Les marchés ne réagissent pas toujours à court terme comme on s’y attend. La journée du 14 février nous le rappelle. Mais à long terme, certains principes restent vrais.
Tous rivés sur l’inflation en ce 13 février
Le mardi 13 février, le joli conte (narrative en anglais) du moment était que le 14 février, « les marchés » auraient l’oeil rivé sur l’inflation américaine ; si celle-ci se révélait supérieure aux attentes, il y aurait du grabuge.
Le mercredi 14 février, les chiffres de l’inflation américaine se sont révélés supérieurs aux attentes et il ne s’est rien passé. Au contraire, les actions ont progressé.
Comme dirait Nassim Taleb :
« Le comportement moyen du participant au marché ne nous permettra pas de comprendre le comportement général du marché » (*).
Le conte du jour délivré par les médias repose en général sur un « comportement moyen » des participants au marché face à une situation donnée.
Félicitations pour votre augmentation de 1 500 € par mois ! Comment ? Vos revenus n’ont pas bougé, aux dernières nouvelles ?Et pourtant… ces 1 500 € supplémentaires par mois sont bel et bien une réalité, et pourraient commencer à tomber sur votre compte en banque dès la semaine prochaine. |
Anormalité sur les marchés
Pour mémoire, l’idosyncrasie :
- marque l’anormalité ;
- relève des caractères propres du comportement d’un individu particulier.
Ces deux caractéristiques – anormalité et individualité – sont haïes des banquiers centraux et des économistes qui aimeraient bien nous manipuler comme des marionnettes. L’individu « hors moyenne » est un grumeau gênant dans la pâte humaine malléable que nous constituons aux yeux des grands planificateurs.
Anormalité et individualité : le désarroi des grands plannificateurs
Lorsque l’idiosyncrasie reprend le dessus, le désarroi des grands planificateurs et des commentateurs est toujours amusant.
Le chroniqueur Marc Fiorentino sur ce conte au sujet des chiffres de l’inflation :
La crainte était que ces chiffres soient supérieurs aux attentes. Eh bien, ils ont été supérieurs aux attentes, 2,1% au lieu de 1,9%. Le dollar aurait dû monter, les indices boursiers baisser. Rien ne s’est passé comme prévu. Le dollar baisse contre toutes les monnaies et les indices américains ont récupéré une large partie de leur baisse de la semaine dernière. Un seul marché a réagi comme on pouvait s’y attendre, les taux d’intérêt. Avec le taux de référence à 10 ans américain autour de 2,9% à une encablure des 3% symboliques.
L’or a réagi comme on pouvait s’y attendre
N’en déplaise à Marc Fiorentino, un autre marché que le marché obligataire a réagi « comme on pouvait s’y attendre« : l’or. Mais il est vrai que c’est encore un petit marché qui n’attire pas la foule.
Retenons de ce 14 février qu’à court terme les marchés restent imprévisibles.
Les mêmes bêtises produisent toujours les mêmes catastrophes
A long terme, en revanche, les mêmes bêtises produisent toujours plus ou moins les mêmes catastrophes et les mêmes principes restent vrais.
- Les expériences de monnaie en tant que crédit pur ont toujours mal tourné en l’absence de jubilé (remise à zéro périodique des compteurs de dette).
- On ne peut sortir du surendettement en s’endettant plus (même à taux zéro !).
- La création monétaire ou de crédit n’a jamais sauvé aucun gouvernement (de l’Allemagne au Zimbabwe en passant par la France, la Hongrie, le Venezuela, etc.).
- La création de crédit infini à taux zéro ne fonctionne pas.
- Cette fois n’est pas différent.
A court terme, on peut toujours noyer le poisson, habiller des statistiques, imposer des politiques monétaires en agitant des théories fausses comme celle de la courbe de Phillips.
Mais ne vous y trompez pas : depuis 1971, soit 47 ans, nous vivons avec un régime monétaire de crédit pur (retour dans le passé, avant l’invention de l’or et de l’argent, six siècles avant J.-C.), mais sans régulation puisqu’il n’existe pas de jubilé programmé.
* Nassim Nicholas Taleb est le père du Cygne Noir. Ancien trader d’options, Libanais, résidant aux Etats-Unis, Taleb enseigne le risque à l’école d’ingénieurs de la New York University. Son dernier ouvrage, Jouer sa peau, vient d’être publié en français.