La Chronique Agora

Les marchés sont-ils devenus fous ?

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L’Homme est une espèce compétitive, toujours à la recherche de moyens de se mettre en valeur. Souvent, nous en payons le prix.

« Je proteste, votre honneur ! Ce procès est une parodie. C’est un simulacre de simulacre de simulacre de simulacre de simulacre de deux simulacres de simulacre. » – Woody Allen, dans Bananas

NPR rapportait ceci en novembre dernier :

« Une banane scotchée au mur se vend pour 6,2 millions de dollars lors d’une vente aux enchères

Une oeuvre d’art conceptuelle composée d’une simple banane scotchée au mur s’est vendue pour 6,2 millions de dollars lors d’une vente aux enchères à New York mercredi, l’enchère gagnante étant celle d’un éminent entrepreneur en crypto-monnaies. A un moment donné, un autre artiste a retiré la banane du mur et l’a mangée. »

Ce que vous allez lire aujourd’hui est une rêverie sur les prix, la valeur… et les bananes.

Devinez de combien les actions ont augmenté au cours des 100 dernières années. Quelle est leur valeur par rapport à 1925 ?

Allez-y, essayez de deviner.

La réponse, selon notre nouveau modèle de conservation de valeur, est de zéro.

Comme cela semble contredire les preuves, et presque tout ce que nous pensons savoir sur le marché boursier et la nature du capitalisme américain, une explication s’impose. Mais pour la comprendre, nous devons revêtir nos gilets de sauvetage, ainsi que nos lunettes de réflexion, et sauter dans une mer de chiffres glissants.

Tout d’abord, il existe de nombreuses formes de valeur différentes pour le même objet.

Lors d’une vente aux enchères d’oeuvres d’art, une banane peut valoir 6,2 millions de dollars. A l’épicerie, elles se vendent 60 centimes. Que vaut vraiment le Bitcoin ? Et un timbre ?

Les objets ont une valeur dans la mesure où les gens les apprécient. Le Trump Coin, par exemple, vaut quelque chose, mais seulement parce que les gens veulent le posséder. On ne peut pas en manger. On ne peut pas l’utiliser pour déblayer la neige. Il prendra peut-être de la valeur… ou pas.

La plupart des choses prennent de la valeur en fonction de ce qu’elles vous apportent. Les voitures vous transportent. Les maisons vous protègent.

Mais il y a aussi une grande part d’esthétique qui rentre en jeu… ou peut-être de vanité. Les gens veulent acheter des vêtements élégants, vivre dans de beaux quartiers et conduire des voitures de luxe qui augmentent leur sentiment de bien-être, même si elles n’apportent pas vraiment d’utilité supplémentaire.

Nous sommes une espèce compétitive, toujours à la recherche de moyens de se mettre en valeur. Souvent, nous en payons le prix.

Lorsque les gens achètent des bananes à l’épicerie, ils peuvent essayer d’en avoir le plus possible pour leur argent. Mais lorsqu’ils achètent des bananes collées au mur, ils essaient d’en avoir le moins possible pour leur argent. Dépenser sans compter est la preuve qu’ils sont riches et peut-être « au-dessus de tout ». C’est aussi pour cela que les gens achètent des sacs à main Gucci ou des montres Rolex. L’utilité supplémentaire de ces objets est minime, mais la dépense supplémentaire envoie un message.

Même dans le monde de la finance, de nombreuses personnes achètent des choses qui semblent être des choses absurdes où placer de l’argent. Ils achètent une cryptomonnaie ou une action « mème » et prétendent « investir ». Ce qu’ils font en réalité, c’est parier que quelqu’un sera encore plus fou qu’eux et paiera davantage.

Mais laissons de côté le monde impondérable des jeux d’argent et des dépenses de vanité. Intéressons-nous plutôt à la production réelle – les biens et services que la plupart d’entre nous désirent et dont nous avons besoin – et à la valeur réelle des entreprises qui les produisent.

Ford produit des automobiles et des camions. Sa valeur provient de la chaîne de montage. Aujourd’hui, elle fabrique des véhicules plus nombreux et de meilleure qualité qu’il y a un siècle ; est-ce que cela lui donne plus de valeur ?

Les compagnies pétrolières pompent également plus de pétrole. Les films sont plus sophistiqués, et le chauffage domestique fonctionne généralement mieux. Le progrès !

Ces améliorations augmentent-elles la valeur de Ford ou d’autres entreprises ? Pas nécessairement.

Les valeurs sont relatives, pas absolues. Lorsque tout le monde s’enrichit de manière absolue, personne ne s’enrichit de manière relative. Et ce n’est pas parce que Ford produit des voitures plus nombreuses et de meilleure qualité qu’elle a nécessairement plus de valeur par rapport à d’autres choses.

Par conséquent, pour que les actions (ou quoi que ce soit d’autre) valent plus, il faut qu’elles valent plus par rapport à d’autres éléments de valeur. Et d’autres choses connaissent aussi des progrès.

Le rôle de l’argent est de rendre les choses plus simples à comprendre. Si vous cultivez des tomates et que vous voulez les échanger contre d’autres choses que vous voulez ou dont vous avez besoin, votre récolte se transformera en bouillie avant que vous n’alliez très loin. Un abonnement à un journal vaut-il 30 ou 25 tomates ? Une paire de chaussures en vaut-elle 200 ? Mais quel cordonnier voudrait 200 tomates ?

L’argent a également permis d’établir un « prix » pour les biens. Les personnes qui veulent des tomates peuvent faire des offres les unes contre les autres. Chacun a ses propres désirs, besoins et informations. Le marché prend tout cela en compte, l’agrège et le distille en un seul chiffre… le prix du marché.

En dollars, au cours des 100 dernières années, le prix des voitures a été multiplié par 83. Les maisons sont 85 fois plus chères. Mais les actions ? Elles ont été multipliées par 366 depuis 1925. Rien d’autre ne s’en approche.

Mais comment les fabricants de biens peuvent-ils avoir autant de valeur que les biens qu’ils fabriquent ? Les marchés sont-ils devenus fous ?

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