La Chronique Agora

Une preuve de la méfiance croissante à l’égard du dollar et du système de crédit mondial (2/5)

In Gold We Trust

Le rapport in Gold We Trust que nous épluchons nous rappelle que l’or reste une monnaie d’échange dans les négociations internationales.

Est-il encore besoin de présenter le rapport « In Gold we Trust » ? Chaque année depuis 2007, Ronald-Peter Stöferle et Mark J. Valek (Incrementum Liechtenstein AG) nous brossent un panorama de l’économie et de la finance qui en est donc à sa douzième édition. C’est la publication que les passionnés attendent chaque printemps (le rapport 2018 (1) a été publié le 29 mai).

Ronald-Peter Stöferle et Mark J. Valek (S&V) considèrent que l’or (exprimé en dollars US) se situe « aux premiers stades d’un nouveau marché haussier. »

Je vous propose aujourd’hui de revenir en détails sur ce qui a fait bouger le cours du métal précieux au cours l’année 2017.

L’or s’est bien défendu en 2017 et a surperformé pratiquement toutes les autres classes d’actifs depuis 2001

Commençons par noter qu’en dépit du fait que l’or exprimé en euros a enregistré une performance légèrement négative en 2017 (-1,02%), le métal s’est très bien défendu dans toutes les autres grandes devises. Il s’est en moyenne apprécié de 6,30% en 2017.

Sur la période 2001-2008, sa performance moyenne en euros est de 8,78% par an, ce qui est assez proche de la moyenne mondiale qui s’inscrit à 9,40%. Au final, « l’or a surperformé pratiquement toutes les autres classes d’actifs, en particulier les devises, en dépit de corrections intermittentes parfois substantielles. »

Le resserrement monétaire de la Fed n’a pas pénalisé l’or

Une idée reçue voudrait que des taux courts en augmentation soient systématiquement défavorables à l’or. Comme le font remarquer S&V, cela n’est pas le cas. L’or a en fait suivi le mouvement à la hausse entamé fin 2015 par les taux directeurs de la Fed.

Pour ce qui est de la réduction de la taille du bilan de la Fed entamée au Q4 2017 (-420 Mds $ en 2018 et -600 Mds $ prévus en 2019), S&V estiment que ce quantitative tightening (QT – resserrement quantitatif) aura des conséquences qui sont aujourd’hui « massivement sous-estimées par la plupart des intervenants sur les marchés. »

La baisse d’une classe d’actifs signera la fin de la normalisation de la politique monétaire

Pour eux, la « bulle de tout » […] « est en grand danger d’éclatement alors que de plus en plus de liquidité sera retirée ». Au final, « ce plan de normalisation monétaire est peu susceptible de survivre à une baisse significative sur une seule, et encore moins sur plusieurs classes d’actifs (actions, obligations, immobilier). »

Voilà ce que l’on peut escompter lorsqu’un revirement de politique monétaire se fait attendre aussi longtemps. Désormais, « les bilans de nombreuses banques centrales ressemblent de plus en plus à ceux des hedge funds hautement spéculatifs ».

Voyez donc l’effet de levier et la taille du bilan (en comparaison du PIB concerné) de ces monstres financiers, en particulier ceux de la Banque du Japon…

D’où le fait que S&V s’attendent à une « sévère perte de confiance dans les banques centrales » […] si la Fed échoue ses efforts de normalisation et que les Etats-Unis sombrent dans la récession », ce qui est le scénario favori des auteurs.

Des taux d’intérêts réels toujours négatifs

« L’inflation prend de l’ampleur partout dans le monde », relèvent les auteurs. Pour ce qui est des Etats-Unis, l’inflation des prix à la consommation a clairement diminué entre fin 2011 et début 2015 mais, depuis, les tendances inflationnistes ont repris.

Cela est important car plus que le seul niveau de l’inflation, c’est sa tendance qui affecte le cours de l’or.

Difficile cependant d’imaginer que l’inflation ira beaucoup plus haut sans augmentation du prix du pétrole, estiment les auteurs.

Cela a permis au taux d’intérêt réel américain – c’est-à-dire au taux d’un placement sans risque diminué de l’inflation – de s’afficher en dessous de zéro. Comme un taux d’intérêt réel négatif constitue l’environnement idéal pour l’or, c’est cette donnée qui importe, et non le seul niveau des taux directeurs.

Toutes les principales zones monétaires affichent d’ailleurs des taux réels négatifs, y compris la Zone euro, et ce depuis 2016.

Or, selon S&V :

« Une chose est certaine […] : il est peu probable que les taux d’intérêt réels augmentent fortement ou soient clairement positifs dans les années à venir, compte tenu des niveaux d’endettement existants. Nous sommes pris dans un piège à taux zéro. »

Ce facteur devrait donc continuer de jouer en faveur de l’or. La répression financière est ainsi toujours d’actualité et les épargnants ne sont pas près de revoir leur épargne rémunérée à 4,78%, soit la moyenne du taux réel observé en Angleterre au cours des 700 dernières années.
[NDLR : Pour contrer cette répression monétaire, faites comme les banques centrales : achetez de l’or, mais pas des lingots ou des barres. Découvrez les atouts de cette pièce bien spéciale à la fiscalité douce, même en France. Tout est ici.]

Les banques centrales continuent à acheter de l’or

S&V rappellent que 2008 a marqué un tournant au niveau du comportement des banques centrales vis-à-vis de l’or. Alors que leur stock global était en diminution constante depuis 2000, les banques centrales ont ajouté 4 000 tonnes d’or à leurs stocks depuis 2008.

Comme le relèvent S&V :

« La totalité de cette augmentation est due à l’accumulation de réserves d’or par les banques centrales des marchés émergents. Alors que les réserves d’or détenues par les pays développés ont fluctué autour de 25 000 tonnes, les réserves d’or des pays émergents ont régulièrement augmenté depuis leur plus bas de 2006. Partant d’un stock cumulé de 4 596 tonnes en 2006, elles sont passées à 8 755 tonnes en 2017. Soit une augmentation assez stupéfiante de 90,82%. »

Certains émergents, en particulier la Chine, la Russie, la Turquie et l’Inde, n’ont cessé au cours des dernières années de mettre en garde les Etats-Unis vis-à-vis des conséquences néfastes de leur politique monétaire.

Le message est limpide : cette « augmentation des réserves d’or devrait être considérée comme une preuve manifeste de la méfiance croissante à l’égard de la prédominance du dollar américain et du système monétaire et de crédit mondial qui y est associé. »

Les pays émergents considèrent l’or comme « le ticket d’entrée aux négociations dans le cadre d’un nouvel ordre monétaire mondial ».

Quel crédit accorder à ceux qui prétendent encore que le métal jaune ne serait pas de l’argent ? S&V rappellent cette citation de Jim Rickards :

« Si ce n’est pas de l’argent, pourquoi les Etats-Unis en ont 8 000 tonnes ? Pourquoi le FMI en a-t-il 3 000 tonnes ? Pourquoi la Russie a-t-elle triplé ses réserves d’or au cours des 10 dernières années ? Pourquoi la Chine achète-t-elle tous les morceaux d’or […] à la plus grande production minière du monde, sans en exporter le moindre gramme ? »

L’exubérance des marchés actions reste le plus grand frein à l’augmentation du cours de l’or

Au 29 mai, le marché haussier sur le S&P 500 en était à son 108ème mois de progression, pour une performance de 262% depuis la fin du dernier marché baissier, ce qui en fait le sixième bull market le plus long du XXème siècle.

Nous verrons prochainement ce qui pourrait mal se passer sur la planète économique et financière, en tout cas selon S&V…

1-Téléchargeable en anglais ici https://ingoldwetrust.report/igwt-2018-en/?lang=en

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