▪ Les Anglo-Saxons étaient en congé lundi… mais cela n’a pas empêché que la manipulation du CAC 40 et des indices européens se poursuive avec la même intensité que lors d’une séance normale, lorsque tous les opérateurs sont bien présents.
Nous avons d’ailleurs été gâtés hier puisque le tripatouillage algorithmique ne s’est pas cantonné à orchestrer une hausse factice des actions. « On » a déployé l’artillerie lourde à la clôture pour masquer l’indigence vertigineuse de l’activité sur le marché parisien.
Les volumes d’échanges sont passés de 785 millions d’euros à 17h29 à 1,19 milliards d’euros à 17h35. Cela fait 50% de volume en plus, surgi comme par miracle et à la surprise générale des commentateurs au cours du fixing de clôture.
Certes, ce lundi, c’était jour de liquidation sur le SRD (quelques échanges techniques supplémentaires sont concevables à Paris)… mais cela se joue à l’ouverture plutôt qu’à la clôture. La réalité, c’est qu’il n’y avait aucun « intérêt » acheteur ou vendeur dans le marché.
Les opérateurs ont toutefois eu tôt fait d’identifier une main secourable qui soutenait les cours dès l’ouverture, en l’absence de toute explication concrète pour justifier une hausse indicielle que personne n’anticipait. Nous n’allons pas vous faire languir plus longtemps : une explication, nous en avons une.
▪ Bon sang mais c’est bien sûr !
La séance du lundi précède le mardi… qui est toujours haussier avec une probabilité de 100% à Wall Street. On enregistre 20 mardis de hausse consécutifs sur 20 pour le Dow Jones.
Donc quel que soit le niveau où vous paierez le marché en clôture le lundi, vous avez l’absolue certitude de gagner de l’argent le lendemain.
Trop facile la bourse, non ?
Le gap des 4 009/4 010 points est resté béant lundi soir. Cependant, le moindre coup de pouce opportun suffira à propulser le CAC 40 15 points plus haut dès ce mardi matin (sauf krach à Tokyo qui pend au nez des marchés). Le retournement des oscillateurs hebdomadaires et mensuels sur l’ensemble des indices (et pas que sur le Topix ou le Nikkei) invite à la prudence.
Les permabulls rétorqueront qu’il y a longtemps que ce genre de référence technique sert davantage à piéger les chartistes qu’à valider des scénarios de consolidation, même quand tous les indicateurs pointent dans la même direction : suivez la tendance !
L’exception qui confirme la règle, c’est le marché japonais. Il s’est retourné avec la célérité d’un samouraï jeudi dernier — malgré 100% des oscillateurs en unité de temps 10 minutes, une heure, une séance, une semaine au taquet, en zone « hausse à pleine vapeur ». Verdict : 100% de chance de poursuite du rally à court ou moyen terme.
Aucun retournement de tendance à déplorer hier en Europe. Un algorithme haussier a été activé en fin de matinée (les vendeurs se sont aussitôt « couchés »). Les indices ont ensuite progressé avec la régularité d’un train à crémaillère au milieu des alpages helvétiques.
▪ Un rappel des faits pour le Jour du Souvenir
Nous aurions pu succomber à de nombreuses inspirations bucoliques en ce Jour du Souvenir, férié en Angleterre comme aux Etats-Unis.
Mais nous vous avions promis que nous profiterions de cette journée à moitié chômée en Europe pour dénoncer la mauvaise foi des commentateurs vantant le caractère merveilleux de l’activité de faux monnayeur de la Fed et de « reflation » délibérée des actifs à risque (les actions).
Pour ceux qui découvriraient nos éditoriaux en cette fraîche et pluvieuse matinée de mai (une de plus), cela fait quatre ans que nous dénonçons cette imposture — celle qui consiste à tenter de nous convaincre qu’après que les Etats-Unis aient ruiné leur classe moyenne avec la bulle immobilière (que la Fed n’a ni vu venir ni su prévenir), la prospérité reviendra grâce à la Fed, via la hausse de Wall Street et le « formidable sentiment de richesse » que la bulle boursière alimente.
Ceux qui se félicitent de la manipulation éhontée de la valeur des actions par la Fed en possèdent à coup sûr, et en grande quantité (plus de 150 000 $)… Ce n’est le cas que de 5% de la population américaine, celle qui est déjà la plus riche et que la crise n’a guère affectée (à part ceux qui ont été ruinés par Bernard Madoff).
▪ Qui a des actions aux Etats-Unis ?
En étant très optimiste, 20% des Américains — tout au plus — détiennent directement ou indirectement un portefeuille d’actions d’une valeur supérieure à 40 000 $. A ce stade, une hausse de 40% en un an met certainement du beurre dans les épinards… mais avec 15 000 $ ou 20 000 $ de plus-values (virtuelles tant que les gains n’ont pas été matérialisés), se sent-on vraiment plus riche, file-t-on tout droit flamber cette fortune à Las Vegas ?
Quant aux 80% d’Américains qui ne détiennent que peu ou pas d’actions, se sentent-ils plus riches de voir ceux qui l’étaient déjà le devenir encore bien d’avantage qu’avant la crise ?
En revanche, pour ceux qui détiennent un portefeuille de 10 millions et plus (qui possèdent des entreprises, qui rémunèrent des armées de lobbyistes au Congrès, qui possèdent la presse et lui font chanter les louanges de Ben Bernanke)… gagner quatre millions de dollars — et souvent beaucoup plus — en un an, cela fait une sacrée différence.
Cela paye encore plus de lobbyistes pour défendre leurs intérêts au Congrès… Cela paye la campagne d’un politicien qui « comprend » le point de vue des riches… Cela paye le rachat d’un journal ou d’une chaîne de télé qui fera l’apologie de la stratégie de la Fed.
Pour ceux-là et ceux-là seulement, la planche à billet de la Fed semble fantastiquement efficace pour alimenter un « sentiment de richesse »… dont ils sont les seuls véritables bénéficiaires, les plus-values boursières étant moins imposées que leurs revenus.
Plus l’imposture est énorme, mieux elle passe !
Si le but de la Fed était vraiment de relancer l’économie, pourquoi imprimerait-elle de l’argent pour l’injecter directement dans un circuit financier parallèle contrôlée par ceux qui ne génèrent qu’une richesse virtuelle et aucune croissance réelle ?
Plus de créations d’entreprises (grâce à une politique de crédit audacieuse), plus d’emplois, de meilleurs salaires, des carburants moins chers (baisse des taxes)… cela profiterait assurément aux 90% des Américains les plus modestes.
La hausse de Wall Street ne rapporte vraiment qu’aux 10% les plus riches, et surtout aux 1% à qui la Fed a donné les moyens financiers de mettre la main sur pratiquement tous les leviers économiques et politiques des Etats-Unis… Mais peut-être est-ce là le but recherché ?