« Les deux plus grandes inventions des hommes sont l’écriture et la monnaie, c’est-à-dire la langue commune des idées et la langue commune des intérêts », écrivait l’économiste et philosophe français Victor Riquetti de Mirabeau (le père du comte de Mirabeau, figure célèbre de la Révolution française).
Dans son livre D’or et de papier, Benoît Malbranque manie, avec précisions et moultes anecdotes historiques, l’écriture, la langue commune des idées, pour vous parler justement de la langue commune des intérêts : la monnaie.
Depuis qu’elle circule, la monnaie a constamment suscité les passions. La notion en apparence simple revêt pourtant une complexité qui nous échappe bien souvent. Benoît Malbranque retrace avec habileté l’étendue du concept et se focalise ensuite sur la monnaie papier.
« La monnaie et l’homme ont toujours avancé main dans la main. Les Grecs la connaissaient et les Romains intensifièrent son usage.
A la vérité, seules les premières peuplades n’en disposaient pas. Pour autant, elles aussi furent assez vite engagées sur le sentier du progrès humain. Ce fut par nécessité.
Les barrières à l’échange étant des barrières à la prospérité, ce n’est pas un hasard si l’âge du troc a toujours signifié l’âge de la rareté. Dépassant ce stade, ces peuples ont ainsi vu apparaître la monnaie.
[…]
La monnaie naquit du besoin des hommes. La Nature nous a donné des capacités pour pourvoir à nos besoins, mais elle n’a pas rendu notre constitution assez forte pour que nous puissions nous en charger seuls.
En limitant nos dispositions, elle nous a poussés à concentrer nos efforts sur un nombre réduit d’activités productives.
Le développement des échanges, et l’intensification des liens sociaux qui le suit, n’a fait qu’accentuer cette disposition naturelle. Alors nous avons commercé, donnant le produit de notre travail contre le produit du travail des autres.
Il est impossible de se faire une idée claire de ce que la monnaie signifie dans l’économie et dans nos vies, sans passer nos regards, au moins furtivement, sur ce que furent les conditions de l’échange avant son arrivée.
Les sociétés du troc offrent à nos yeux ébahis des scènes peu communes. Deux hommes se font face. L’un évoque son élevage de volailles, qui lui a donné plus de produit qu’il ne le fait d’habitude, l’autre ses poissons, fruits d’une pêche heureuse. Y aura-t-il échange si notre éleveur de volailles possède déjà du poisson pour couvrir ses besoins ? Voyons.
Quelle valeur a un produit dont quelqu’un ne veut pas, ou dont il dispose déjà ? Quelle valeur, indiquait déjà le sage Xénophon au ve siècle avant J.-C., quelle valeur a une flûte pour celui qui ne sait pas en jouer ? Elle n’en a pas.
Ainsi, l’échange reste partout dans l’enfance, car la monnaie n’est pas encore née. Notre homme a déjà du poisson, et pourtant il voudrait bien vendre sa volaille. Pas d’échange.
L’un des plus grands progrès de l’humanité fut de trouver une solution à cette difficulté, et, en s’apercevant des limites du troc, d’introduire un moyen commun des échanges.
L’échange étend la sphère des jouissances humaines et favorise la diffusion du progrès. Plus l’échange se développe, plus les compétences humaines, les talents, et le génie, qui sont le lot des plus chanceux d’entre nous, se diffusent à tous et deviennent pour ainsi dire communs. Les inventions se font jour et l’échange les transmet à tous. »
La monnaie papier et la monnaie saine
Dans la suite de votre lecture, l’auteur D’or et de papier s’attachera à démontrer que si « la monnaie de papier n’est pas en elle-même un désastre économique », elle en favorise l’apparition.
L’Histoire est un éternel recommencement dit-on et nombreux sont les épisodes où de l’utilisation de la monnaie de papier résulta de grandes crises monétaires et financières.
Le livre retrace notamment l’histoire de John Law, ce banquier écossais qui, au début du règne de Louis XV, se plaça en homme providentiel et sembla trouver une solution à la dette du royaume ruiné par les guerres et les fastes du Roi Soleil. Cette solution magique fut l’émission massive de monnaie de papier.
Une « monstrueuse banqueroute » mit fin violemment au système.
Par Jacques Chéreau (1688-1776), estampillé « Au Grand St. Rémy », échoppe rue Saint-Jacques à Paris
La leçon semblait retenue, mais plusieurs décennies plus tard, le système financier français fit les frais des assignats (titres émis par le Trésor censés représenter la valeur de biens confisqués à l’Eglise) au moment de la Révolution française. L’inflation qui se produisit fut colossale…
Dans le livre D’or et de papier, vous approfondirez les origines de la monnaie, les désastres du papier et vous découvrirez les avantages de la solution souhaitée par l’auteur : celle d’adopter une monnaie saine, une monnaie adossée à du réel, du tangible, loin des manipulations étatiques et des banques centrales.