La Chronique Agora

La mesa sous la pluie

▪ Nous n’avons pas attendu de connaître le triste sort d’Emiliano pour apprendre que les montagnes peuvent être dangereuses. Il y a deux semaines, avec Elizabeth, nous étions allés visiter des ruines appelées casa del molle. Le molle est un arbre qui ressemble un peu à un saule. Il préfère un environnement sec. Deux ou trois survivent encore aux environs de la casa del molle.

Il s’agit d’une propriété qui s’est retrouvée à court d’eau dans les années 70. Elle a été abandonnée, peut-être après des millénaires d’habitation humaine. On en voit partout les preuves. Quelle que soit la direction que l’on prend, on marche sur des tessons de poterie. De quelle ère ? 1900 ? 1500 ? 1000 ans avant J.C. ? Nous n’avons aucun moyen de le savoir.

Nous pouvons voir la casa del molle depuis le fond de la vallée — une tache vert sombre contrastant avec le vert clair et le brun des montagnes. Mais y parvenir était une autre histoire. Nous avons suivi le lit de la rivière et tenté de trouver le sentier montant jusqu’à la mesa du côté gauche. Il nous a fallu du temps, parce que personne n’était passé par là depuis des années. Même avec le chemin, ce n’était pas facile. Nous avons dû mettre pied à terre et mener nos chevaux récalcitrants par la bride.

Une fois parvenu sur le plateau, le chemin est devenu plus facile. Nous avons chevauché parmi les buissons épineux… faisant de notre mieux pour protéger les jambes de nos montures. Après une heure environ, nous sommes arrivés aux terrasses marquant le bord de la propriété. Certaines avaient été construites par les derniers habitants. D’autres étaient bien plus vieilles. Il y en avait des dizaines, certaines complètement détruites, d’autres plus ou moins intactes.

Le tonnerre… suivi d’un éclair non loin. Puis une pluie légère

Juste au moment où nous atteignions les ruines d’une vieille maison, des nuages sombres se sont rassemblés. Le tonnerre… suivi d’un éclair non loin. Puis une pluie légère.

Nous nous mîmes à l’abri. Mais le seul abri à notre disposition était un toit partiellement effondré. Nous avons dessellé et mis les chevaux à l’abri sous l’un des molles. Nous avons étalé les tapis de selle sur le sol et construit un petit nid sous le toit d’adobe défoncé. La pluie avait pris de la vigueur. Le temps de terminer, nous étions trempés jusqu’aux os. Puis nous nous sommes rendu compte que notre auvent n’était pas étanche. La pluie passait par les trous et nous dégoulinait dessus. Nous commencions à avoir vraiment froid.

▪ Points de vue…
"La pluie va bientôt s’arrêter", a dit gaiement Elizabeth.

"Je n’en suis pas sûr. Je suis un pessimiste déclaré. Ca pourrait durer toute la nuit".

"Allons donc, quand est-ce qu’une pluie a duré toute la nuit ici ? En plus, on est en avril ; il ne pleut jamais en avril".

"Eh bien, il pleut maintenant", avons-nous répondu, commençant à frissonner.

Puis la pluie s’est transformée en grêle

Puis la pluie s’est transformée en grêle. Au-dessus de nous, l’eau gouttait tandis que de petites boules de glace — de la taille de pois — arrivaient par les côtés de l’abri. Nous avions désormais sérieusement froid.

Nous avons donc mis l’un des tapis de selle contre le mur derrière nous, et votre correspondant s’y est adossé, tandis qu’Elizabeth s’adossait à lui. Nous enroulâmes le reste des tapis de selle autour de nous. Les lourdes couvertures détournaient la pluie qui coulait de nos chapeaux à larges bords. Et aussi étroitement enroulés, nous avons pu nous tenir mutuellement chaud.

"C’est très romantique", déclara Elizabeth.

"Oui, je ne savais pas que tu étais une personne aussi chaleureuse".

"Ca m’arrive".

Quelques instants plus tard, une tache de bleu s’élargit dans le ciel. La pluie se calma. Le soleil sortit. Nous mîmes les tapis et les selles à sécher, tandis que nous mangions quelques raisins et de la saucisse sèche.

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