▪ Puisque les marchés se contrefichent du passé, du présent et du futur pour se complaire dans des paramétrages algorithmiques qui vont de sept secondes à trois minutes dans le meilleur des cas… nous ne voyons pas pourquoi les statisticiens s’acharneraient à produire des chiffres sincères dont personne n’a l’intention de tenir compte. Autant produire tout de suite ceux qui arrangent les politiciens et ceux auxquels feront semblant de croire les médias et les milieux d’affaire (pour mieux prendre à contrepied ceux qui sont ancrés dans la réalité de terrain).
Vu de l’extérieur, tout semble se passer comme si les politiques, les brasseurs d’argent et les journalistes économiques avaient une mémoire de poisson rouge et que leurs bases de données détruisaient automatiquement les données vieilles de plus de quatre semaines, de telle sorte qu’aucune statistique n’apparaît jamais incohérente ou « bidouillée ».
L’un de nos exemples préférés, c’est l’INSEE. L’institut nous annonce une croissance positive presque à chaque trimestre… mais révise systématiquement en baisse les chiffres des trimestres précédents.
Tout le monde s’empresse joyeusement d’oublier que les « vrais chiffres » précédents sont en définitive négatifs : -0,1% puis -0,2%, ce qui valide en fait un scénario de récession dans l’Hexagone. Avec ce genre de mémoire sélective, les marchés font semblant de succomber à l’illusion d’une croissance éternelle alors que la France ne cesse de s’enfoncer et l’emploi de reculer.
Rassurez-vous, nos magiciens des chiffres de l’INSEE ne sont pas les seuls à accomplir des prodiges pour tromper l’opinion. Leurs collègues du département du Travail américain nous ont littéralement bluffés ces trois derniers mois, avec un taux de chômage en baisse malgré un nombre d’actifs qui décroît et une population en expansion. Idem pour ceux du département du Commerce qui nous ont annoncé un spectaculaire rebond (+15%) des mises en chantier de logements neufs en septembre, tandis que les effectifs des ouvriers du bâtiment étaient en baisse (de 2 000).
Comme personne ne veut savoir qui s’est trompé (ou qui cherche à nous tromper), le marché fait comme si les deux chiffres qui s’opposent étaient les bons. Plus le paradoxe est grotesque, mieux ça passe !
Et quand l’avenir comporte des risques majeurs (comme une dette totale que les Etats-Unis sont incapables de rembourser), les médias et Wall Street font semblant de s’obnubiler sur les 40 ou 50 milliards de dollars de désaccord concernant l’imposition des 2% de contribuables les plus riches… Le véritable enjeu serait plutôt de réduire l’endettement du pays de 1 600 milliards de dollars par an jusqu’en 2016 pour s’aligner sur les 60% de ratio dette/PIB et les 3% de déficit que visent les pays européens d’ici quatre ans pour répondre aux exigences des agences de notation .
Le jour où le Congrès US sera parvenu à un compromis bidon sur la fiscalité des valeurs mobilières, on nous annoncera que tous les problèmes des Etats-Unis sont résolus !
▪ Sursaut de Wall Street vendredi
Voyez comment Wall Street a réussi à enrayer sa glissade vendredi : les indices américains ont enregistré un spectaculaire sursaut de 1% d’amplitude en moins d’un quart d’heure — à partir de 17h45. Cela sur des rumeurs de « discussions constructives » entre démocrates et républicains à l’issue d’une réunion organisée vendredi par Barack Obama avec les chefs de file des principaux partis du Congrès.
Ce rebond est survenu trop tard pour sauver la mise aux indices européens avec un Euro-Stoxx 50 qui plongeait de 1,4% sous le support des 2 455 points et un DAX 30 qui chutait de 1,3% sous les 7 000 points.
Même si Wall Street a repris un peu de terrain vendredi soir, la compensation du contrat « CAC 40 novembre » s’est effectuée sous le support des 3 375 points. Paris a perdu 2,4% en hebdomadaire, ce qui entérine la cassure de seuils graphiques très surveillés et bien défendus depuis fin septembre.
A Wall Street, la rupture des supports est intervenue au lendemain même de la réélection de Barack Obama ; les indices américains ont enchaîné une seconde semaine de repli. La perte hebdomadaire du S&P, qui s’élevait à -2,5% en milieu de matinée, a été réduite à -1,5%. L’indice qui cédait initialement 0,7% a clôturé en hausse de 0,48% à 1 360 points.
Sur l’ensemble de la semaine, le Dow Jones Industrial a lâché 1,8% (tout comme le Nasdaq) ; les trois principaux indices américains ont perdu de 7% à 8% depuis le zénith du 18 octobre dernier.
▪ La falaise fiscale à toutes les sauces
Le motif de cette correction est martelé sans répit depuis 15 jours : la falaise fiscale nous est servie à toutes les sauces alors que Wall Street ne croit pas vraiment à la mise en oeuvre automatique de coupes dans les dépenses publiques susceptibles de casser la croissance.
Toutes les forces en présence semblent d’accord pour renégocier les termes des décrets votés fin juillet 2011… mais quelles concessions les uns et les autres sont-ils prêts à consentir d’ici le 31 décembre ?
La prochaine réunion consacrée au sujet est prévue au lendemain du long week-end consumériste de Thanksgiving (jeudi sera férié, et Wall Street n’ouvrira que pour une demi-séance ce vendredi).
Cette semaine écourtée est d’ordinaire plutôt positive pour les marchés américains. En effet, une hausse des indices contribue à soutenir le moral des ménages avant qu’ils ne participent à la campagne de soldes la plus massive de l’année, laquelle débutera ce vendredi (le « Black Friday »).
Et les soldes sur Apple… vont-elles se poursuivre ? Le titre a déjà chuté de 25% et les amateurs de rachats à bon compte ne se bousculent toujours pas : le titre est resté scotché autour de 525 $ (contre 705 $ au plus haut).
Wall Street va-t-il nous offrir un Apple plus que « mini » pour Noël ?