Si vous possédez votre logement, cette opération juridique pourrait se révéler intéressante, notamment à l’approche de la retraite.
Si le mot démembrement vous fait penser à l’écartèlement et autres tortures moyenâgeuses sophistiquées, rassurez-vous, nous n’allons évoquer ci-après que le démembrement de propriété. Un acte totalement indolore et qui pourrait même vous faire du bien.
De quoi s’agit-il ? Tout simplement d’une opération juridique consistant à diviser la pleine propriété d’un bien immobilier avec d’un côté la nue-propriété, et de l’autre l’usufruit. Comme on peut aisément le deviner, l’usufruit donne le droit d’usage du bien (l’habiter) et d’en percevoir les fruits (le louer). A l’inverse, avec la nue-propriété, on possède le bien sans disposer du droit d’en jouir.
Démembrer une propriété peut avoir des avantages au moment de l’achat d’un bien, de sa vente, de sa donation ou de sa succession. Examinons chacun de ces cas.
Acheter en démembrement pour optimiser sa fiscalité et préparer sa retraite
Déjà, acheter un bien en nue-propriété permet de le payer moins cher. Une décote est, en effet, appliquée sur la valeur vénale du bien, le nu-propriétaire cédant l’usufruit de son bien à une tierce personne.
Cet usufruit est temporaire. Il est en général d’une durée comprise entre 10 et 20 ans. C’est la durée du démembrement qui détermine le montant de la décote, qui est le plus souvent de 30% à 40%. A l’issue de la période de démembrement, le nu-propriétaire devient pleinement propriétaire et peut alors occuper le logement, le revendre ou le louer.
Il existe de nombreuses opérations immobilières permettant ce genre de montage, en général en faveur d’un bailleur social. Celui-ci, pour la même somme investie, peut ainsi disposer de davantage de logements. Qui plus est, ceux-ci sont toujours en excellent état, puisqu’ils sont régulièrement renouvelés et ne font pas ainsi l’objet de gros travaux.
Si l’on voit bien les avantages que peut tirer l’usufruitier de ce système, qu’en est-il du nu-propriétaire ? Nous l’avons dit, il achète un bien décoté dont il devient pleinement propriétaire à l’issue de la période de démembrement. Et sans que cela lui coûte un centime supplémentaire. C’est déjà là une opération financièrement intéressante.
Pendant la période du démembrement, il n’a pas de charges à payer. Tous les travaux d’entretien du bien sont à la charge de l’usufruitier, tant pour les parties privatives que pour les parties communes si le logement est en copropriété. Le nu-propriétaire est totalement libéré de la gestion du bien qui incombe à l’usufruitier et il ne subit pas d’aléa locatif. Seules les grosses réparations sont à sa charge (article 606 du Code civil), mais elles sont a priori peu probables si la construction est récente.
Le nu-propriétaire ne paie pas non plus d’impôts. Ne percevant pas de loyers, il ne supporte aucune fiscalité supplémentaire au titre de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux. Il n’est pas non plus soumis à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), puisque le bien n’intègre pas son patrimoine immobilier. Enfin, il n’a pas à régler les taxes foncières qui sont à la charge de l’usufruitier.
Le nu-propriétaire, en cas d’acquisition à crédit, peut même déduire les intérêts d’emprunt de ses éventuels autres revenus fonciers si l’usufruitier est un bailleur social ou un bailleur imposable à l’impôt sur le revenu. Des avantages fiscaux qui ne sont pas pris en compte dans le plafonnement à 10 000 € des niches fiscales.
On le voit, l’achat en nue-propriété permet indéniablement d’optimiser sa fiscalité. Il permet aussi de s’assurer de revenus complémentaires à la retraite : si, par exemple, vous achetez un bien démembré pour une durée de vingt ans à l’âge de 45 ans, vous récupérez sa pleine propriété à 65 ans et pouvez alors le louer. Vous pouvez aussi bien entendu le vendre pour obtenir un capital-retraite dans lequel vous puiserez en fonction de vos besoins.
Vous pouvez aussi transmettre la nue-propriété à vos héritiers. Vous réduisez ainsi l’assiette de calcul des droits de donation et pouvez, par exemple, optimiser les abattements fiscaux renouvelables tous les 15 ans.
Précisons enfin que le démembrement de propriété ne s’applique pas qu’à des immeubles ou des appartements. Il est tout à fait possible avec des parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI).
Vendre en démembrement pour disposer d’un capital et rester chez soi
Si l’on peut acheter un bien en nue-propriété, on peut bien évidemment vendre la nue-propriété d’un bien tout en gardant le droit d’y habiter ou de le louer (usufruit). Certains de nos lecteurs penseront sans doute au viager. Mais, si la vente en nue-propriété lui ressemble par biens des côtés, elle ne doit cependant pas être confondue avec celui-ci.
En effet, le viager se distingue de la vente en nue-propriété principalement de deux manières. La première est que, lors d’une vente en nue-propriété, le vendeur ne reçoit pas de rente viagère. Il perçoit l’intégralité du prix de vente le jour de la signature de l’acte notarié. La deuxième différence est que le vendeur de la nue-propriété garde l’usufruit de son bien, tandis que le vendeur en viager ne garde que le droit d’usage et d’habitation (DUH), c’est-à-dire qu’il ne peut pas mettre le bien en location.
La vente en nue-propriété de sa résidence principale est intéressante pour les vendeurs qui n’ont pas besoin d’un complément de revenus. Ils reçoivent un capital dont ils peuvent disposer à leur guise. A l’inverse, la vente en viager est adaptée à ceux qui souhaitent compléter leurs revenus, au moment de la retraite le plus souvent, et ainsi maintenir leur niveau de vie. Les deux systèmes ont leurs avantages ; ils répondent, en réalité, à des projets de vie différents.
La vente en nue-propriété peut aussi concerner d’autres biens que la résidence principale. Dans ce cas, l’usufruitier peut les mettre en location et en tirer des revenus, ponctuels ou réguliers.
Dans la vente en nue-propriété, contrairement à la vente en viager, le vendeur se prémunit de deux risques principaux :
Déjà, le décès prématuré.
Certes la vente en nue-propriété n’empêche pas le décès, mais, si le vendeur décède prématurément, il a tout de même reçu l’entièreté du prix de vente contrairement au vendeur en viager qui peut n’en percevoir qu’une petite partie puisque la rente viagère n’est plus versée par l’acheteur lorsque le vendeur est décédé.
Dans le viager, certains acheteurs font une très mauvaise affaire lorsque que le vendeur vit très longtemps (comme dans le cas de Jeanne Calment à qui l’acheteur et son épouse ont finalement versé deux fois la valeur vénale du logement), et d’autres, au contraire, une très bonne affaire quand le vendeur décède rapidement après la vente. Rien de tel ne peut arriver en cas de vente en nue-propriété ;
Et ensuite, le défaut de paiement.
En effet, en cas de vente en viager, le vendeur n’est jamais assuré de recevoir la rente viagère, car l’acheteur, pour une raison ou une autre, peut arrêter de verser ce qu’il doit. Certes, le vendeur est protégé par la loi, mais il aura à engager des démarches d’autant plus fastidieuses qu’il avance en âge. Avec la vente en nue-propriété, il ne peut pas y avoir non-paiement de la rente.
Par ailleurs, les plus-values sont totalement exonérées d’impôt si le bien vendu en nue-propriété est la résidence principale du vendeur. Dans le cas du viager, le vendeur ne paiera pas d’impôt sur le bouquet, mais la rente viagère risque d’être soumise à l’impôt sur le revenu. Si le bien vendu est une résidence secondaire, il bénéficiera d’une exonération sur les plus-values après 22 ans de détention (et 30 ans s’agissant des prélèvements sociaux).
Malheureusement, les biens démembrés entrent en principe dans le patrimoine de l’usufruitier pour leur valeur en pleine propriété. Il n’y a donc pas d’exonération à espérer du côté de l’IFI pour ceux qui y sont assujettis. Comme nous l’avons dit dans la partie précédente, l’usufruitier aura également à régler les impôts locaux et les charges afférentes au logement.
Vendre la nue-propriété de son bien permet, nous l’avons vu, de percevoir un capital important en une seule fois (contrairement au viager) pour investir, prendre du bon temps ou faire une donation. Comme le vendeur garde l’usufruit, il peut continuer d’habiter son bien ou peut le louer. Il peut, par exemple, s’approchant du grand âge, rejoindre une résidence pour seniors qu’il finance avec le loyer de son habitation mise alors en location.