La mythomanie fait des ravages à gauche, à droite et au centre.
Emmanuel Macron a bien du mal à se défaire de l’étiquette de « président des riches ». Lui-même et son gouvernement ne ratent pas une occasion de soutenir que ce n’est pas le cas, et que ça serait même plutôt le contraire !
Alors, Macron, président des riches, ou pas ? Eric Verhaeghe tape dans le mille :
« La vraie question n’est pas de savoir si Macron est ou non le président des riches, puisqu’on le sait depuis toujours. La vraie question est de savoir en quoi c’est gênant. […]
Il y a quelques semaines, Bruno Le Maire a annoncé la fin des abattements fiscaux pour durée de détention des actions. Cette mesure profite à ceux qui sont déjà riches, et frappent en plein coeur ceux qui veulent s’enrichir. Elle montre qu’en France, il est plus facile de rester riche que de le devenir.
Il serait bien plus juste de reprocher à Emmanuel Macron de pénaliser l’enrichissement et de favoriser la richesse acquise, que de lui reprocher d’être le président des riches. Le problème français n’est pas de maltraiter les riches, mais de les maintenir entre eux, dans un huis clos inaccessible aux nouveaux venus. Les Français aiment les rentiers, ils détestent les parvenus. »
En définitive, la « vraie » question serait donc plutôt : avec des élites fascinées par la rente, la France a-t-elle atteint le niveau de « place européenne de l’immobilisme » ?
Le discours des Républicains est-il moins emprunt de mythomanie ? A votre avis, si Laurent Wauquiez est un jour président de la République, mènera-t-il une politique libérale ? Voici une piste pour vous faire votre petite idée :
Qu’attendre d’autre que de l’opportunisme de la part d’un homme dont la carrière entière repose sur le storytelling, des premiers pas en politique jusqu’à la présidence des Républicains ?
La liste est longue :
Teinture de cheveux pour paraître plus âgé que certains « jeunes loups sarkozystes »,
Recours aux services d’un coach vocal pour arborer l’accent de la Haute-Loire,
Tentative de faire peuple en surjouant la syntaxe populaire et en racontant que son père était « employé de banque », alors que Philippe Wauquiez était l’un des dirigeants d’Indosuez,
Prétendue amitié avec soeur Emmanuelle,
Prétendue maîtrise de la langue arabe (sauf qu’aucun journaliste n’a jamais réussi à lui faire décrocher une phrase autrement qu’en français)…
Y-a-t-il un truc de vrai chez Laurent Wauquiez ?
Et nos sous, dans tout ça ?
Faute de permettre à chacun d’apprécier le vertige que procure le pouvoir, la politique a le mérite de rapporter de l’argent à tout de même pas mal de monde, surtout quand on se trouve dans l’opposition depuis plus d’un demi-siècle, tous mandats cumulés. Certains ne cachent d’ailleurs pas qu’ils en sont très fiers :
C’est ce qu’a répondu Jean-Luc Mélenchon à Bruno Le Maire au mois d’octobre, alors que ce dernier lui proposait de comparer leurs patrimoines respectifs. Taquin, le ministre ! Voici en détails ce que le leader de La France Insoumise lui a rétorqué :
« Je suis un homme honnête, je n’ai jamais accumulé autrement que parce que je suis une fourmi et non pas une cigale, et je suis fier de mon compte en banque, je ne dois rien à personne ».
C’est une façon de voir les choses.
En tous cas, j’en connais une qui n’aurait pas pu tenir de tels propos à la même époque :
Même si à l’extrême gauche on prend particulièrement soin de son compte en banque, à côté de Claude Guéant, Jean-Luc Mélenchon et Raquel Garrido ne sont que des petits joueurs. Je vous laisse admirer la performance du boss :
S’il n’avait pas été rattrapé par la Justice, l’ancien ministre, Chevalier de la Légion d’honneur et Commandeur de l’Ordre national du Mérite, aurait définitivement éliminé tous ses concurrents.
Une héroïne bien maltraitée
Impossible de clore cette rubrique sans évoquer les propos d’une députée En Marche tenus mi-décembre 2017. L’élue en question, ancienne chef d’entreprise, a expliqué à L’Opinion avoir dû revoir son train de vie à la baisse après que ses revenus sont passés de 8 000 € par mois lorsqu’elle travaillait dans le privé, à 5 000 € par mois en tant que députée. Autant vous dire que la presse s’en est donnée à coeur joie.
Les critiques que j’ai pu lire me semblent tout à fait incongrues. En l’espèce, il ne s’agit pas d’un politicien de carrière à la Mélenchon qui n’a quasiment jamais vécu que de l’argent du contribuable.
Nous avons affaire à une personne qui, après avoir réussi dans le privé en France, explique concrètement qu’elle a en partie renoncé à son confort matériel pour devenir députée.
Difficile à mon sens d’y déceler de l’intéressement. J’aurais plutôt tendance à y voir une réelle volonté de servir.
Question : connaissez-vous beaucoup de monde qui renoncerait à 37,5% de ses revenus pour devenir député ?
Je trouve bien dommage que cette affaire ait été traitée de la sorte. Cela aurait pu être l’occasion de se demander si la France n’aurait pas intérêt à employer moins de parlementaires, quitte à mieux les payer. Cela rendrait ces postes plus attractifs à des personnes compétentes et intègres, plutôt que de leur donner envie de démissionner pour refonder une boîte… cette fois-ci peut-être à l’étranger !
Et si on en profitait pour lever des fonds ?
Avez-vous entendu parler du « Média », aussi appelé « Le Média citoyen », lancé le 15 janvier ? Il s’agit d’un projet de média internet « indépendant », mais lancé par des personnalités tout de même très proches de l’extrême gauche, comme par exemple le psychanalyste Gérard Miller (ancien maoïste, ancien dirigeant de la Gauche prolétarienne et soutien de Jean-Luc Mélenchon).
Sur son site web, on peut lire que Le Média est « engagé en faveur des causes sociales et écologiques » et qu’il « revendique des valeurs citoyennes » (ne me demandez pas ce que ça veut dire). Plus intéressant, on y promet entre autres qu' »être Socio c’est devenir propriétaire d’un nouveau média audiovisuel ». A l’heure où j’écris ces lignes, le site affiche plus de 10 000 « socios » pour 1,2 M€ de récoltés.
10 000 personnes de sensibilité disons très, très à gauche seraient-elles soudainement devenues autant de détenteurs de capital productif ?
A en croire le gérant de fonds Guillaume Nicoulaud, qui s’est penché sur la question début décembre, rien n’est moins sûr. Après avoir décortiqué un montage pour le moins opaque, voici son diagnostic :
Outre le fait que rien ne garantit qu’être « socio » vous permettra d’avoir la moindre influence sur la ligne éditoriale du bidule, Guillaume Nicoulaud souligne que « votre ‘titre de propriété’ n’en est pas un : vous ne pouvez pas le vendre et il ne vous donne aucun pouvoir de décision. C’est-à-dire, très concrètement, que vous avez fait un don. »
Mais ce genre de pratiques n’est pas l’apanage du politique. Le secteur des crypto-devises est lui aussi particulièrement propice pour soutirer de l’argent à des personnes pas assez regardantes sur la marchandise. Ainsi, mi-novembre, des investisseurs se sont regroupés dans le cadre d’une class action pour poursuivre la société Tezor.
Le litige ? Après avoir « investi » 232 M$ lors de l’ICO de Tezor, les investisseurs ont découvert qu’ils étaient en réalité des donateurs…
Je vous dis à la semaine prochaine pour vous parler cette fois « classe politique et efficacité ».