▪ Dans notre dernier ouvrage en date — à paraître très prochainement en France –, nous nous intéressons de près à la notion d’hormèse (hormesis), que l’on peut résumer de la sorte : trop de bien mène au désastre.
Un exemple concret : l’invasion de la Russie par Napoléon. Un exemple intéressant parce que l’idée était clairement mauvaise — si mauvaise que dès le début, même ses meilleurs conseillers, qui avaient vécu en Russie, sont venus le trouver. L’un d’entre eux déclare dans son autobiographie qu’il s’était mis à genoux et avait supplié l’empereur de ne pas envahir la Russie, tentant de lui expliquer une réalité incroyable : la Russie est un désastre, avait-il dit. C’est un champ de ruines. Il n’y a pas de routes. Les hivers sont féroces. Les gens sont dangereux.
Il avait ensuite déclaré que si l’on envahissait la Russie, ce serait la mort de la France. Ce serait la fin de l’empire. Mais Napoléon a envahi le pays malgré tout. Et bien entendu, l’aventure se termina comme prévu — par un désastre total.
Si l’on regarde l’ensemble de l’ascension de Napoléon au pouvoir, on réalise qu’à petites doses, c’était une bonne chose |
Cependant, si l’on regarde l’ensemble de l’ascension de Napoléon au pouvoir, on réalise qu’à petites doses, c’était une bonne chose. Il a fait beaucoup pour la France. Il l’a sauvée, dans un sens… mais la majeure partie de son oeuvre s’est soldée par une catastrophe pour le pays.
Nous aimons ces exemples militaires, au passage, parce que le monde des armées est plein d’énormes désastres si colossaux qu’on ne peut s’empêcher de les remarquer.
▪ Il n’y a pas que Napoléon…
Il y a un autre exemple militaire : l’Allemagne nazie. Hitler n’était pas seulement un fou furieux — il était plus que ça. Il était économiste… et il avait un plan. Ledit plan était en gros un plan de politique nationale — il s’était rendu compte, après la Première Guerre mondiale, que l’Allemagne ne se suffisait pas à elle-même, en termes de nourriture.
Il y avait bien entendu une raison évidente à cela : le pays avait tant dépensé pour la guerre qu’il y avait eu peu d’investissement dans le secteur de l’agriculture. Mais Hitler ne réfléchissait pas à ça ; il voyait juste que l’Allemagne n’était pas auto-suffisante. Il a donc réfléchi : "eh bien, il nous faut plus de terres agricoles". Il a regardé autour de lui : "et où y a-t-il des terres agricoles ?" A l’est — de sorte qu’il eut l’idée d’envahir la Pologne et l’Ukraine pour s’approprier ces terres agricoles.
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Tout le centre du pays avait été envahi par les colons, volé aux Indiens puis exploité et transformé en "grenier à blé" pour les Etats-Unis |
Il y avait un précédent : c’est exactement ce que les Américains avaient fait. Ils avaient envahis le Kansas, le Nebraska, tous les états des Plaines — en fait, tout le centre du pays avait été envahi par les colons, volé aux Indiens puis exploité et transformé en "grenier à blé" pour les Etats-Unis. Hitler prévoyait de faire la même chose pour l’Allemagne : transformer l’Ukraine et la Pologne — la partie est de la Russie — en grenier à blé. Il s’agissait de régions où la densité de population était faible, habitées par des gens qu’il considérait comme des sous-hommes, et tout lui semblait parfaitement raisonnable du point de vue politique.
Sous la direction d’Hitler, les Allemands se mirent donc à dépenser de l’argent pour leur défense. Enfin… au départ, c’était de la défense : en effet, la guerre les avait laissés démunis sur ce plan. Mais ensuite, ces dépenses se muèrent en dépenses de sécurité — en quantité croissante parce qu’il fallait justement assurer les territoires à l’est du pays. Ils consacrèrent donc une partie de plus en plus considérable du budget du pays aux affaires militaires.
A nouveau, une petite partie de ces dépenses était probablement une bonne chose — pour reconstruire la défense du pays. Mais au fur et à mesure, le "rendement" de ces dépenses a baissé… avant de tourner au désastre complet et absolu parce que ce dont ils s’inquiétaient le plus — la sécurité du pays — était précisément ce qu’ils avaient perdu. A la fin de la guerre, le pays fut envahi, saisi par des pouvoirs étrangers, divisé. Une débâcle totale.
Voilà ce qu’est l’hormesis. C’est ainsi que ça se passe : on pense poursuivre une chose dont on est persuadé que c’est un bon objectif politique. Cela commence toujours par une grande théorie sur la manière dont les choses fonctionnent… et il y a toujours une sorte ou une autre de composante économique ou militaire. Enfin et surtout, on ne s’arrête pas.
Là est la différence avec les affaires privées, parce qu’en privé, on ne peut pas continuer. On rencontre forcément un obstacle. On se retrouve à court d’argent, ou bien quelqu’un vous ordonne d’arrêter, ce genre de choses. En public, on peut boire le calice jusqu’à la lie. C’est l’hormesis : lorsqu’une politique est poursuivie au-delà de tout résultat raisonnable.