La Chronique Agora

Mauvais marchés, bons investissements

** Le génie d’un grand investisseur tient en partie à son talent naturel, impossible à imiter — tout comme d’innombrables heures d’entraînement au golf ne feront pas de vous Tiger Woods. Mais vous pouvez copier certaines choses — dont trois en particulier : la discipline sur le prix que vous payez pour un investissement, un portefeuille stable (où vous conservez vos valeurs plus longtemps), et la concentration de vos investissements sur vos meilleures idées.

– Voici quelques idées glanées lors d’une récente conférence sur l’investissement, renforçant ces trois principes. Commençons par quelques leçons nous venant de la Grande dépression…

– La Grande dépression n’était pas du tout un bon moment pour posséder des actions. Durant la période entre 1929 et 1939, les actions ont fourni un rendement négatif. Les petites valeurs ont été le plus durement touchées, perdant plus de 5% par an en moyenne. Les obligations étaient le seul refuge, rapportant un rendement relativement solide de 4,7% par an.

– Ou pas.

– Deux grands investisseurs, Robert Rodriguez et Steve Romick, tous deux gestionnaires chez First Pacific Advisors (FPA), montrent qu’un peu de discipline — un peu d’attention aux prix — vous aurait permis de bons rendements même durant la Grande dépression.

– Ils montrent qu’en attendant deux ans seulement — jusqu’en 1931, au lieu de 1929 — on transforme les rendements négatifs en rendements positifs. Tout à coup, les petites valeurs font mieux que leurs alternatives :

– Entre les plus bas boursiers de 1931 et 1939, les petites valeurs ont fait mieux que les obligations. Et si l’on ajoute à cela la déflation qui s’est produite durant les années 30 (par opposition à l’inflation que nous connaissons tous), les small caps ont produit un résultat plus impressionnant encore. Les années 30 étant une période déflationniste, un dollar de 1939 avait un pouvoir d’achat plus grand qu’un dollar de 1929 : si l’on tient compte de cela, le rendement réel des petites valeurs se montait à 9,2% pendant la Grande dépression.

– Rodriguez et Romick ne chronomètrent pas les marchés. Ils sélectionnent des actions. Ils achètent des valeurs quand elles sont bon marché. Ils les conservent. Leur message de base est simplement celui-ci : achetez des actions bon marché. Vous pouvez engranger de bons rendements même dans un mauvais marché. Si vous pouviez acheter toutes les petites valeurs et obtenir un rendement réel annuel de 9% durant la Grande dépression, imaginez ce qu’un investisseur aurait pu gagner en choisissant les valeurs les moins chères dans un environnement boursier plus amical.

– Les investisseurs choisissant leurs valeurs sont une minorité, actuellement. Comme l’a récemment observé James Montier, chercheur chez Dresdner Kleinswort : "la sélection d’actions est devenue une occupation minoritaire. Mais si personne ne veut le faire, c’est que c’est très probablement là que se trouvent les meilleures opportunités".

** La seconde partie de l’intervention de Rodriguez et Romick concernait la patience. Les investisseurs, dans leur ensemble, ne sont pas patients. Ils font circuler leurs actions trop vite.

– L’investisseur moyen fait trop de transactions. Montier, une fois encore, commente en ces termes des recherches empiriques sur les liens entre la durée de détention des actions et la performance : "il n’est pas surprenant de constater que les fonds où les actions circulent le plus offrent la performance la moins bonne, tandis que ceux où les valeurs sont moins souvent changées causent le moins de dégâts dans les rendements nets ajustés au risque".

– La leçon de Rodriguez et Romick est donc double : pour commencer, faites attention au prix que vous payez, et vous pouvez obtenir de bons rendements, même dans un marché défavorable. Ensuite, ne courez pas après les profits. Soyez patient avec vos investissements et donnez-leur le temps de porter leurs fruits.

** Enfin, concentrez-vous sur vos meilleures idées.

– Zeke Ashton n’est sur aucune liste des grands investisseurs — pour l’instant. Mais c’est une star montante. Son intervention abordait un autre trait commun à bien des investisseurs de talent : ils ont tendance à concentrer leur argent sur leurs meilleures idées.

– Là encore, les recherches montrent que les investisseurs enregistrant les performances les plus élevées se tiennent à leurs meilleures idées. Un fonds d’investissement moyen possède 128 actions. Sur le quart supérieur de tous les fonds, cette moyenne n’est que de 63 valeurs. Les 75% inférieurs possèdent 140 actions. En bref, les meilleurs investisseurs possèdent moins d’actions. Comme le disait Ashton : "le but, pour tous les investisseurs, devrait être d’obtenir le plus de valeur possible sur leurs meilleures idées, sans risquer de moins-values importantes si l’on se trompe".

– Je suis fasciné par ce qui distingue un excellent investisseur des autres. Je trouve passionnant d’étudier les méthodes des génies de l’investissement — et cela aide également à renforcer les bonnes habitudes financières. Parfois, ces habitudes sont relativement faciles à copier : faites attention aux prix, gardez vos valeurs plus longtemps et concentrez-vous sur vos meilleures idées.

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