La Chronique Agora

La mort de la classe moyenne ?

▪ Peut-on avoir une classe moyenne sans un secteur manufacturier ?

La façon dont on répond à cette question repose sur la manière dont on traite la question suivante : les pays ont-ils ou devraient-ils avoir de nos jours des « intérêts nationaux ? » Du point de vue du consommateur, il importe certainement peu que les objets soient fabriqués dans le pays lui-même. Aujourd’hui, on peut obtenir ce qu’on veut, en provenance de n’importe quel coin du monde.

Mais le système mondialisé actuel — une chaîne d’approvisionnement diversifiée et mondiale, une logistique en flux tendu, de l’énergie bon marché et de grands conteneurs maritimes — est encore tout jeune et peut-être pas si solide qu’on le croit lorsque les désaccords entre pays s’exacerbent.

Veut-on être dépendant de technologies clés ou d’articles disponibles sur les marchés libres et ouverts ?

En d’autres termes, veut-on être dépendant de technologies clés ou d’articles disponibles sur les marchés libres et ouverts ? Après tout, très peu de gouvernements pratiquent le libre-échange ou y croient vraiment. Chacun protège son propre marché, que ce soit pour des raisons de chômage ou parce qu’il considère les technologies clés comme quelque chose qui ne devrait pas être confié à des étrangers.

Au 21ème siècle, avons-nous besoin d’une base industrielle pour avoir une économie en bonne santé ? Peut-être pas.

▪ Un rôle majeur tout au long de l’histoire
Toutefois, l’histoire montre que le secteur manufacturier a joué un rôle important pour faire accéder un grand nombre de personnes à la classe moyenne. C’est le travail qualifié qui a permis d’employer des millions de personnes en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis.

Le revenu par habitant a alors augmenté, tout comme le PIB et les salaires en valeur réelle. L’assiette de l’impôt a augmenté elle aussi. Les années 1950 et 1960 représentent l’âge d’or des Etats-Unis, l’époque où General Motors régnait sur le monde.

Le passage à une économie « basée sur les services » est qualifiée par la majorité à la fois d’inévitable et de bénéfique. Mais l’est-elle réellement ? Si vous n’avez pas la somme des connaissances et les capitaux nécessaires pour fabriquer des biens — et comment pouvez-vous les fabriquer de manière compétitive, en quantités massives, avec une main-d’oeuvre mondialisée ? — alors il ne fait aucun doute que cela change la nature de votre marché intérieur de l’emploi.

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Aux Etats-Unis, le déclin de l’industrie s’est traduit par plus de travail à temps partiel, à des salaires réels plus bas, pour plus de monde. Et sans doute, cela a également signifié un travail moins satisfaisant pour les employés, un travail dont ils ne pouvaient plus être fiers et grâce auquel fonder une famille.

Personne n’a envisagé de carrière consistant à ranger de la lingerie féminine dans les rayons d’un supermarché.

Après tout, personne n’a envisagé de carrière consistant à ranger de la lingerie féminine dans les rayons d’un supermarché. On a également assisté à un déclin structurel du taux de participation de la main-d’oeuvre, avec moins de personnes qui recherchent du travail et plus de gens qui sont licenciés et pointent au chômage.

Avec un faux libre échange, les prix des produits manufacturés sont certes plus bas mais les salaires ont eux aussi baissé. Qu’est-ce que vous pensez que cela signifie pour la qualité de vie ? Vous avez accès au crédit pour acheter des biens et des services moins chers mais votre salaire réel baisse, de même que la satisfaction que vous tirez de votre travail. Est-ce une bonne affaire ? Est-ce équitable ?

▪ La désindustrialisation n’est pas la même pour tous
Les cités-Etats (comme Singapour) et les Etats-nations (comme la Suisse) sont en bien meilleure position pour dé-industrialiser ou se spécialiser (technologie de dessalement à Singapour, horlogerie en Suisse, par exemple). Mais cela ne fonctionne pas toujours aussi bien.

Regardez comment la finance et la City dominent l’économie du Royaume-Uni. La classe moyenne a été balayée. Les prix de l’immobilier dans les grandes villes grimpent en flèche. Il y a les gens très très riches… et les autres.

Combien de gens peuvent devenir trader en obligations ou agents immobiliers dans un pays de 300 millions d’habitants ?

Même chose en Amérique, même si le phénomène est plus ou moins atténué par le boom du gaz de schiste, grâce auquel l’énergie bon marché a ramené certains types d’usines sur les terres américaines. Mais alors même que l’économie passe des services pour les masses à la finance pour les élites, combien de gens peuvent devenir trader en obligations ou agents immobiliers dans un pays de 300 millions d’habitants ?

Et quelle sorte d’économie obtient-on lorsque tout le monde gagne de l’argent en vendant des maisons aux autres qu’ils achètent avec des montants de plus en plus importants d’argent emprunté ?

C’est pour cela que la microfabrication grâce à l’impression 3D est une idée si importante. C’est un changement massif d’échelle pour l’économie, qui passe de large et centralisée à individuelle et décentralisée.

Pourtant, elle est encore basée sur l’idée que vous devez produire quelque chose que quelqu’un d’autre évalue comme pouvant générer un revenu (que cela vous importe n’est que la moitié de la bataille… si vous ne pouvez pas le changer, il n’y a pas de transaction).

Au 20ème siècle, la fabrication de masse est allée de pair avec la création d’une classe moyenne solide.

Dans le monde occidental, la classe moyenne est sous la pression des coûts de main-d’oeuvre plus bas sur les marchés émergents et de la répression financière de la part des élites. La révolution technologique n’arrivera pas suffisamment à l’avance parce que la guerre est déjà là… et elle est pour vous.

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