La Chronique Agora

Une monnaie qui n’en est pas une

monnaie

Non, la Fed n’imprime pas d’argent, c’est juré. Pourtant, les dettes s’accumulent… des sommes colossales se retrouvent dans le système… et les prix des actifs grimpent en flèche.

« Un mythe répandu est que ce que nous faisons, c’est imprimer de l’argent. Nous n’imprimons pas d’argent. Le montant de la monnaie en circulation ne change pas. »
– Ben Bernanke, président de la Fed, lors de l’émission 60 Minutes, sur CBS, mars 2009

Ben Bernanke allait plus loin dans ses « explications » quelques années plus tard, lors d’une présentation à l’université George Washington, en mai 2012 :

« Parfois, vous entendez que la Fed imprime de l’argent pour payer les titres que nous acquérons… En fait, la Fed n’imprime pas de l’argent pour acquérir ces titres… Le montant de la monnaie en circulation n’a pas été affecté par ces activités. 

Ce qui a été touché, ce sont […] les soldes des réserves. Ce sont les comptes que les banques commerciales détiennent auprès de la Fed, ce sont les actifs du système bancaire – et les passifs de la Fed – et c’est essentiellement ainsi que nous payons ces titres. 

Le système bancaire dispose d’une grande quantité de ces réserves, mais ce sont des entrées électroniques à la Fed – elles restent essentiellement là. Elles ne sont pas en circulation. Elles ne font partie d’aucune mesure générale de la masse monétaire. Elles font partie de ce qu’on appelle la base monétaire. Ce n’est certainement pas de l’argent liquide. »

Un changement fondamental

Alors que la Banque du Japon s’est essayée pour la première fois au QE en 2001, c’est l’adoption de l’assouplissement quantitatif par la Réserve fédérale lors de la crise financière de 2008 qui a amorcé un changement fondamental dans la gestion monétaire mondiale.

La banque centrale prééminente du monde, gardienne de la monnaie de réserve mondiale, a déclenché l’inflation monétaire dans le monde entier.

Ce fut l’une des actions politiques gouvernementales les plus importantes du siècle dernier. Le début d’une époque, d’une phase dont on dira plus tard qu’elle fut la phase finale des arrangements monétaire d’après la Deuxième guerre mondiale.

La monnaie, plus personne ne sait ce qu’elle est, comment la mesurer, comment la gérer. C’est devenu une bestiole, une création qui échappé à ses créateurs apprentis-sorciers prométhéens.

Personne n’a compris sa mutation, comment on passait de la monnaie à la finance, comment le champ monétaire et le champ financier se confondaient, s’unifiaient ; seul Alan Greenspan en a eu l’intuition.

Indissociable des dettes

La Fed n’« imprime pas de l’argent ». Elle crée des réserves ; ces réserves suivent un circuit mystérieux, opaque… mais se retrouvent sur les marchés financiers et dans les poches des ultra-riches, personne ne peut le nier.

Personne ne peut nier non plus que tout cela un rapport avec les dettes, avec le gonflement des dettes dans le système, avec la masse énorme, astronomique de dérivés qui stratosphérisent.

Cette monnaie est une monnaie… et en même temps, ce n’en est pas une.

Elle ne provoque pas de croissance économique accélérée, elle ne crée pas d’inflation des prix des biens et des services – mais elle produit une inflation terrible des prix des actifs financiers, de tous les actifs financiers.

C’est une alchimie que personne ne met au jour… sauf la Banque d’Angleterre, comme nous le verrons demain.

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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