La Chronique Agora

Néo-banques : Début de la fin ou rebond ? (2/2)

banque, Apple, paiement, BNP Paribas

Le consommateur pourrait être le grand gagnant de la condition entre les banques en ligne, les néo-banques et les Gafam.

Comme nous l’avons vu hier, les néo-banques peinent depuis quelques années à attirer de nouveaux clients, et leur croissance s’en trouve entravée, au point que beaucoup ne sont pas profitables, voire ont dû fermer boutique. Cela ne veut pas pour autant dire que le secteur est destiné à disparaître.

L’avenir est au positionnement original

Si les plus fragiles des néo-banques actuelles pourraient disparaître, il est aussi possible que les plus originales tirent leur épingle du jeu. Ces dernières semaines, deux françaises se sont distinguées.

Green-Got a annoncé, au mois de mai, avoir levé 5 M€, dont 1,9 M€ en crowdfunding. La banque propose des comptes bancaires alternatifs, transparents et écologiques qui, à chaque paiement, contribuent gratuitement au financement de la dépollution plastique des océans, au reboisement ou au développement des énergies renouvelables. Elle veut inciter les Français à « changer de banque pour changer de monde ».

Bref, c’est une néo-banque militante. Par exemple, les commissions versées par les commerçants lorsque les clients paient par carte bancaire – importante source de revenus pour les banques – sont utilisées pour financer des projets de transition écologique. La fintech estime avoir contribué à empêcher l’émission de 12 000 tonnes de CO2.

Dix mois après son lancement, Green-Got a déjà séduit 13 000 clients payants et vise, sans rire, 66 millions de clients en France ! Une offre d’épargne est en préparation pour la fin de l’année 2023, ainsi qu’une ouverture en Belgique. L’ambition des fondateurs est considérable : « Etre un acteur européen pour avoir le plus grand impact possible. »

Autre acteur français ayant un positionnement commercial original : Memo Bank. Il est probable que vous n’en ayez jamais entendu parler. Elle dispose pourtant d’une licence bancaire complète – c’est la première banque indépendante à avoir obtenu une licence depuis 1970 –, mais elle ne s’adresse qu’aux PME réalisant plus d’un million d’euros de chiffre d’affaires.

Contrairement à ses concurrents, Memo Bank ne fait pas la course aux clients, ni aux levées de fonds extraordinaires. Elle ne cherche pas non plus à être la moins chère. Son idée est plutôt de multiplier les produits pour couvrir un maximum de besoins et, ainsi, devenir rapidement la banque principale de ses clients.

Opérationnelle depuis septembre 2020, Memo Bank revendique environ 300 clients qui ont été séduits par ses forfaits mensuels proposant découverts, cartes à débit différé, mise en place de prélèvements, possibilité de recevoir des virements internationaux hors zone SEPA, etc. Cerise sur le gâteau du service aux clients, les chargés d’affaires peuvent se déplacer chez eux.

Memo Bank vise la rentabilité en 2024. Espérons pour elle qu’elle y arrivera, car celles qui accumulent les pertes pourraient s’enfoncer davantage encore avec les nouveaux acteurs se profilent à l’horizon.

Les Gafam en embuscade ?

Certes, il y a bien longtemps que l’on parle de l’ubérisation des banques par les fameux Gafam (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft), mais aussi par leurs concurrents chinois.

En 2019, Facebook annonçait le lancement de sa cryptomonnaie Libra. Nous savons désormais que Libra (rebaptisée ensuite Diem) ne verra jamais le jour, les Etats ayant jeté l’opprobre sur l’initiative et faisant fuir tous les partenaires. Google a, de son côté, abandonné (peut-être temporairement seulement), son projet Google Plex, qui permettait à ses clients d’ouvrir un compte d’épargne auprès de banques partenaires. Mais les incursions des Gafam dans la finance n’ont pas toutes connu une fin malheureuse.

Aujourd’hui, les services Apple Pay, Google Pay ou encore Amazon Pay font partie du paysage. Si le paiement attire les géants américains, c’est sans doute parce que c’est la plus grosse « industrie » du monde. Elle devrait atteindre les 2 000 Mds$ en 2025 ! Non seulement, ils espèrent gagner beaucoup d’argent sur un marché très lucratif, mais ils fondent également de grands espoirs dans les données qu’ils récoltent lors des opérations.

Ces derniers mois, il semble que les géants américains accélèrent dans le domaine de la finance. Twitter s’est ainsi associé à la plateforme de trading et d’investissement eToro pour permettre à ses utilisateurs de voir les prix en temps réel d’actions, de cryptomonnaies et d’autres actifs, puis de réaliser des transactions.

Mais le plus actif est Apple. Le géant de Cupertino, qui propose une carte de crédit aux Etats-Unis depuis 2019, a indiqué mi-avril qu’il lançait un compte épargne, en partenariat avec la banque Goldman Sachs. Réservé aux détenteurs de l’Apple Card, il offre une rémunération de 4,15%. Il sera directement alimenté par le programme de « cashback » de la carte bancaire. Il sera, bien sûr, possible d’y verser d’autres fonds. Quelques semaines auparavant, Apple mettait sur orbite sa solution de paiement fractionné, Apple Pay Later, disponible pour certains clients, sur des achats compris entre 50 et 1 000 $.

Toutes ces initiatives font peur. Il y a deux ans, l’Autorité de la concurrence alertait sur le « le risque de marginalisation, à terme, des acteurs bancaires traditionnels » par les Gafam. Elle s’inquiétait aussi du « renforcement du pouvoir de marché » de ces grandes plateformes et du « verrouillage des consommateurs dans un écosystème », susceptible de générer des risques concurrentiels dans le secteur financier.

Les banques traditionnelles vont bien, merci !

On peut se demander si l’Autorité de la concurrence ne cherchait pas à faire peur. Peut-être pour justifier de son utilité !

Quoi qu’il en soit, on ne voit pas trop les banques traditionnelles souffrir aujourd’hui. En tout cas en France. Elles affichent toutes, ou presque, d’excellents résultats.

La première française – et européenne –, BNP Paribas, a vu son résultat 2022 progresser de 7,5% par rapport à 2021, malgré les provisions faites pour la dépréciation de ses filiales en Ukraine.

Les autres se portent bien aussi. Au point que l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a écrit que « les six principaux groupes bancaires français ont confirmé leur solidité, tant en agrégé qu’au niveau individuel ; ils ont réalisé de très bonnes performances et ont continué de fournir des conditions de financement de l’économie favorables ». L’ACPR précisait que leurs revenus avaient atteint, en 2022, un plus haut historique et que le coût du risque, bien qu’en hausse, reste à un niveau historiquement faible » ; que des bénéfices élevés ont été réalisés ; que la qualité de leurs actifs, se maintient à un bon niveau ; que « leur situation de solvabilité demeure solide, avec des ratios significativement au-dessus des exigences réglementaires » ; et qu’ils disposent de réserves de liquidités dépassant largement les exigences minimales.

Bref, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ! D’ailleurs, l’emploi a repris vigueur. Les banques ont embauché 49 000 personnes en 2022, soit 21% de plus que l’année précédente.

On ne peut que se réjouir de la performance des grandes banques hexagonales. Nous nous félicitons aussi de la présence des néo-banques et de l’arrivée des Gafam dans le paysage. Grâce aux talents, au courage, à la volonté, à la créativité des entrepreneurs, des concurrents aux banques traditionnelles émergent et proposent de nouveaux services. Le consommateur pourra être le grand gagnant de cette compétition, à condition toutefois que la réglementation ne vienne pas brider le jeu de la concurrence.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile