La Chronique Agora

La soif de lait en Chine pourrait faire le bonheur de compagnies européennes

▪ En juin 1954, Pierre Mendès-France est élu président du Conseil de la Quatrième république française. Bien que courte, sa présidence a marqué plusieurs générations de Français.

A côté de ses faits d’armes les plus importants, comme la signature des accords de Genève mettant fin à la guerre d’Indochine, une mesure moins spectaculaire est restée le symbole de sa politique : la distribution d’un verre de lait chaque matin pour tous les enfants français.

Ce geste a été avant tout considéré comme une mesure de santé publique. Aujourd’hui, alors que le lait est devenu une partie intégrante de notre quotidien, nous ne devons pas oublier que ses vertus commencent à peine à être connues sur d’autres continents. C’est notamment dans les pays émergents que la consommation décolle.

Rappelez-vous, 50% des enfants de la planète naissent en Asie. Les millions de verres de lait à distribuer potentiellement ont ainsi attiré les plus grands groupes alimentaires. Malgré la foire d’empoigne à laquelle se livrent ces groupes, une compagnie semble particulièrement bien positionnée pour croître avec la classe moyenne asiatique.

▪ De la nouille chinoise au verre de lait, une lente évolution
En tant que grand amateur de nouilles, je dois reconnaître que le goût de plus en plus prononcé du peuple chinois pour le lait demeure un mystère. Toutefois, les chiffres sont là. Le marché des produits laitiers en Chine a connu une hausse de 58% entre 2006 et 2010. En particulier, le secteur du lait maternisé pour nourrissons et enfants en bas âge a bondi de 170%.

Devenu le second marché des produits laitiers, la croissance du marché chinois n’est toutefois pas prête de s’arrêter. La Chine se classe encore au 47ème rang des pays pour la consommation par habitant de produits laitiers. Entre 2011 et 2016, le marché devrait encore augmenter de 80%. De quoi faire rire les vaches encore longtemps.

▪ Le pays veut développer ses capacités
Ainsi Pékin a décidé d’accroître ses capacités. En électronique comme en maïs ou en aéronautique, la Chine veut être davantage autosuffisante. L’arrivée de technologies et de capitaux étrangers a ainsi été vivement encouragée.

Par exemple, l’important producteur laitier China Modern Dairy a reçu quelque 150 millions de dollars d’investissement de la part d’investisseurs étrangers comme KKR. Des groupes comme Olympus Capital, Mueller Milch se sont également positionnés sur le marché.

Il y a jusqu’aux producteurs étrangers qui ont investi. Ainsi le plus grand exportateur de produits laitiers au monde, le néo-zélandais Fonterra, est en train de construire sa troisième ferme laitière en Chine.

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Le développement des capacités chinoises commence tout juste à prendre son essor. Pourtant les importations risquent de rester encore longtemps essentielles pour compenser la faiblesse de l’offre chinoise.

▪ Les vaches chinoises ne sont pas mélomanes
Les vaches chinoises produisent quatre tonnes de lait par an, contre neuf pour les vaches américaines. Le Wall Street Journal révélait il y a quelques jours qu’une des plus grandes laiteries chinoises, Modern Dairy Feidong, diffusait Time to say goodbye d’Andrea Bocelli dans les laiteries. Les seuls goûts musicaux chinois pourraient suffire à expliquer une telle différence de performances entre les vaches chinoises et leurs homologues américaines.

Toutefois, le scandale de la mélanine s’avère être une raison encore plus convaincante. Pour des raisons de lutte contre l’inflation des prix du lait en 2008, des producteurs de lait chinois ont coupé leur production avec un produit toxique, la mélanine. Après la découverte du scandale, et la mort de plusieurs nouveau-nés, les investisseurs ont délaissé le secteur du lait. Le manque d’investissement a ainsi fait plonger les rendements laitiers chinois.

C’est ce qui explique que la Chine soit encore si dépendante des marchés étrangers.

▪ Importations et droit de douane, les deux mamelles du peuple chinois
Pour faciliter les importations chinoises, Pékin a multiplié les mesures incitatives. Les transferts ont rapidement décollé. Entre 2005 et 2010, la Chine a plus que doublé ses importations de produits laitiers, pour représenter 1,9 milliard de dollars en 2010. Dans certains secteurs, celles-ci ont en particulier décollé, comme avec les poudres maigres. En effet, les laits maternisés sous forme liquide sont quasiment inconnus en Chine. Ainsi les importations ont quadruplé entre 2008 et 2010.

Dernier exemple en date, les droits de douane sur le lactosérum sont passés de 6 à 2% en début d’année. Cette dépendance n’est donc pas prête de s’apaiser. L’herbe du voisin risque d’être plus verte encore longtemps. En l’occurrence, cette herbe est néo-zélandaise.

▪ La vache kiwi et La Vache qui Rit à la rescousse du peuple chinois
La Nouvelle-Zélande s’est imposée comme un des principaux exportateurs de lait vers la Chine, après que la Chine a interdit les importations américaines après le scandale de la vache folle en 2003.

Mais ce sont surtout les compagnies agro-alimentaires qui se sont engouffrées sur le marché chinois. Celles-ci ont surfé sur la brusque hausse de la demande en produit de qualité. Car depuis le scandale du lait à la mélanine, les produits de haute qualité ont la préférence des consommateurs chinois.

Ainsi un groupe français comme Bel, propriétaire de la marque La Vache qui Rit, mais aussi Unilever ou Mead Johnson, se sont rapidement installés sur le marché chinois et plus généralement asiatique.

Cette semaine, c’est Nestlé qui a accru son avance en achetant le numéro cinq mondial de la nutrition pour enfant, Pfizer Nutrition. Désormais, l’entreprise suisse est le troisième plus important groupe laitier en Chine.
[NDLR : Comment profiter de cette tendance — et de toutes celles qui font évoluer le secteur des matières premières ? Florent Detroy vous y aide tous les mois : c’est par ici…]

Première parution dans l’Edito Matières Premières & Devises le 24/04/2012.

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