▪ L’Espagne a reperdu du terrain avant que nous puissions constater qu’elle en avait gagné. Lundi matin, les marchés actions du monde entier grimpaient grâce aux espoirs d’une solution au problème de l’euro. L’après-midi, le rebond était terminé.
Mais c’est ainsi que vont les sauvetages de l’euro. Leurs effets ont une durée de vie de plus en plus courte. Bientôt, les investisseurs réaliseront qu’ils ne fonctionnent pas du tout… et il n’y aura plus de rebonds. Un nouveau plan de sauvetage sera annoncé. Les investisseurs se rendront compte que ce n’est qu’une escroquerie de plus. Et les actions baisseront.
Quand ça arrivera, la partie sera terminée.
Nous ne sommes peut-être plus très loin de ce point, désormais.
En attendant, les Etats-Unis sont inquiets eux aussi. Au sujet de l’Europe, au bord de la débâcle ? Peut-être. Au sujet de la Chine, qui se développe à son rythme le plus lent des 13 dernières années ? Peut-être.
Au sujet des Etats-Unis eux-mêmes… où la « reprise » est portée disparue ? C’est quasi-certain.
Dans les bureaux de la Chronique Agora, nous restons sans soucis. Une autre manière de dire que nous profitons du spectacle. Que vont faire les truqueurs maintenant, nous demandons-nous ? Chaque tentative aggrave les choses. Mais ils s’obstinent.
A l’attention de nos lecteurs qui auraient encore des billes en jeu, nous maintenons notre drapeau d’Alerte au Krach pendant encore quelques jours. Ce marché pourrait très vite mal tourner. Si vous y avez des billes, retirez-les vite.
▪ Pendant ce temps, en Argentine…
Et à l’attention de tout le monde, nous portons nos yeux vers la pampa. Existe-t-il une politique si idiote que même les Argentins ne l’ont pas tentée ? Y’a-t-il un désastre financier si catastrophique que les gauchos ne l’ont pas répété au moins deux ou trois fois ? Y’a-t-il un tour si malhonnête ou d’une fraude si transparente que les politiciens au sud du Rio de la Plata n’en font pas une habitude régulière ?
Le stratégiste en chef de notre bureau d’investissement familial, Rob Marstrand, qui vit à Buenos Aires, nous rend visite aux Etats-Unis cette semaine. Il nous dit que c’est un crime, en Argentine, que de mentionner le marché « parallèle » en dollars. Sur le marché officiel, le peso s’échange toujours à environ 4,4 pour un dollar. Sur les marchés officieux — c’est-à-dire sur le marché parallèle — le peso « bleu » s’échange à moins de 5,1 pour un billet vert.
Mais apparemment, c’est illégal d’en parler.
De même, il est apparemment illégal de publier le taux d’inflation réel. Les autorités argentines ont leur taux : les contredire est un crime.
Le gouvernement essaie aussi d’empêcher les Argentins d’utiliser le dollar comme protection contre l’inflation du peso. La présidente a annoncé qu’elle transformait en pesos ses propres dépôts en dollars, pour donner l’exemple.
« Je peux vous garantir qu’elle ne convertit pas ses comptes en Suisse, » déclare Rob.
Mais l’Argentin moyen n’est pas né de la dernière pluie. Il a déjà vécu pas mal de choses. Il sait que quand un gouvernement se retrouve dans les ennuis financiers, on ne peut pas lui faire confiance. Il sait qu’il saisira tout l’argent sur lequel il peut mettre la main — surtout s’il s’agit de devises étrangères. Alors s’il a épargné des dollars, il les cache… ou il les fait sortir du pays.
Pourquoi les Argentins seraient-ils aussi nerveux ? Parce que leurs dépôts en dollars ont été saisis et convertis de force en pesos il y a 10 ans ? Parce que le peso a été dévalué de 66% durant la dernière crise ? Ou parce que le peso argentin d’il y a 50 ans a été dévalorisé d’environ 42 000 milliards de pourcents ? Nous ne savons pas comment une telle chose est mathématiquement possible… mais c’est ce que nous avons lu.
Faillites, dévaluations, hyperinflation — les Argentins ont tout vu.
Les Américains et les Européens ont beaucoup à apprendre.