La Chronique Agora

MF Global coule… la Zone euro aussi !

▪ Les banques européennes ont repris de 15% à 25% au cours des 48 heures qui ont suivi le sommet de Bruxelles. Pendant ce temps, un des plus gros courtiers de Wall Street voyait son cours de bourse se désintégrer de 75% en trois séances sans que les marchés s’en alarment outre mesure.

D’ailleurs, il aurait pu se passer n’importe quoi jeudi, les indices boursiers auraient de toutes façons affiché entre +3% et +6% puisque c’est ainsi que les choses devaient se passer !

Les opérateurs commencent juste à se demander si l’Italie pourrait faire faillite si la spéculation se déchaînait en cas d’imbroglio politique au cours des prochaines semaines. Pourtant, ils ont littéralement ignoré les difficultés de MF Global. Ce nom ne vous dit rien ? Il s’agit du récent nom de baptême de Man Financial, un courtier qui avait changé de raison sociale après le rachat d’un concurrent en faillite bien connu, du nom de REFCO (un spécialiste des marchés contrats à terme).

MF Global vient d’annoncer une perte trimestrielle de 191,6 millions de dollars qui équivaut quasiment au montant de son chiffre d’affaires (205,9 millions de dollars). Ces pertes découlent de paris malheureux sur certaines dettes européennes effectués au travers d’opérations pour compte propre.

L’exposition de MF s’élèverait à 6,3 milliards de dollars, dont plus de la moitié sur l’Italie et plus d’un milliard sur l’Espagne. Résultat : l’action a perdu mardi dernier près de la moitié de sa valeur en une seule séance. Sur trois mois, la capitalisation boursière de MF Global est passée de 1,3 milliard de dollars à 300 millions de dollars… et nul ne sait de quelle manière les contreparties du courtier (banques, hedge funds) vont être atteintes.

Deuxième question, MF Global est-il le seul intermédiaire financier occidental en difficulté suite à la crise des dettes souveraines ? Que vont nous réserver les prochaines semaines dans la mesure où la crise est loin d’être terminée ? Ce n’est pas nous qui l’affirmons mais J.-C. Trichet à l’occasion d’une interview publiée dans le journal dominical Bild am Sonntag !

▪ Le seul fait qu’il ait ressenti le besoin de communiquer un dimanche, à la veille de la passation de pouvoir à son collègue Mario Draghi, suffit à démontrer que le dernier message qu’il a voulu faire passer revêt une importance symbolique considérable. J.-C. Trichet prévient les marchés que « malgré les réformes engagées par les chefs d’Etat et de gouvernement de la Zone euro pour réduire les dettes colossales en Europe, la crise n’est pas terminée. La mise en place complète et rapide des décisions prises à Bruxelles est absolument capitale. Nous devrons surveiller ce processus avec grande attention. Il est désormais temps d’agir ».

Au passage, il a omis de préciser que compte tenu de la décote appliquée à la dette grecque, la BCE n’avait plus de fonds propres… Mais au fait, qui va la recapitaliser ? Et M. Trichet d’ajouter : « la crise a mis à nu la faiblesse des pays développés. Nous constatons celle des économies américaine et japonaise, mais également, les faiblesses de l’Europe ».

Les marchés n’ont voulu retenir la semaine dernière que les 2,5% de croissance du PIB américain au troisième trimestre, selon une estimation préliminaire qui a de grandes chances de s’avérer trop optimiste, comme les trois précédentes. Ils ont préférer ignorer la lourde rechute de la production industrielle japonaise en septembre (l’embellie estivale n’aura même pas duré trois mois), la cinquième baisse consécutive des indices de confiance des milieux d’affaires en Allemagne puis la rechute de la consommation de part et d’autre du Rhin le mois dernier (-0,5% en France, -1,3% en Allemagne).

▪ Il n’a pas dû échapper à M. Trichet que la conjoncture qu’il évoque et l’ébauche de projet de FESF (dont la BCE n’assurera pas la supervision) justifiaient pleinement une envolée de 6% des indices boursiers la semaine dernière. Dans la sorte de panique haussière qui s’est instaurée jeudi, les gérants qui cherchaient à coller à l’envolée du CAC 40 se sont rués sur toutes les valeurs qui présentaient une forte réactivité à la hausse.

Beaucoup de commentateurs se sont extasiés sur les six milliards d’euros échangés jeudi — mais cela représente seulement un milliard d’euros pour 1% gagné, une vraie misère.

Les marchés européens ont bien tenté de terminer la semaine au zénith… mais le manque d’acheteurs fondamentaux — à part les robots qui assurent la réplication indicielle des fonds « benchmarkés » — s’est rapidement fait sentir vendredi. Les indices ont clôturé en repli de 0,6% en moyenne.

Ils ont raté l’ultime occasion de revenir à l’équilibre peu après 14h30 : ils auraient pu suivre les dépenses de consommation des ménages américains, qui ont progressé de 0,6% en septembre (comme prévu, les revenus en revanche n’augmentent que de 0,1%).

▪ Wall Street en revanche n’a pas succombé à ce genre de petite faiblesse. Le S&P 500 grappille in extremis 0,03% — du travail d’orfèvre, une précision d’horloger helvétique — après six heures d’oscillations de plus en plus étroites. A un quart d’heure de la clôture, le S&P et le Nasdaq évoluaient encore en territoire négatif de 0,15%… mais ce minuscule « inconvénient » a été corrigé à une poignée de minutes de la clôture — car depuis quelques semaines, tout se joue au cours des 360 secondes de la séance.

Ce mois d’octobre est historique : plus forte hausse mensuelle du Dow Jones en 115 ans, plus forte hausse du S&P depuis 1974. Wall Street a renoué vendredi avec ses niveaux de fin juillet, avant la perte du « Triple A » des Etats-Unis… et la grande peur de la crise de la dette en Europe (résolue avec brio comme nous le rappelait M. Trichet ce dimanche).

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile