La Chronique Agora

Comment les marchés actions peuvent-ils grimper sans productivité accrue ?

▪ Les marchés ne font pas grand’chose en ce moment — qu’il s’agisse des actions ou de l’or. Et qui sait ce que demain apportera ? Un krach ? Une bulle ?

Pas nous, en tout cas ! Pour les lecteurs à qui il resterait quelques doutes, nous venons de prouver que nous ne sommes pas doué pour prédire l’avenir. Nous avons manqué l’un des plus grands marchés haussiers de l’histoire… nous sommes resté sur le banc de touche ! Bloomberg nous en dit plus :

« [Le S&P 500] a grimpé de 23,6% cette année, ce qui serait le meilleur gain annuel depuis un pic de 26,4% en 2003. »

« […] ‘La chose la plus haussière que puisse faire un marché, c’est grimper, et c’est ce qu’il fait’, a déclaré au téléphone Bruce Bittle, stratégiste en chef chez RW Baird & Co., depuis Sarasota, en Floride. Sa firme gère 100 milliards de dollars. ‘L’arrivée de Janet Yellen aux commandes et la déception des derniers chiffres de l’emploi suggèrent que la Fed continuera à assouplir et imprimer au moins jusqu’en mars, probablement au-delà’. »

« Les décideurs de la Fed se rencontrent mardi et mercredi pour voir si la croissance économique [américaine] est assez forte pour commencer à réduire les 85 milliards de dollars de rachats obligataires. Le shutdown de 16 jours qui a eu lieu ce mois-ci a supprimé au moins 24 milliards de dollars de l’économie et poussera les décideurs de la banque centrale à attendre jusqu’en mars pour réduire la politique de relance, selon un sondage Bloomberg ce mois-ci ».

Nous aurions dû faire plus confiance aux autorités. Paniquées, elles se sont lancées dans des tentatives désespérées de faire grimper les prix des actifs. « Yes we can! », ont-elles dit. Pas du tout, avons-nous pensé.

▪ Comment avoir à la fois raison et tort
Cela aurait été incroyablement imprudent et idiot, mais nous aurions pu mettre 100% de notre argent dans les actions américaines — en 2009 de préférence. En mars de cette année-là, le Dow est tombé sous les 7 000 points. C’est à ce moment-là qu’il aurait fallu acheter.

Au lieu de ça, nous sommes parti du principe que les autorités échoueraient entièrement… Nous pensions que les efforts de reprise des autorités se solderaient par un ratage… comme quasiment tous les autres programmes fédéraux depuis la Deuxième guerre mondiale. Ensuite, le marché serait condamné à une dernière baisse, semblable à celle de 1982, où l’on pouvait acheter tout ce qu’on voulait à six fois les bénéfices. A un moment, le Dow tout entier pouvait être acquis pour une seule once d’or.

Eh bien, nous avions raison… et nous avions tort. En ce qui concerne la reprise, c’est un four, comme nous l’avions prévu. Les Américains se sont appauvris chaque année depuis 2007. Quelle sorte de reprise est-ce lorsque les revenus disponibles des ménages baissent ? Ce n’est pas du tout une reprise. Et qui serait assez idiot pour investir dans un tel marché ?

En ce qui concerne le marché boursier, en revanche, les crétins avaient raison. Il n’a pas seulement retracé la moitié de ses pertes, comme nous l’avions prédit. Il a repris 100%… puis a continué… doublant la mise des investisseurs et plus.

Dans quel genre de marché boursier est-on lorsqu’il double alors même que l’économie dont il dépend parvient tout juste à se traîner ? D’où vient un marché haussier, sinon de la croissance et de la prospérité de la société qu’il sert ?

Ce n’était pas un boom sur lequel on pouvait compter, avons-nous raisonné. C’était un boom précaire et dangereusement manipulé… un boom nourri par les politiques de la Fed, non par la croissance réelle. Ce n’était qu’une question de temps, avons-nous supposé, avant qu’il n’explose.

Et notre pauvre pavillon d’Alerte au Krach est resté hissé pendant des mois et des mois. Trempée par la pluie… blanchie par le soleil… la pauvre chose est désormais en lambeaux.

Même ainsi, nous avons peur de l’abaisser. Si les actions étaient risquées en 2008… elles sont deux fois plus risquées aujourd’hui !

Mais qu’importe ? Les prix ont grimpé. C’est tout ce qui compte, non ? Les haussiers avaient raison. Les baissiers avaient tort… et nous avec.

Tout de même, sans véritable croissance économique, qu’est-ce qui faisait que les entreprises américaines valaient deux fois autant d’argent ?

Eh bien, deux choses.

▪ Les raisons de la hausse
D’abord, les bénéfices ont augmenté. Derrière ce facteur, toutefois, se cache une histoire sordide. Près de deux tiers des revenus supplémentaires ne provenaient pas d’une hausse des ventes ou d’une productivité améliorée. Ils provenaient de coûts de financement plus bas. Les entreprises américaines sont débitrices. Elles profitent de la baisse des taux, tandis que les épargnants y perdent.

Deuxièmement, lorsque les taux d’intérêt chutent, la valeur d’un flux de revenus constant — les bénéfices des entreprises ou les rendements obligataires — grimpe. A 10% d’intérêt, on peut gagner 100 $ avec simplement 1 000 $ de capital. A 1%, il vous faudra 10 000 $ pour obtenir les mêmes revenus.

Entre ces deux choses — sans parler du fait que les autorités ont implicitement garanti de secourir toute grande entreprise en difficulté — les actions ont dépassé 15 500 points sur le Dow… une augmentation d’une valeur de 8 000 milliards de dollars environ pour les investisseurs.

Voyons si nous avons tout bien compris. Les entreprises ne vendaient pas vraiment beaucoup plus de produits. Elles n’étaient pas plus efficaces ou plus productives. Elles ne payaient pas de salaires élevés, développant ainsi la base d’acheteurs potentiels pour leurs produits.

Ce qui se passait en réalité, c’est que les autorités ont trafiqué toute la structure de capital des Etats-Unis. Et maintenant, peut-être… probablement… éventuellement… c’est possible mais qui sait… elle est en route vers un désastre.

Pourtant, les actionnaires ont plus que doublé leur argent depuis 2009. Dommage que nous n’en ayons pas fait partie.

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