L’ours pourrait-il devenir une espèce en voie d’extinction sur les marchés financiers ? Cela n’aurait rien d’impossible lorsque l’on examine les données économiques et les arguments pour la hausse jusqu’au ciel que certains envisagent déjà. Mais restez sur vos gardes, car la Bourse brûle toujours ce qu’elle a adoré…
Treize années après le lancement du premier quantitative easing (QE) américain par la Fed en novembre 2008, ça y est, les investisseurs particuliers sont au rendez-vous. Comme l’écrit Bruno Bertez : « C’est un signe qui n’a jamais trompé. Lorsque des étudiants de 20 ans font du trading sur la base des conseils d’un ami ‘génial’ de 22 ans, c’est qu’on y est ! »
Jeunes adolescents présentés comme de fins analystes financiers, contraction de prêts personnels pour investir en Bourse, meme stocks, meme coins, obligations d’Etat surendettés à taux négatifs, introductions en Bourse à des prix vertigineux de sociétés déficitaires, explosion des volumes sur les penny stocks, avènement des SPAC : tout y est. Une nouvelle stratégie de trading est même née : la chasse en meute via des forums de gaming dans une ambiance de guerre des générations !
Les symptômes de l’hystérie collective provoquée par l’excès de liquidités sur les marchés ne manquent pas.
Jusqu’à présent, les autorités ne semblent aucunement s’en inquiéter.
C’est dans les ciels bleus qu’éclatent les orages
Irving Fisher déclarait neuf jours avant le krach du 24 octobre 1929 que le prix des actions avait atteint ce qui semblait être « un haut plateau permanent ». A l’été 2007, le président de la Fed Ben Bernanke indiquait que « les crédits subprime sont contenus ».
J’aimerais vous livrer une déclaration de James Bullard à mettre en parallèle. Le 16 février, le président de la Fed de Saint Louis déclarait qu’il n’y avait pas de signes clairs d’excès sur les marchés financiers, et qu’il n’était « pas vraiment sûr que l’on puisse appeler cela une bulle. […] C’est juste de l’investissement normal, en essayant de se faire une idée de ce que valent vraiment ces entreprises. »
La découverte des prix aurait donc lieu de manière la plus traditionnelle qui soit, nous promettent les grands planificateurs monétaires. Et pourtant, voici la relation qu’entretenaient depuis avril 2015 M1 (en vert) et le S&P500 (en rouge), à l’heure où James Bullard dressait ce constat.
Comme vous pourrez le remarquer, il n’y a aucune relation entre le prix des actions et la masse monétaire : ce n’est que de l’investissement tout ce qu’il y a de plus « normal ».
Hasard du calendrier, à la même période était publié un sondage de Bank of America (BofA) qui indiquait que « la seule raison d’être baissier est… qu’il n’y a aucune raison d’être baissier ».
En clair, « les clients de BofA ne sont pas préoccupés par l’exubérance du marché. Seulement 13% d’entre eux estiment que les actions américaines sont dans une bulle, tandis que 53% d’entre eux ne voient qu’un marché haussier à un stade avancé ».
Méfiez-vous si vous tapez cette expression sur Google car vous risqueriez facilement de confondre ce sondage de 2021 avec un autre sondage datant de… novembre 1999.
Répétez après moi : « C’est-juste-de-l’investissement-normal. »
17 février 2021 : « Aucune de nos mesures ne nous montre qu’il y a un éléphant dans la pièce, donc il n’y en a pas. Et s’il y en a un, nous avons les outils pour le faire disparaître. »
Dans de telles circonstances, on est d’ailleurs en droit de se poser la question suivante : puisque tout monte, pourquoi faire compliqué quand on peut faire très simple ?
17 février 2021 : « Un banquier important de JPMorgan dit à ses clients d’oublier les bulles et de tout acheter. »
Seulement voilà, au risque de faire un truisme, il me faut rappeler que les marchés ne montent pas jusqu’au ciel.
La dernière phase de la bulle ?
Comme l’écrivent Ronald Stöferle et Mark Valek dans la dernière édition de leur rapport In Gold We Trust :
« Nous vivons à une époque où des personnes comme Dave Portnoy, Michael Saylor et surtout Elon Musk jouissent d’un statut de rock star, voire de saint. Des phénomènes tels que le Dogecoin […], les ventes à découvert de GameStop initiées par la communauté Reddit, le boom des SPAC et le flot d’introductions en Bourse qui ont marqué un nouveau record de 180 Mds$ en volume indiquent que les marchés sont en pleine hystérie. C’est une phase d’euphorie alimentée par des politiques monétaires et budgétaires ultra-laxistes. La confiance des acteurs du marché semble aussi illimitée que le niveau élevé des liquidités. »
Quand on regarde les courbes de prix, on ne peut qu’être frappé par leur verticalisation.
4 novembre 2021 : Le NASDAQ 100 9 mois après la déclaration de Bullard : « Visuel de l’hypothèse de l’efficience des marchés »
Il semble difficile de dire à cet égard que la période actuelle n’a pas l’apparence d’une phase maniaque.
Pour autant, il ne faut pas se tromper de combat : en dépit de tous les voyants qui clignotent d’un rouge écarlate, il ne s’agit évidemment pas de nier que le marché reste haussier au premier creux venu ou, encore plus dangereux, de se mettre à le shorter.
Quand la bulle éclatera-t-elle ?
Evidemment, je n’en sais rien. Je sais simplement que tout épargnant/investisseur (et même journaliste économique et financier) doit avoir à l’esprit le quatrième point des 10 règles de Bob Farell pour investir, à savoir le fait que « les marchés exponentiels qui grimpent ou qui chutent rapidement vont généralement plus loin que vous ne le pensez, mais ils ne corrigent pas en évoluant de façon latérale ».
L’une des informations contenues dans cette observation est que les situations qui nous semblent a priori aberrantes sont susceptibles de se prolonger bien au-delà de ce que notre raison nous permet d’imaginer.
Pourrait-il ne pas y avoir de bear market avant des années, comme l’écrivait John Plassard le 23 février 2021 ? Allez savoir…
Le bilan combiné des banques centrales ne cesse d’augmenter, et la corrélation avec le plus symbolique des marchés actions est flagrante.
Comme l’écrivait Bruno Bertez le 31 janvier 2021 à l’issue de l’épisode GameStop : « Les choses deviennent folles en fin de cycle du crédit. Les comportements deviennent chaotiques, la spéculation ne rencontre plus aucune limite. » Depuis, on a continué de grimper sur « l’échelle de la folie ».
Or, au plus on continue sur la voie d’un marché haussier parabolique, au plus il y a de chances que celui-ci se termine et au moins l’espérance de gains est élevée.
Et lorsque les prix se mettront à couler, il n’y aura pas de canaux de sauvetages pour tout le monde, en dépit des histoires que nous raconteront les autorités publiques.
Avril 1912 : « Le Titanic coule, mais aucune vie ne sera probablement perdue »
Comme le dit Jeffrey Christian :
« Les prix ne peuvent pas monter à des niveaux insoutenables et y rester. Certains investisseurs prennent leurs bénéfices, s’en sortent bien et se repositionnent une fois que le prix a baissé. Et les investisseurs qui ne comprennent pas cela finiront par se dire : ‘Un jour, j’ai été très riche.’ »
Enfin, c’est ce que le patron du CPM Group indique au sujet du métal jaune.
Compte tenu de ce que je vous ai présenté au fil de mes derniers articles, c’est plutôt vis-à-vis des actions que je serais très prudent, et c’est l’or (et le bitcoin) que je surpondérerais.