La Chronique Agora

Moncler vaut plus cher que Peugeot !

▪ Toutes les traditions de la fin d’année vont être respectées. La hausse du vendredi a bien eu lieu à Wall Street… La neige est annoncée sur les massifs montagneux dès ce mardi… Les vendeurs d’huîtres ont fait leur apparition devant les centres commerciaux… Les vendeurs d’actions nous promettent 10% à 15% de hausse l’an prochain.

Car 2014 sera à n’en pas douter le prolongement de l’année boursière 2013. Les Etats-Unis vont continuer de se redresser, l’Europe de stagner et le Japon de dépenser de l’argent qu’il n’a pas (avec un budget de 100 000 milliards de yens, un record historique). Et les banques centrales vont continuer de déverser des hectolitres de savon liquide dans le réacteur à bulles.

Les cours de bourse vont continuer d’enfler, d’enfler sans que les banquiers centraux y voient jamais les symptômes d’une bulle. Normal : ce sont eux — et non l’exubérance irrationnelle des marchés — qui contrôlent la situation.

Une petite phrase par-ci, une petite phrase par-là… et les cours refluent ou repartent à la hausse au gré de leur bon vouloir.

Pas de bulle lorsque Twitter atteint les 60 $ et affiche une capitalisation de 33 milliards de dollars pour un chiffre d’affaire de 350 millions de dollars (soit un rapport de 1 à 100).

▪ Et Moncler ?
Pas de bulle non plus avec l’introduction de Moncler, dont l’IPO a été sursouscrite 31 fois par les institutionnels, et qui prend 51% (à plus de 15 euros) le premier jour de cotation. Sa capitalisation dépasse les 3,8 milliards d’euros pour un chiffre d’affaire de 500 millions.

Pour mémoire, LVMH affiche une capitalisation de 65 milliards d’euros en regard d’un chiffre d’affaires de 30 milliards d’euros en 2013, soit un ratio de 1 à 2. Avec un ratio de 1 à 7, Moncler ne peut être comparé qu’à Hermès qui constitue une sorte d’OVNI boursier… mais avec un chiffre d’affaire 50 fois plus élevé.

Moncler est une grosse PME du luxe. Cela n’a rien de péjoratif en soi… mais elle affiche une capitalisation supérieure à celle de Peugeot. Elle est même un milliard d’euros supérieure à celle de sa filiale Faurecia (2,8 milliards d’euros de « capi » pour 18 milliards d’euros de CA).

Un grand bravo à Eurazeo qui avait acquis 45 % de Moncler en 2011 pour 418 millions d’euros suite à une tentative d’introduction ratée !

Eh oui, il y a deux ans, à moins de 900 millions d’euros, personne n’en voulait… A quatre fois le prix en 2013, tout le monde se l’arrache.

Enfin, ce « tout le monde » ce n’est quand même pas n’importe qui. Parmi les enchérisseurs institutionnels, on retrouve BlackRock, The Capital Group, les fonds souverains du Qatar et de Singapour (GIC) puis le fonds chinois Safe… mais aussi les familles Ferragamo, Zegna, ainsi que Loro Piana (le fondateur de la marque Diesel) et enfin Bernard Arnault, le patron de LVMH.

En 2000, il y avait la folie des dot.com ; en 2013, c’est la folie des « dot.network » (Facebook, Twitter) ou des « dot.luxe » avec des multiples stratosphériques. Et n’oublions pas Amazon avec ses 54,2% de hausse depuis le 1er janvier… Une progression sans rapport avec celle de ses pertes — mais comment un gérant pourrait-il ne pas détenir de titres Amazon ?

C’est l’illustration parfaite de la fascination exercée par le tandem « riche et célèbre ». Même si l’entreprise ne rapporte pas un cent à son actionnaire (Amazon est dans le rouge), l’investisseur achète à n’importe quel prix — et même à tout prix — de la notoriété, du buzz… ou tout ce qui parle aux milliardaires russes, chinois, indiens, ukrainiens.

Cette année à Courchevel, Aspen ou Saint-Moritz, la doudoune Moncler sera incontournable sur les pistes comme dans les salons de thé ou les bars branchés.

▪ Qui gagne de l’argent à Wall Street ?
Nous allons tenter de nous rassurer avec les leaders de la hausse à Wall Street ce lundi puisque ce sont des entreprises qui gagnent de l’argent. IBM a pris 2,9% et General Motors 3,5%… Boeing annonçait peu après la clôture un relèvement de 50% de son dividende et un programme de rachat massif de 10 milliards de dollars de ses propres titres (+3% en after hours).

Le Dow Jones a repris 0,82% (la moitié du terrain perdu la semaine dernière) et revient à 1% de sa meilleure clôture historique. Le S&P 500 gagnait 0,63% et le Russell 2000 s’est une fois de plus arraché à la hausse avec un score de 1,16% à 1 120 points.

L’ampleur de ces gains peut difficilement s’expliquer par les seuls chiffres économiques du jour. Les gérants semblent avoir exploité la première opportunité de tirer les cours depuis une semaine pour entamer les habillages de bilan de fin d’année (il ne reste plus que quatre séances avant la séance des « Quatre sorcières » du 20 décembre).

Wall Street a tout de même été surpris par l’ampleur de la révision à la hausse de la productivité : de 1,9% à 3%. Le chiffre le plus spectaculaire du jour concerne la chute de 1,4% des coûts salariaux unitaires — preuve que les entreprises américaines excellent à faire toujours plus de profits avec… moins d’effectifs.

La production industrielle s’affichait en hausse de 1,1% en décembre (au lieu de 0,6% anticipé) ; l’indice Empire State de la Fed de New York est ressorti du rouge.

Mais les opérateurs semblent faire le pari — à 48 heures du communiqué final qui sera commenté par Ben Bernanke (dont ce sera la dernière prestation publique) — que la Fed va se donner un peu de temps pour déclencher le tapering. Cela même si elle confirmait dès demain se préparer à réduire le QE3.

Même si le marché est averti d’une diminution prochaine de la perfusion de drogue monétaire, les opérateurs savent que Janet Yellen fera tout pour différer sa mise en oeuvre en mars prochain… Et si d’ici là les discussions budgétaires tournent mal ou que le relèvement du plafond de la dette semble bloqué par le Congrès US d’ici le 7 février prochain, ce sera bien la preuve qu’il était urgent d’attendre !

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