▪ C’est peut-être l’heure du bilan hebdomadaire : il y a beaucoup à dire sur la crise de la dette et l’entêtement allemand qui vise à empêcher la BCE de la résoudre… Mais nous allons faire court sur l’actualité des dernières heures pour nous concentrer sur l’évolution des indices boursiers qui émettaient, jeudi soir, de bien inquiétants signaux.
La situation apparaissait tendue mais pas critique en cette veille de séance des « Trois sorcières » lors de la clôture des places européennes. Si le CAC 40 chutait de 1,8% à 3 010 points, Madrid ou Milan ne perdaient pas plus de 0,4 ou 0,6%. L’Euro-Stoxx 50, lui, limitait son repli à un banal 1,1% ; il s’agit là d’un score plutôt rassurant vu la forte tension des taux dans l’ensemble de l’Eurozone, Allemagne comprise.
Le repli des valeurs françaises apparaissait relativement sévère — surtout du fait des attaques contres les valeurs bien spécifiques liées à l’industrie du nucléaire comme EDF ou Alstom. Mais les opérateurs ont souligné qu’ils n’observaient pas de forte pression à la vente, comme en témoignait un modeste volume de 2,5 milliards d’euros échangés (tout comme la veille).
L’indice CAC 40 semblait encore en mesure de préserver le support des 3 030 points, le niveau de compensation de la journée des « Quatre sorcières » du 16 septembre (étrange coïncidence !) à une demi-heure de la clôture, avant de lâcher prise et de rejoindre la zone des 3 000 points.
Ce support a facilement rempli son office grâce à un euro qui s’accrochait au palier des 1,35 $ après avoir fléchi vers 1,345 $ et menacé un important support moyen terme.
Cependant, nous avons assisté à un changement d’ambiance radical moins d’une heure après la clôture. En effet, le Dow Jones effectuait une chute en piqué de 200 points entre 11 920 et 11 710, le SP 500 plongeait de 2% sous le support majeur et potentiellement décisif des 1 220/1 215 points.
Avec la cassure des 3 005/3 010 points puis le comblement du gap des 2 973 points en transactions hors séance, le CAC 40 validerait un puissant signal baissier puisque la rupture de la ligne de cou de la tête/épaules (3 220/3 410/3 220) serait confirmée.
Cela change tout, car la configuration en ‘ »épaule/tête/épaule » (E/T/E) inversée (haussière) sur les 2 700 points se trouverait symétriquement invalidée.
Le scénario de cet automne 2011 nous apparaît étrangement comparable à celui observé de mi-mars à mi-mai 2008, avec une ébauche « d’E/T/E » inversée — et qui avait avorté — entre 4 430 et 5 140, ou celle inscrite entre 2 840 et 3 425 du 21 novembre 2008 au 6 janvier 2009 (même amplitude, timing très similaire, construction quasi identique).
▪ Même si les chartistes conviennent que l’histoire ne se répète jamais à l’identique, il existe décidément beaucoup de ressemblances très troublantes entre le mouvement de correction moyen (ou long) terme amorcé sous 4 000 points le 1er juillet dernier et celui amorcé sous 5 800 le 12 décembre 2007. Ce mouvement avait eu lieu après une culmination estivale sous 6 170, très comparable au triple sommet déclinant (sous 4 160, 4 110 puis 4 020) que nous observons depuis la mi-février 2011.
Si une seconde vague majeure de correction s’enclenchait au cours des prochaines heures (et il est désormais difficile d’exclure cette hypothèse) le retracement des 2 900 points (plancher du 10 août dernier) puis du plancher annuel (des 2 700 points) ne serait qu’une première étape dans un processus de contraction des cours jusque vers 2 500 points, voire 2 100 points.
▪ Wall Street a largement contribué à rendre possible, sinon probable, un tel scénario en chutant de 2% en fin de séance, pour la seconde séance consécutive.
Cette baisse a été inspirée par la crainte d’une contamination du système bancaire américain par la crise de la dette européenne.
Le même syndrome du gel des échanges interbancaires semble ressurgir à trois ans d’intervalle. La cause de la défiance ne réside plus dans les dérivés de créances immobilières pourries mais bien dans les dettes souveraines — qui ont pour une bonne part servi à éponger les conséquences de la crise systémique de 2008.
Grâce à une vague de rachats de découvert dont Wall Street a le secret, les indices américains ont repris 0,3% au cours des deux dernières minutes de la séance et 0,5% au cours du dernier quart d’heure.
Le Dow Jones, qui perdait 220 points vers 21h45, n’en cédait plus que 135 en clôture. Bien que limitant son repli à 1,7% (au lieu de 2,2% vers 21h30), le S&P n’est pas parvenu à préserver le très important support des 1 220 points.
Il valide donc sur les trois dernières semaines un triple sommet déclinant sous 1 285/1 275/1 265 points. La cassure de la MM100 (1 225 points) suivie par une glissade sous 1 219 points (ex-zénith du 1er et 16 septembre) valide un scénario clairement angoissant.
Le Nasdaq composite, qui perdait au final 1,95% à 2 588 (contre 2 576 points vers 19h30),
a lui aussi nettement enfoncé la MM100 — cette dernière gravite vers 2 615 points, un niveau qui coïncide avec l’ex-plancher du 17 juin –, puis la MM50 dans la foulée (2 590 points).
Même si certains chartistes considèrent que l’enfoncement des niveaux clés mentionnés ci-dessus est de l’épaisseur du trait, il ne faut pas oublier que sans le rebond des deux dernières minutes évoquées plus haut, les signaux baissiers n’auraient souffert d’aucune ambiguïté.
Il subsiste donc un mince espoir que le dérapage indiciel de jeudi constitue un nouvel exemple de bear trap (piège à baissier en français). Ce n’est donc certainement pas un hasard si Wall Street s’est mis à dévisser une poignée de minutes seulement après la clôture des places européennes, pour la seconde séance consécutive.
▪ Ce n’est certainement pas un hasard non plus si l’euro a rebondi systématiquement au-dessus des 1,35 $ en tout début de séance chaque fois que le CAC 40 a menacé d’enfoncer les 3 030 points. Tout semble avoir été fait pour sauver ce support qui constituait la dernière ligne de défense avant que les 3 000 points ne soient directement exposés aux pressions baissières.
Le pilotage de la tendance boursière via la manipulation du marché des changes — si elle est avérée comme en atteste la fausse bourde de S&P sur le Triple A français — démontre que le cours de l’euro, précurseur de l’évolution du CAC 40 ou du DAX 30, est véritablement destiné à faire pression sur les dirigeants politiques européens.
Mais l’euro ne doit pas trop chuter non plus face au dollar car cela mettrait le commerce extérieur américain en péril. Les achats massifs de Bunds allemands (qui compensent la liquidation des bons du Trésor des pays du sud de l’Europe) permettent à l’euro, et par conséquent aux exportations américaines, de surnager… comme un canot de sauvetage au milieu d’un champ de mines sous-marines.