La Chronique Agora

Moral des ménages US en berne, euphorie sur les marchés

▪ Wall Street continue de marcher sur la tête avec une évidente allégresse. Il suffit de voir les opérateurs — ceux qui travaillent main dans la main avec la Fed — se réjouir de deux excellentes mauvaises nouvelles. Elles démontrent que les Etats-Unis ne sauraient se passer d’une prolongation du quantitative easing de la Fed pour une durée indéterminée.

C’est une statistique consternante qui vient, une nouvelle fois, provoquer un rebond surréaliste de Wall Street. Elle est liée au moral des ménages américains qui est en chute libre de 72 vers 63,4 au mois de mars. Cela n’a pas manqué de se ressentir aussi sur les places européennes (de -0,8% vers +0,05% sur l’Eurotop 100).

En 90 minutes, le CAC 40 est repassé de -0,65% à +0,3%, pour en terminer au plus haut du jour à 3 988 points. Cependant, notons que les volumes sont toujours aussi creux (2,4 milliards d’euros) mais peu importe. La barre des 4 000 est à portée de main. Sans Fukushima, elle serait restée inaccessible !

La contraction quotidienne des échanges démontre qu’il y a chaque jour un peu moins de véritables acheteurs. En revanche, on peut toujours constater la même proportion de suiveurs qui se targuent d’ignorer volontairement les chiffres et le contexte géopolitique ou économique. Ils ne considèrent que l’aspect technique du marché — qui est haussier de chez haussier.

Mercredi dernier, c’était un chiffre désastreux concernant l’activité immobilière qui avait fait bondir les indices américains au moment où le drame nucléaire japonais menaçait de faire plier Wall Street. Ce jour-là, le tapis volant évoqué dans notre précédente chronique a repris son envol et chaque statistique pourrie lui donne un peu plus de vélocité.

▪ Plus les chiffres sont mauvais, plus l’actualité apparaît exempte de la moindre bonne nouvelle. Notons entre autres la dégradation de la dette du Portugal et de la Grèce ce mardi par l’agence Standard & Poors. Certains opérateurs jugent inéluctable que le déluge de mauvaises nouvelles qui s’abat depuis le 11 mars renforcera la fuite en avant dans l’usage de la planche à billets.

Le fait que le QE1 et le QE2 n’aient permis d’atteindre aucun des buts que la Fed s’était fixés (relancer l’emploi et l’immobilier) ne serait pas un motif d’anticipation pour un changement de stratégie !

Un QE3 provoquerait une nouvelle poussée inflationniste. Le dérapage des prix du pétrole, des matières premières et des denrées alimentaires s’est accompagné d’une hausse symétrique des actions. Wall Street se prépare donc déjà au prochain rally haussier du WTI, du cuivre, du maïs, du Dow Jones et du Nasdaq.

▪ Le retournement haussier des indices boursiers européens était un peu prévisible. Le S&P (+0,4% à deux heures de la clôture) n’avait pas manifesté la moindre déception au moment de la publication d’un nouveau repli de 1% du prix des maisons individuelles pour le mois de janvier aux Etats-Unis.

L’indice S&P/Case-Shiller confirme l’atonie durable du marché immobilier américain. Les prix reculent dans les 20 premières agglomérations du pays après un repli comparable de 1% en décembre (sixième baisse consécutive).

Les villes de Minneapolis (-3,4%), Seattle (-2,4%) et San Francisco (-1,9%) sont celles dans lesquelles les prix ont le plus chuté. Et la récente remontée des taux longs ne va rien arranger.

Du pain béni pour Wall Street puisque sur l’ensemble du mois de mars, le Dow Jones est désormais stable à 12 260 points. Après avoir abandonné jusqu’à 5% les 15 et 16 mars dernier, il gagne près de 6% depuis le 1er janvier.

Dans un tel contexte, il ne manque plus que de très mauvais chiffres de l’emploi ce vendredi pour propulser le Dow Jones (déjà +6% cette année) vers de nouveaux records annuels.

Plus les notes de l’économie américaine sont exécrables, plus l’environnement donne froid dans le dos. La moyenne de Wall Street tutoie des sommets. La hausse des cours, c’est le résultat d’une sorte de concours de laideur.

▪ Mais les résultats trimestriels du T1 2011 vont fournir d’ici peu de nouvelles occasions de dégainer des « meilleurs que prévu » par bottes de douze. Ils feront passer inaperçue n’importe quelle statistique incommodante.

Nos chroniques agacent beaucoup de monde, nous sommes dénoncés comme les empêcheurs de tricher et de manipuler en rond.

C’est trop d’honneur et c’est très exagéré car nous n’empêchons rien. Nous ne sommes pas de taille face à une machine à désinformer qui pèse des centaines de milliards de dollars. Cette dernière s’acharne à faire croire que tout ira mieux quand tout indique que c’est déjà en train d’aller plus mal.

Nous oublierions donc — selon nos détracteurs — le vieil adage selon lequel il faut acheter au son du canon ! Effectivement, nous l’avons mis au rencart et l’adaptons au goût du jour comme a si bien su le faire Wall Street. Il faut acheter au son du compteur Geiger !

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*1,35 euro par appel + 0,34 euro / minute.
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