▪ « Les Bourses mondiales ont rebondi mercredi », explique l’Associated Press, « les investisseurs étant dans l’attente d’une réponse de la Réserve fédérale aux signes grandissants d’essoufflement de l’économie mondiale. Ils attendent qu’elle donne plus de stimulus à l’économie américaine ».
Autrement dit, pire est la perspective économique, meilleures sont les perspectives du marché.
Telle est la logique torturée qui a alimenté l’avance de 1 000 points du Dow au cours des trois dernières semaines. Jour après jour, l’Associated Press– ainsi que d’autres organes de presse financiers — débite une version du scénario « les bénéfices du mal » pour expliquer le rebond du marché.
Mais il ne faut pas condamner les messagers qui publient et diffusent ce conte populaire. Les organes de presse se contentent de répéter ce que racontent les investisseurs professionnels, les économistes professionnels, les politiciens professionnels et autres bonimenteurs professionnels.
Les médias s’inscrivent simplement dans la droite ligne de la tradition folklorique américaine qui nous a livré tant de belles histoires sur Davy Crockett, Buffalo Bill et Barbe Noire. Mais ce ne sont là que des histoires et tout le monde en est conscient. On trouvera difficilement des investisseurs prêts à faire confiance à un trappeur portant un bonnet en raton laveur pour sauver l’économie.
Pour être juste, les conteurs professionnels ne continueraient pas à raconter l’histoire « les bénéfices du mal » si les investisseurs n’étaient pas si avides de l’écouter. Mais comme un enfant qui demande son histoire du soir avant de s’endormir, la plupart des investisseurs se tournent vers les professionnels et leur demandent : « s’il te plaît, raconte-moi encore cette histoire, Papa. Celle à propos de la terrible économie qui est sauvée par le très gentil directeur de la Réserve fédérale… Je ne m’en lasse pas ! »
Les professionnels ne sont que trop désireux de faire plaisir, en particulier parce qu’ils ont basé toute leur carrière sur l’idée que la Fed a le pouvoir de réparer les économies brisées. Mais les contes de fée ne sont censés être que des contes de fée, pas des stratégies d’investissement.
Les générations précédentes d’investisseurs professionnels respectaient l’influence de la Fed sur les marchés, sans en faire toutefois un mode de vie. « Ne luttez pas contre la Fed », conseillaient-ils. Mais pour la plupart des investisseurs actuels, la Fed n’est pas qu’une influence parmi d’autres ; elle est la seule influence qui compte vraiment… et il s’agit toujours d’une influence positive pour le marché. « Ne luttez pas contre la Fed » est devenu « soyez toujours en accord avec la Fed ».
▪ Ne croyez pas cela, cher lecteur. La « bonne Fed » est une fable. Et les activités de la bonne Fed ne sont en vérité que des tours de passe-passe.
Ben Bernanke est peut-être capable de tirer un lapin monétaire de son chapeau de temps en temps, mais il ne peut tirer une économie malade de la récession dans laquelle elle se trouve, en particulier lorsque cette économie malade est au beau milieu d’un énorme cycle d’endettement.
Toutefois, il ne cesse d’essayer. Il ne cesse de tirer de ses manches des taux d’intérêt de plus en plus bas. Le public applaudit à tout rompre et hurle de joie : « ouahh, c’est incroyable ! Des rendements de bons du Trésor négatifs ! Comment fait-il ?! »
Et pourtant, personne dans le public ne semble vouloir bouger de son siège pour poser la question : « hé, puis-je avoir un de ces taux ? J’aimerais emprunter de l’argent pour développer mon entreprise ou acheter une maison ». Personne ne le demande parce que personne ne veut emprunter. L’économie américaine est au beau milieu d’une contraction du crédit, et non d’une expansion du crédit. La plupart des gens sont en situation de remboursement ou de défaut de paiement, pas en mode d’emprunt. Résultat : les tours de passe-passe de Bernanke ne font pas rêver du tout. La baguette magique de la Fed ne fait plus merveille…
Le marché peut remonter pendant un certain temps dans l’espoir qu’un QE3 puisse accomplir ce que les QE1 et 2 ont tous deux échoué à faire. Ben Bernanke et son assouplissement quantitatif magique ne peuvent créer des emplois à partir de rien, ni faire apparaître, pouf !, une économie en croissance, ni un Congrès qui réduise les dépenses. Si vous voulez une économie qui croît, il faut des entrepreneurs, et si vous voulez un Congrès qui réduit les dépenses, il faut un vaisseau spatial qui puisse prendre à son bord 100 sénateurs et 435 députés.
Tout va de travers ici aux Etats-Unis. Le marché de l’emploi se dégrade et le gouvernement grossit. Ce renversement souligne la tyrannie de la « redistribution des richesses ». Les riches paient directement sous la forme d’impôts plus élevés. Les pauvres paient indirectement sous la forme d’opportunités qui diminuent. Les gouvernements qui taxent trop la production ont tendance à moins encourager la productivité. Telle est la tendance qui s’est accélérée depuis plusieurs mois, si ce n’est plusieurs années. Résultat : les opportunités sont en mode pause et toute la société en ressent les effets, en particulier la partie de la population qui lutte pour trouver du travail.
« […] Les indicateurs du moral des ménages montrent également que les Américains sont déprimés », affirme Bloomberg. « L’indice de confiance des consommateurs de l’Université du Michigan a chuté en août à son plus bas niveau depuis novembre 2008. Le mois dernier, l’indice de confiance du Conference Board a plongé à son plus bas niveau depuis plus de deux ans ».
A un moment, le marché remarquera que les économies ne performent pas très bien lorsque le secteur public se développe et que le secteur privé se contracte. A un moment aussi, le marché se rendra compte que Ben Bernanke n’est pas un faiseur de miracles, il n’est qu’un prestidigitateur qui arrive à faire des tours assez cools… comme par exemple créer des dollars à partir de rien.
Si vous avez besoin d’un magicien pour un goûter d’anniversaire, appelez Bernanke. Mais si vous avez besoin de quelqu’un pour réparer votre économie endommagée, appelez un entrepreneur… si vous en trouvez un.