La Chronique Agora

Narration historique : un parallèle… surprenant

▪ Les actions semblent reprendre du terrain. L’or aussi : il a grimpé de 28 $, repassant à la hausse la barre des 1 600 $ l’once. Quoi que ce soit qui ait fait souffrir le métal jaune, ça semble avoir disparu comme un rhume de saison. Voyons ce qui arrivera ensuite !

Nous trouvons tout ça extrêmement distrayant. Nous ne sommes plus positionnés sur les actions américaines. Elles sont trop chères et trop dangereuses à notre goût. Mais nous avons investi dans l’or. Même là, qu’il grimpe ou baisse ne compte pas vraiment. Nous l’utilisons en tant que réserve de valeur, non comme spéculation. En fait, nous espérons qu’il passe sous les 1 000 $ — pour pouvoir en acheter plus !

En attendant, hier, nous n’avons pas dit, comme Henry Ford, que « l’Histoire, c’est des sottises ». Ce n’est pas des sottises. L’Histoire apporte souvent des avertissements utiles. Elle nous dit des choses qui sont vraies. Mais l’Histoire ne dit jamais toute la Vérité. Dans la mesure où une narration historique exclut autant qu’elle inclut, elle peut en fait éloigner le lecteur de la Vérité au lieu de l’en rapprocher.

Dès l’aube de l’humanité, l’Histoire a aussi été une narration héroïque. Le héros était confronté à un défi. L’issue était incertaine. Ensuite, il réussissait à surmonter l’obstacle… et à gagner la bataille (le coeur de la jolie femme… le respect… l’argent… peu importe).

C’est également la formule la plus commune pour tout ce qu’on appelle aujourd’hui le storytelling, et pour la publicité. Cela fonctionne pour tout — des leçons de piano à Ben Hur. Confronté à un problème — les pellicules, la soif, la vaisselle sale et ainsi de suite — le héros de l’histoire (qui est le client dans les messages publicitaires) sort victorieux. Dans les messages publicitaires, il relève le défi en achetant le produit. C’est un homme, un vrai (Marlboro). Il peut satisfaire sa femme (Viagra). Il a du succès (le Wall Street Journal). Il conduit une belle voiture. Ses cheveux gris ont disparu. Ses poignées d’amour se sont transformées en tablettes de chocolat. Il trouve Dieu.

Bien entendu, il y a aussi le héros tragique, défait par ses propres défauts… ou par les dieux… mais ça, c’est une autre histoire !

Les narrations historiques suivent la même forme de base. Elles content des histoires de batailles, de guerres, de révolutions. C’est là l’Histoire qu’on enseigne dans les écoles — celle que les gens apprennent et répètent. Et elle a besoin de gens. Des gentils et des méchants. Des héros et des ennemis, des gagnants et des perdants, des protagonistes et des antagonistes.

Généralement, le héros est à la tête d’un groupe.

En tant qu’humains, nous sommes les produits de la période paléolithique. Nos cerveaux ont été formés par de nombreux millénaires passés en tant que groupes tribaux de chasseurs-cueilleurs. Dans les sociétés tribales pré-civilisées, il était possible de « savoir » les choses par l’expérience personnelle et les témoignages directs à la première personne. Si l’un de vos compagnons vous annonçait qu’une tribu ennemie approchait du camp, vous étiez en assez bonne position pour juger de la véracité et de l’importance des nouvelles. Les nuances de la voix, l’expression du visage, le ton, les gestes… ainsi que le contexte, l’histoire récente, la réputation et ainsi de suite… donnaient les moyens de maîtriser l’information de manière raisonnablement fiable. Ensuite, on se tournait vers le chef. Lutter ? S’enfuir ? C’est lui qui donnait le rythme. Puis, assis autour du feu, les hommes échangeaient peut-être des histoires sur les grands chefs qu’ils avaient connus ou dont ils avaient entendu parler. Ils devaient tirer inspiration et instruction de ces histoires, comme nous le faisons aujourd’hui.

On en arrive ensuite aux civilisations modernes, vastes et ordonnées : quand on donne le fait historique, par exemple, que l’armée française approchait de Brescia en 1512, c’est aussi vide de véritable information qu’un CD vierge. C’est un « fait » mais dénué de tout contexte qui permette d’en tirer un sens. Même si on l’étudiait de plus près, en suivant l’une des nombreuses racines de la guerre jusqu’au siège et au pillage de la ville, la véritable connaissance de l’événement prendrait probablement la forme habituelle — avec un héros, un opposant, une bataille décisive et une résolution.

Emotionnellement et esthétiquement, l’histoire du héros est satisfaisante — comme faire l’amour ou écouter la Neuvième de Beethoven. Pianissimo, fortissimo, crescendo, decrescendo… Comme le sexe, une histoire héroïque commence avec deux personnes… l’une portant l’attaque, l’autre la recevant… On bouge beaucoup pour se mettre en position… on en passe par le feu de l’action… un point culminant… et un dénouement. Mais les comptes-rendus historiques ne disent généralement pas grand’chose de ce qui se passe vraiment. Pour ces nuances, mieux vaut lire les journaux et les lettres des gens qui ont vu l’action de leurs propres yeux et rapporté ce qu’ils voyaient.

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