La Chronique Agora

Les marchés boursiers sont-ils si profitables que cela ?

▪ Depuis l’accord à Washington les marchés sont à la fête. Les indices boursiers sont encore plus hauts qu’avant le shutdown. L’optimisme a de nouveau rapporté en 2013.

"Il faut dire que pendant la majeure partie de ces trois dernières décennies, l’optimisme a rapporté", observe l’analyste bancaire William Vincent dans un récent article pour SNL Financial intitulé "Où sont les baissiers ?"

Vraiment ?

L’article de Vincent considère le consensus disproportionné sur un certain nombre de grands titres en bourse comme un signe (Apple, par exemple, compte 43 achats contre seulement 3 ventes). Dans cet article, il ressort aussi le refrain haussier en citant les rendements de divers indices boursiers. Le Dow est en hausse de 358% depuis 1984. Le Nasdaq, même s’il reste inférieur à son plus haut de 2000, est en hausse de 2 765%. Ces indices sont trompeurs.

"Si l’on suivait réellement la mortalité des entreprises", observe Carlo Cannell, "on conclurait que le marché ne connaît pas ce biais haussier que tout le monde pense être la réalité. En fait, le marché est un jardin bien entretenu".

Cannell est l’un de ces rares investisseurs qui a constamment gagné de l’argent en se positionnant du côté vendeur et en pariant contre les entreprises. (Cette citation est tirée de The Art of Value Investing ["L’art de l’investissement par la valeur", NDLR], un ouvrage regroupant les citations de très bons investisseurs, publié par Whitney Tilson et John Heins. Comme un sachet de chips et un pot de sauce, ce n’est pas un livre que l’on consomme d’un seul trait mais dans lequel il est bon de piocher de temps à autre.)

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L’analogie de Cannell avec un jardin bien entretenu est excellente. Les faiseurs d’indices éliminant les perdants, les rendements des actions semblent meilleurs que ce qu’ils sont en réalité.

▪ "La plupart des actions perdent de l’argent"
C’est par cette phrase que John Del Vecchio et Tom Jacobs commencent leur nouveau livre, What’s Behind the Numbers?["Qu’y a-t-il derrière les chiffres ?", NDLR]. Les auteurs ont pour objectif de ne pas vous faire avoir par le marché. Ils commencent par s’assurer que vous comprenez bien le point de vue de Cannell.

Pour ce faire, ils citent une étude dans laquelle Blackstar Funds a étudié le Russell 3000 de 1983 à 2007. Le Russell 3000 est un indice boursier qui représente 98% de la liquidité sur le marché américain. Toutefois, Blackstar inclut dans son étude toutes les actions qualifiées pour entrer dans l’indice, même celles qui en ont été sorties, ce qui représente en tout 8 054 références.

On se rend compte alors que la plupart des actions ont perdu de l’argent même si l’indice a augmenté de près de 900% entre 1983 et 2007. En fait, les 25% meilleures — soit environ 2 000 actions — ont fourni tous les gains. Les 75% qui ont enregistré les pires performances — soit environ 6 000 actions — ont rapporté collectivement 0%.

Voici un tableau tiré de l’étude :


Source: Blackstar Funds

Tout cela pour dire qu’un petit nombre d’actions fournissent la majeure partie des rendements. Cela signifie également qu’il y a beaucoup de perdants.

Cela me rappelle le trait d’esprit d’un célèbre baissier, Jim Chanos, dont l’objectif est de rechercher des actions qui vont chuter pour une raison ou une autre. Parfois ces raisons impliquent du vol et de la fraude, ce que Chanos se fait un plaisir de dévoiler. Son plus célèbre fait d’armes est d’avoir révélé les méfaits d’Enron.

Tout cela fait qu’il n’est pas très apprécié par les haussiers de Wall Street. D’ailleurs, les vendeurs à découvert ne le sont jamais. (S’il existait une version du jeu de société Cluedo à Wall Street, on pourrait échanger le Professeur Violet et sa bande avec les plus grands baissiers. Chanos serait alors le type dans la bibliothèque avec le poignard dans le dos et Cannell celui qui a le tuyau de plomb dans la salle de bal.)

Quoi qu’il en soit, les gens aiment dénigrer la vente à découvert parce que le gain est plafonné — vous ne pouvez gagner que 100% si une action tombe à zéro — et le risque de perte est théoriquement infini.

Mais comme le dit Chanos : "j’ai vu plus d’actions tomber à zéro que monter à l’infini".

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