en place et ING devait contacter ses clients pour leur proposer cette option. Ceux qui préféraient transférer leur compte dans une autre banque devaient, en revanche, suivre la procédure classique, plus longue et, souvent, plus fastidieuse.

Toujours est-il qu’en juillet 2022, ING commença à fermer les comptes encore existants et que de nombreux clients se sont retrouvés sans compte du jour au lendemain, c’est-à-dire sans moyens de paiement ! Le cafouillage a aussi été maximal sur les comptes d’épargne, des livrets réglementés aux PEA et comptes-titres. Quant à ceux qui détenaient une assurance-vie, ils ont vu leur contrat transféré chez Boursorama sans qu’ils aient eu leur mot à dire. Tout cela a décidé France Conso Banque à entamer une action collective pour faire valoir les droits des clients qui ont été lésés.

Les banques traditionnelles ne sont pas non plus restées à l’écart du mouvement des néo-banques. BNP Paribas a ainsi racheté Nickel en 2017 ; l’année suivante, La Banque postale a créé Ma French Bank en 2018 et Crédit Agricole a lancé Eko ; Shine, qui s’adresse aux entrepreneurs, a été reprise par Société Générale en 2020.

Quand la banque fait flop

Il faut dire que les néo-banques connaissent aussi des déboires. C-Zam, par exemple, créée par Carrefour en 2017 a fermé boutique en juillet 2020. Les dernières communications du groupe faisaient état d’environ 120 000 clients à la fin de l’année 2018… bien loin de la taille critique. Prismea, lancée par le Crédit du Nord en 2020, à l’intention des entreprises, a cessé d’exister.

Le dernier flop en date est celui d’Orange Bank. Rappelons que l’idée de départ, en 2017, était de séduire les clients d’Orange (plus de 20 millions en France rien que pour l’offre mobile) pour surpasser toutes les autres banques en ligne, et donner un relai de croissance au groupe qui subissait la concurrence de Free. Orange espérait aussi pouvoir fidéliser ses clients, le taux de désabonnement étant très important dans les télécoms. L’objectif était d’atteindre 2 millions de clients d’ici 2027 et ne plus perdre d’argent au bout de quatre à cinq ans.

Certes, les 2 millions de clients ont été atteints (en incluant la filiale espagnole) plus rapidement que prévu, mais le cumul des pertes d’exploitation depuis 2017 dépasse le milliard d’euros, obligeant la maison-mère à recapitaliser la banque régulièrement. C’est donc bien parce que les résultats n’étaient pas au rendez-vous que l’opérateur téléphonique a fini par conclure un accord avec BNP Paribas.

Les 500 000 clients d’Orange Bank ont donc été invités à rejoindre Hello Bank, qui compte 800 000 clients en France. Celle-ci aurait plus de 3 millions de clients en Europe (principalement en Belgique et en Allemagne) où elle serait rentable. En France toutefois, elle ne gagne toujours pas d’argent et vise l’équilibre d’ici 2025.

On peut donc se demander si les néo-banques, nombreuses à rester indépendantes, comme N26, Revolut, Lydia, Bunq, CanB, Qonto, etc., vont le rester longtemps encore étant donné les difficultés que connaît le secteur.

Des millions de clients concernés

Dernièrement, N26 a annoncé supprimer 71 postes à son siège de Berlin. On ne peut pas vraiment dire que la banque « taille dans ses effectifs » comme l’ont titré Les Échos, car cela ne représente que 4% de ses 1 700 salariés. Pas de quoi affoler les marchés ! En revanche, ses pertes – 151 M€ en 2020, 172 M€ en 2021– inquiètent davantage. Allianz, actionnaire historique, voudrait se séparer de sa participation de 5,3%.

Il faut dire que N26 n’est pas vraiment aidée par l’administration de son pays. La BaFin (Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht, ou Autorité fédérale de supervision financière, l’équivalent de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution française) lui a imposé en 2021 de limiter l’acquisition de nouveaux clients à 50 000 par mois, afin de réduire les risques et concentrer ses ressources sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Pointant les lacunes de la banque en la matière, la BaFin lui avait infligé 4 M€ d’amendes en mai 2021. Difficile dans ces conditions de faire des bénéfices !

Pourtant, les clients sont là : 8 millions en Europe, dont 2,5 millions en France où la banque serait bénéficiaire. N26 espère beaucoup se développer dans notre pays et compte doubler sa clientèle d’ici 2025.

Pour ce faire elle a ouvert une succursale en France afin de pouvoir proposer un IBAN français. Cela devrait l’aider à séduire de nouveaux clients qui hésitaient à franchir le pas puisque de nombreuses entreprises refusent les prélèvements ou les versements sur des comptes avec un IBAN étranger. N26 devrait, dans les prochains mois, proposer un compte à terme rémunéré, mais aussi autoriser les découverts.

Le problème des valorisations

Autre grand acteur, la britannique Revolut a aussi longtemps cumulé les pertes, même si elle a annoncé avoir réalisé ses premiers bénéfices en 2021, essentiellement grâce à son activité de trading de cryptomonnaies. Pour l’exercice 2022, les résultats n’ont pas encore été publiés. On sait tout de même qu’elle a réalisé 850 M£ de chiffre d’affaires contre 636 M£ en 2021. Aujourd’hui, la néo-banque revendique plus de 27 millions de clients, soit plus du double qu’au début de l’année 2021. Ses salariés ont aussi été multipliés par deux et sont près de 6 000 à ce jour.

Tout irait donc pour le mieux… si les valorisations n’étaient pas en chute libre. En juillet 2021, Revolut annonçait avoir levé 800 M$. Un tour de table qui la valorisait 33 Mds$. Aujourd’hui, la société vaudrait 40% de moins. C’est en tout cas ce que pense le fonds Molten Ventures, qui a revu la valeur de sa participation à la baisse dans ses comptes, la faisant passer de 91 M£ en mars 2022 à 55 M£ en mars 2023.

Cette baisse touche tout le secteur des fintechs. Le BCG, qui valorisait en moyenne les start-ups de la finance 20 fois leurs revenus il y a deux ans, ne les valorise plus que 4 fois leurs revenus aujourd’hui.

Conséquence, l’argent ne coule plus à flot. Comme le dit Maximilian Tayenthal, le patron de N26, « les levées de fonds sont plus compliquées pour tout le monde ». Leur croissance pourrait donc se trouver entravée, les néo-banques ayant besoin de beaucoup d’argent pour conquérir de nouveaux clients.

Nous verrons demain que si la situation est compliquée pour certaines de ces banques, d’autres pourraient en profiter pour tirer leur épingle du jeu.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile