La Chronique Agora

Match de trading autour du DAX 30

banques centrales

▪ J’ai effectué vendredi dernier un crochet par le Salon du Trading qui se tenait aux frontières de la capitale (entre Levallois et le 17e arrondissement) ; pour ceux qui se repèrent par rapport aux grandes écoles, à quelques hectomètres de Dauphine et au pied d’HEC.

Cela m’a permis de saluer de vieilles connaissances qui ont pratiqué comme moi le « trading à l’ancienne » — mêlant l’analyse technique et une approche plus intuitive des marchés — et qui sont passés pour la plupart d’entre eux au trading informatisé.

L’organisateur du salon proposait vendredi aux amateurs comme aux professionnels de toute nationalité de s’affronter durant le temps d’une séance de Bourse. Cela tombait bien, c’était celle des « Quatre sorcières » sur les deux contrats sur indice les plus accessibles et les plus liquides pour un opérateur basé dans l’Hexagone : le CAC 40 (FCE) et le DAX 30.

Ils étaient 16 sélectionnés pour la grande finale avec élimination directe pour la moitié des moins bons candidats à chaque manche de 90 minutes — au nombre de trois et donnant l’accès à une finale à quatre.

▪ Une battle de trading à l’ancienne
Au stade des demi-finales, plus de la moitié des participants affichaient une performance négative… C’était cependant plus convaincant qu’au premier tour car la plupart des bilans étaient consternants !

Ah oui, j’oubliais… Il s’agissait d’ordres saisis manuellement et non d’un affrontement entre programmeurs de robots algorithmiques.

Lors de la deuxième manche, j’ai été tenté d’envoyer une alerte technique par SMS vers 13h05 (une initiative proscrite par le règlement) à trois des candidats et amis que je retrouve épisodiquement sur les salons, lors de déjeuners ou dans les couloirs de BFM. Je ne sais pas si c’était la pression du regard de plusieurs centaines de paires d’yeux mais pratiquement tous les concurrents ont sous-estimé les tripatouillages indiciels liés à la compensation des contrats sur indice DAX (intervenue à midi).

L’opération a donné lieu à un verrouillage des cours (entre 7 420 et 7 405) durant les 50 minutes suivant le changement d’échéance. Cela s’est conclu par un petit trou d’air de 10 minutes vers 7 395 (plus aucun échange, plus aucune volatilité)… puis l’indice DAX s’est soudain envolé de 50 points en une minute, à 13h07 précisément.

Pourquoi l’idée folle de passer acheteur — alors que je juge le marché allemand totalement surévalué — m’avait-t-elle traversé l’esprit deux minutes plus tôt ?

Je vous rassure, il ne s’agit ni d’un don de préscience enfoui dans mon subconscient et encore moins d’un coup de génie. Je me suis juste souvenu que des « tripatouilleurs d’indices » nous avaient servi exactement le même scénario le lundi 18 (exactement à la même heure) puis le mercredi à 14h (à une minute près).

▪ Des séances qui se suivent et se ressemblent
Ils avaient orchestré exactement la même séquence. Provoquer une fausse alerte à la baisse qui déclenche les stops de protection puis prendre tous les suiveurs à contrepied en arrachant brutalement le DAX d’une quarantaine de points à la hausse. Le tout sans que quiconque puisse trouver la moindre explication dans la configuration graphique ou les dépêches tombant au fil de l’eau.

Un des quatre finalistes, que je connais de longue date et dont je suis régulièrement les recherches et les travaux (il a écrit plusieurs ouvrages consacrés à l’analyse technique et également à la maîtrise du mental), avait bien identifié une anomalie vers 12h55 puis une autre vers 13h05.

Il n’est pas tombé de la dernière pluie, mais il fut incapable d’exploiter le décalage de 50 points du DAX. D’abord parce que le marché s’était effectivement figés de façon anormale — une invitation à ne pas agir inconsidérément, car la contrepartie est absente — ensuite parce qu’il est matériellement impossible de rentrer un ordre manuellement quand un contrat décale de 20 points en une poignée de secondes.

Est-il besoin de préciser que même les stops serrés ne fonctionnent pas dans des conditions de marché aussi extrêmes, où les super-robots annulent des centaines de lignes à la vente en quelques millisecondes. Il ne reste en carnet que quelques rares ordres de boursicoteurs, placés des dizaines de points au-dessus de la moyenne des échanges des heures précédentes… juste au cas où !

La liquidité disparaît complètement en moins de temps qu’il n’en faut pour rafraîchir son écran — histoire de vérifier si aucun bug informatique n’a transformé la réalité en fiction numérique — et c’est déjà trop tard pour suivre le mouvement… ou espérer se racheter en catastrophe.

Résultat des courses : le concurrent rentré à l’achat sur le DAX dès le début de la deuxième manche a gagné sa place en finale en six + une minute chrono. Il a engrangé un gain éclair qui équivaut largement à ce qu’un opérateur surdoué peut accumuler en multipliant les micros allers-retours gagnants durant toute une séance — sauf qu’il n’y avait que 90 minutes pour faire la différence.

Victoire par K.-O.du coup de bol sur le trading méthodique !

▪ Coups de bol x3 : le hasard fait bizarrement les choses
Mais c’est le côté « coup de bol » qui nous intrigue car nous avons assisté à la troisième édition du même scénario au cours de la même semaine. Faux trous d’air suivis d’une vraie sortie haussière reliée à… aucune actualité identifiable !

Si vous croyez à la réédition d’un phénomène spontané survenant de façon totalement aléatoire, vous dormirez certainement tranquille, convaincu que le marché garantit des chances de gain égales pour tous.

Certains de nos détracteurs y verront une nouvelle manifestation de paranoïa, de recyclage de la théorie du complot appliquée à l’analyse technique.

Il s’agit soit d’investisseurs particulièrement naïfs — ceux-là auront été plumés avant la prochaine édition du championnat des traders –, soit d’opérateurs cyniques que nos démonstrations contrarient. Ils redoutent que les pigeons dont ils guettent le passage deviennent par trop méfiants.

Puisque nous n’hésitons pas à nous vautrer dans la théorie du complot — nous ne croyons pas au hasard qui fait bien les choses — que pensez-vous de cette septième séance de stagnation à Wall Street ?

▪ Calme plat sur Wall Street
Le S&P a clôturé quasi inchangé hier soir pour la septième séance consécutive, après avoir oscillé durant plus de six heures au sein d’un corridor toujours aussi étroit (0,6% d’amplitude quel que soit l’indice considéré). Le Dow Jones, quant à lui, aligne un quinzième lundi de repli sur une série de 16 — toujours ce coquin de sort derrière lequel nous voudrions absolument voir des programmeurs de robots tirant les ficelles !

Mais puisqu’on vous jure que rien de tel n’existe ! D’ailleurs la faillite de la Grèce n’a jamais eu lieu. Il lui manque juste 20 milliards d’euros pour respecter ses objectifs 2012, selon la presse allemande.

Les indices américains sont donc restés complètement figés autour des même cours pivots testés dès le vendredi 14 septembre. Le S&P (-0,22%) aligne une troisième séance de baisse mais affiche en fait un repli cumulé de 0,28% qui aurait pu être effacé en deux minutes — comme souvent juste avant la clôture dans un marché haussier — si quelqu’un avait jugé opportun de faire clôturer Wall Street dans le vert.

Il y a tout de même de quoi s’interroger sur les mobiles des opérateurs qui s’ingénient à maintenir le marché totalement sous contrôle. Peu importe la valeur du dollar… la chute du pétrole… les signaux de ralentissement économique. L’une des explications réside dans la poursuite des stratégies visant à laminer la volatilité mises en oeuvre dès le mois de juin.

▪ Google éclipse Apple
Le Nasdaq, plombé par Apple (-1,5%) s’effritait de 0,6%. Les commentateurs ont zappé la déception causée par l’annonce d’un total de cinq millions d’iPhone 5 vendus en un week-end pour s’appesantir sur le nouveau record historique établi par Google en clôture, à 750 $ « tout rond »… c’est-à-dire 0,4% de plus que le précédent plus haut inscrit à 747,25 $ début novembre 2007.

Un analyste de Citigroup indiquait lundi que le titre pourrait progresser vers les 850 $. Cela ressemble beaucoup à cette course à l’échalote à laquelle se livrent les bureaux d’étude au sujet d’Apple depuis six mois : 900 $, 950 $, 1 000 $ d’ici mars 2013… qui dit mieux ?

N’importe qui peut faire miroiter n’importe quel objectif de cours. Des projections de bénéfices stratosphériques autorisent toutes les hypothèses de capitalisation !

En additionnant celle d’Apple (plus de 650 milliards de dollars) de Google (245 milliards de dollars) et d’Amazon (115 milliards de dollars), on obtient un total de 1 010 milliards de dollars, ce qui est équivalent au PIB du Mexique — un pays de 113 millions d’habitants.

Quelques dizaines de milliers de salariés d’Apple et de Google produisent implicitement plus de richesses que l’ensemble de la population de la Hollande et du Luxembourg réunis ! Aucune mise en perspective ne donne le vertige aux analystes de Wall Street. Le ciel est la seule limite, le trading algorithmique fournit de quoi échapper à l’attraction terrestre.

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