La Chronique Agora

Les ménages américains de plus en plus fragiles

La Maison-Blanche fuit les questions concernant les vraies difficultés des Américains.

Il y a une semaine, la publication du rapport américain mensuel JOLTS (recensement des offres d’emploi non pourvues) – en net recul de 3,3% au mois d’août – avait jeté un froid.

Wall Street s’était mis à douter de son scénario d’atterrissage en douceur, mais avait vite repris ses esprits, en relativisant la portée de ces données : qui s’en souciait il y a seulement quelques mois ? Quel crédit y apporter ?

Le rapport JOLTS n’est pas d’une fiabilité à toute épreuve : beaucoup d’emplois figurent en double, en triple, certains sont fictifs (postes déjà pourvus, mais la légalité exige qu’ils soient apparemment ouverts), etc.

Mais inutile de chercher à se voiler la face, la « tendance » n’est pas devenue alarmante au coeur de l’été. Depuis le pic de mars 2022, les offres d’emploi disponibles ont diminué de plus de 4,5 millions, soit une baisse de 38% ; les « jobs à plein temps » ont chuté de 2 millions ; il n’y a plus de recrutement dans le secteur de la construction, et le métier d’agent immobilier est sinistré ; le secteur de la restauration – le plus créateur d’emplois depuis 2021 – est littéralement en train de sombrer.

Et la preuve imparable, si certains refusaient de se fier au seul JOLTS, vient juste d’être publiée : il s’agit du RPI (ou indice de performance des restaurants) qui a chuté de 1,3% en juillet, à 97,7 points, soit son niveau le plus bas depuis les confinements du printemps 2020. Cette enquête sectorielle est basée sur le chiffre d’affaires (couverts servis + ventes à emporter), le trafic client, la main-d’oeuvre et les conditions commerciales (loyers, inflations, coûts annexes…).

Le RPI est beaucoup plus fiable que des collectes d’annonces non vérifiées. Il suit une pente descendante assez comparable au JOLTS depuis 2021 et vient de subir le mois dernier sa plus forte baisse depuis son lancement en 2002. Il atteint également un niveau qui n’a été observé qu’en période de récession (2009/2010), lorsque les Américains renoncent à manger au restaurant ou à commander des plats à emporter.

Contrairement à l’après crise des subprimes, une vague de chômage massif n’est pas en cause : il s’agit de l’impact mécanique des prix qui ont récemment atteint de nouveaux sommets historiques.

Depuis 2020, les prix des aliments consommés non préparés à domicile ont augmenté de 27%, et ceux de la restauration rapide ont bondi de 31%.

Tout le narratif sur le reflux de l’inflation qui redonne de l’oxygène aux ménages se brise sur le mur du réel : le coût de la nourriture progresse, certes un peu moins rapidement, mais avec la hausse du coût des loyers et de la santé, les ménages américains sont de plus en plus en plus nombreux à renoncer aux sorties au restaurant.

Beaucoup sautent des repas, et cette situation échappe totalement à Wall Street dont les acteurs ne connaissent qu’une forme de difficulté : trouver une table dans un restaurant étoilé à 500 $/personne avant trois semaines.

Pour la Maison-Blanche, cette question des difficultés des ménages face à l’inflation – que l’administration démocrate a laissé prospérer – semble littéralement taboue. Lors du débat télévisé Trump/Harris, la candidate démocrate a lâché un laconique « je vais y remédier » (zéro détail, zéro délai, du pur élément de langage vide de contenu)…

Mais le plus consternant, ce fut la réaction de Karine Jean-Pierre, la (très mauvaise et très arrogante) porte-parole de Joe Biden, ce vendredi 13. Interrogée très respectueusement et sans agressivité par une journaliste (forcément accréditée) sur le problème du pouvoir d’achat des ménages, Mme Jean-Pierre a instantanément mis fin à la conférence de presse officielle, quitté son pupitre, gagné la sortie en trois secondes, comme si quelqu’un avait crié « tireur sur un toit à 150 mètres ».

Et Mme Jean-Pierre risque également de devoir se murer dans le silence et fuir les questions des journalistes concernant la tentative d’attentat du 14 juillet contre Donald Trump, car des révélations très embarrassantes devraient défrayer les médias dès cette semaine.

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