La Chronique Agora

Méditations sur les dirigeants

Ce pauvre Chuck Hagel. Chaque jour, le Wall Street Journal alourdit la charge qui pèse sur le prochain secrétaire à la Défense américain. Un crochet du gauche parce qu’il ne sait pas ce qu’il fait… un uppercut parce qu’il n’a pas mesuré à sa juste valeur la menace d’un Iran nucléaire… un direct parce qu’il ne s’est pas penché assez vite pour lécher les bottes des néo-conservateurs…

Nous apprécions le spectacle. Il est amusant et gratifiant de voir un homme comme Hagel se faire passer à tabac. Dommage que nous n’ayons pas eu droit à la même chose quand Hillary Clinton a été nominée pour le poste ! Elle le méritait.

Ceux qui estiment nécessaire de se mêler des affaires des autres devraient d’abord être mis à l’épreuve. En plus d’être rudement traités par la presse et les politiciens, les candidats à n’importe quel poste — élu ou nommé — de dirigeant devraient passer un examen afin de tester leur cran et leur détermination.

Ces tests ne devraient pas être conçus pour révéler des faiblesses ou des défauts, mais simplement pour permettre à la personne concernée de s’humilier de manières parfaitement hors de propos. Par exemple un candidat au poste de secrétaire au Trésor devrait récupérer une bague au fond d’un égout de Manhattan. Un candidat à la mairie pourrait être enfermé hors de chez lui… nu comme un ver… juste pour voir comment il gère la situation.

Une telle chose est d’ailleurs arrivée à notre ami et collègue Dan Denning. Il venait de s’installer à Paris. D’une manière ou d’une autre, il s’est retrouvé enfermé hors de son appartement avec juste une serviette autour de la taille. Il n’avait pas de téléphone, pas d’argent et il ne parlait même pas le français. Tout ce qu’il savait, c’est qu’il y avait un autre jeu de clés de l’autre côté de la ville.

De telles situations forgent le caractère. Mais ce n’est pas pour cette raison que nous les proposons aux dirigeants potentiels. Nous voulons juste les rabaisser et les décourager. Peut-être y réfléchiront-ils ainsi à deux fois avant de proposer leurs services. Ces épreuves inutiles aideront aussi à éliminer des candidats. Quiconque a si peu de dignité qu’il est prêt à s’y soumettre n’est pas digne du poste. Et s’il refuse, il faut refuser aussi, parce qu’il n’était pas prêt à se plier aux exigences.

Et si on s’en tirait mieux sans dirigeants ?
L’idée ici, c’est que le monde a besoin de bien moins de dirigeants qu’il n’en a. La plupart du temps, les gens font leurs affaires sans les dépenses et les distractions qu’entraînent des dirigeants. C’est vrai pour les entreprises comme pour les gouvernements. Un dirigeant ne fait que se mettre en travers du chemin ; il fait perdre du temps et de l’énergie à tout le monde.

Réfléchissez à ce que vous voulez vraiment. Réparer ce radiateur avant que la météo ne repasse au froid. Mettre votre beau-père en maison de retraite ou dans son cercueil. Jouer Smoke on the Water en entier à la guitare et réussir un boeuf bourguignon. Tout ça peut se faire sans le moindre dirigeant.

La plupart des entreprises fonctionnent mieux de la sorte. Les gens finissent par trouver comment faire les choses. Ils n’ont pas besoin d’interférences venues d’en haut. De toute façon, les « dirigeants » n’ont souvent pas la moindre idée dont les choses fonctionnent — c’est particulièrement vrai des PDG stars dont la véritable fonction consiste à faire grimper le cours des actions. Souvent, une entreprise s’en tirera à peu près bien, les employés innovant à mesure que c’est nécessaire. Puis arrive un dirigeant plein de vigueur qui attire toute l’entreprise dans une impasse — généralement en faisant l’intéressant avec une grosse fusion-acquisition. Le PDG obtient la gloire dans les journaux ; plus tard, l’entreprise fait faillite.

Le secrétaire à la Défense est censé mener la politique étrangère des Etats-Unis. Mais est-ce nécessaire ? Qui a besoin de lui ? Chaque citoyen peut tout à fait décider par lui-même où il voyagera et avec qui il commercera. Il n’a pas besoin de dirigeants. Bon nombre des bleus sur la figure de Chuck Hagel proviennent du fait qu’il affirme que le gouvernement iranien est légitime. Mais qui s’en soucie ? Tout le monde sait parfaitement que le gouvernement iranien est aussi légitime que n’importe quel autre, y compris le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique. Tous les gouvernements démocratiques doivent leur légitimité à la même chose — la décision d’électeurs en plein délire, basée sur des représentations frauduleuses présentées par des dirigeants malhonnêtes.

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