▪ Un régime estival s’est instauré lundi : les bourses étaient bien ensoleillées du début de la matinée jusqu’en milieu d’après-midi, et les opérateurs restaient alanguis sur leur transat, la visière de leur casquette rabattue sur le visage.
Le jeu consistait hier à ne rien faire… ou juste se laisser porter par la vague. C’était plutôt confortable, l’Euro-Stoxx 50 ayant pris 2,1% dans le sillage de Francfort puis de Madrid et Paris avec +1,85%.
Si les indices boursiers ont effacé leurs pertes de vendredi, le CAC 40 par exemple clôturait assez loin de ses meilleurs niveaux du jour, à 3 824 contre 3 842,5 points. Cependant, à la hausse en matinée comme à la baisse à une demi-heure de la clôture, le rythme des transactions est demeuré désespérément lent jusqu’à l’ultime minute de la séance. Il ne s’est échangé que 2,2 milliards d’euros à Paris (contre 2,7 milliards vendredi et 3,1 milliards jeudi).
C’est l’été certes… mais voilà une activité digne d’un creux de mois d’août. Nous connaissons pas mal d’intermédiaires (banques, sociétés de bourse) qui commencent à se demander avec anxiété jusqu’à quel niveau d’inactivité les marchés pourraient tendre d’ici la rentrée.
En agrégeant les volumes négociés sur les diverses plateformes alternatives, on ne dépasse pas les 3,3 milliards d’euros. Si l’on retranche le HFT (high frequency trading), qui ne génère pratiquement aucune commission de transaction, il ne s’est pas échangé plus de 1,5 milliards d’euros en réel (des actions achetées et mises en portefeuille ou des titres vendus pour réaliser un arbitrage ou refaire du cash).
Nous attirons votre attention sur cette inexorable contraction des volumes car pour nombre de valeurs du CAC 40, une fois éliminés les 95% d’ordres factices générés par le HFT, il n’y pratiquement aucune quantité en carnet, sauf à faire décaler brutalement les cours.
▪ Des marchés versatiles
Voilà les conditions idéales pour que le trading algorithmique se lance dans une chasse aux stops systématique. Celui qui ouvre une position (acheteuse ou vendeuse, peu importe) ne sait pas forcément qu’il n’y a en fait pratiquement personne derrière lui — à part des centaines d’offres ou de demandes bidons. Il devient donc excessivement facile pour les robots d’aller tester les limites de déclenchement dans un sens comme dans un autre.
Ce n’est pas une surprise, par conséquent, de voir les marchés se montrer soudain beaucoup plus versatiles depuis le 22 mai dernier : chute de 11% du Nikkei en intraday, taux longs américains repassant au-dessus des 2%…
C’est pourquoi nous assistons à une succession de renversements de tendance — souvent incohérents — à 24 heures d’intervalle, parfois au sein d’une seule et même séance.
L’évolution heurtée de Wall Street lundi l’illustrait à merveille. Les indices américains ont reperdu en 90 minutes la moitié de leurs gains initiaux, acquis en une demi-heure. Le Dow Jones affichait vers 19h +0,36% (contre +0,8% à 16h) ; le Nasdaq reculait de 0,1%. Au final, le S&P 500 prenait 0,55% et le Nasdaq (plombé par Intel et Micron) ressortait opportunément du rouge au cours du dernier quart d’heure pour afficher un gain symbolique de 0,15%.
▪ Sur la route des vacances
Le coup d’envoi des vacances d’été semble avoir été donné ce week-end en Europe mais la grande transhumance avait débuté 15 jours plus tôt aux Etats-Unis. C’est la fameuse driving season, où l’on retrouve sur les routes aussi bien les touristes que les Américains qui effectuent leur déménagement avant la rentrée.
Cette orgie de kilomètres ne saurait à elle seule expliquer la flambée des prix du pétrole : +11% en moins de 15 jours entre 93 $ et 103,9 $ — c’est la plus forte hausse observée depuis fin février 2012 (de 96,5 $ à 110 $).
L’Europe est en panne de croissance, la plupart des émergents ralentissent… Nous ne pouvons donc que donner raison aux spécialistes qui pointent du doigt la situation politique et économique qui s’envenime en Egypte. Cette dernière ne produit pratiquement ni gaz ni pétrole mais occupe une position centrale au milieu de pays producteurs particulièrement instables comme la Libye, la Syrie ou le Soudan.
Le passage du prix du pétrole au-dessus des 100 $/baril (référence WTI) a coïncidé avec la destitution du président égyptien Mohammed Morsi.
Les appels des Frères musulmans au soulèvement contre l’armée — laquelle avait été encensée pour avoir mis fin au règne controversé du président Moubarak 16 mois auparavant — rendent la situation potentiellement explosive. Ce que les marchés redoutent par-dessus tout, cependant, c’est que le passage par le Canal de Suez devienne problématique.
En filigrane, il existe aussi toujours un risque que certaines monarchies du Proche-Orient productrices de pétrole et de gaz se retrouvent à leur tour déstabilisées par des mouvements religieux radicaux.
Ceci explique dans une large mesure l’absence de commentaires officiels et la non-ingérence de l’ensemble des pays qui entretiennent des liens économiques étroits avec l’Egypte.