La Chronique Agora

Sur les marchés actions, les banques centrales préparent la Coupe du monde des catastrophes financières

▪ Nous avons encore le vertige.

Hier, nous avons rapporté que les banques centrales deviennent des acheteurs majeurs sur les marchés actions. Leurs propres politiques les contraignent à se donner de plus en plus de mal pour obtenir des rendements plus élevés. En d’autres termes, elles sont victimes de leurs propres taux d’intérêts bas. Sous pression, elles font passer de plus en plus de leur propre argent dans les marchés actions.

Tel était en tout cas le point de vue du Financial Times. Les banques centrales ont déjà injecté plus de 1 000 milliards de dollars dans le marché boursier. Et nous pourrions n’être que dans les premiers instants de la partie. Les investisseurs, privés de rendement décent sur leur épargne, achètent des actions. Les entreprises empruntent aux banques pour racheter leurs propres titres. Les banques centrales achètent aussi des actions. Les cours grimpent. Voyant quel succès ils ont fabriqué, tous rachètent plus encore ! A-t-on jamais développé système plus excellent pour manipuler les cours à la hausse ? Ou a-t-on jamais imaginé plan plus idiot, plus condamné au désastre ?

Nous ne savons même pas par où commencer. Scandalisé, nous bégayons et postillonnons… nous cherchons nos mots… nous réfléchissons à des métaphores et des figures de style… n’importe quoi qui nous aide à exposer cette situation extraordinaire pour ce qu’elle est.

▪ Commençons par une question
D’où vient l’argent utilisé par les banques pour acquérir des entreprises de valeur ? Si elles l’avaient obtenu par un travail honnête dans les vignes et les mines de charbon du secteur bancaire, nous n’aurions pas d’objection ; ce serait leur argent, elles pourraient en faire ce qu’elles veulent.

Vous avez déjà pris une longueur d’avance sur nous, n’est-ce pas, cher lecteur ? Les banques ne l’ont pas du tout gagné honnêtement. Elles l’ont simplement imprimé. Et qu’est-ce qui leur donne le droit de créer de l’argent comme des faussaires ?

Les banques ont un monopole — donné par le gouvernement — sur l’émission de monnaie

Vous avez passé du temps en isolement complet ? Vous ne le savez pas ? Les banques ont un monopole — donné par le gouvernement — sur l’émission de monnaie. C’est la franchise protégée la plus confortable jamais accordée. Les banques ont distribué du cash et du crédit en quantités bien plus élevées que la croissance du PIB. Elles créent de la devise ex nihilo, à partir de rien. Pas une goutte de sueur n’est tombée de leurs fronts. Pas de courbatures le lendemain. Aucune vente n’a été faite ; aucun profit enregistré. Et sur ce miracle du quelque-chose-en-l’échange-de-rien, tout le système financier repose. Sans lui, le marché boursier et l’économie s’effondreraient.

Ce n’est pas que nous nous en inquiétions. Premièrement, nous ne voyons pas d’indices que les politiques en place vont changer. Au contraire, il y a de plus en plus de signes démontrant qu’elles sont là pour durer… jusqu’à la fin des temps… ou jusqu’à ce que le système tout entier explose… selon ce qui arrive en premier. Deuxièmement, un changement nous ferait du bien. Plus ce jeu continue, plus les fans deviennent ivres et chamailleurs. La dette… les mauvaises allocations de capitaux… le gâchis… la malhonnêteté… tout empire jour après jour.

Mais nous soupçonnons que ce n’est de loin pas fini. La Fed détient au total 4 500 milliards de dollars. Les déficits fédéraux américains commencent actuellement à se stabiliser — à environ 500 milliards de dollars. A partir de là… il n’y a plus qu’à grimper. Youpi !

▪ Une escroquerie parfaitement discrète
L’Administration d’Etat des devises étrangères de la Chine, la SAFE, fait partie de la Banque de Chine. Elle a 3 900 milliards de dollars à investir. Où a-t-elle obtenu l’argent ? Là aussi, il a été créé à partir de rien. Les hommes d’affaires et les commerçants chinois font des gains en vendant des choses à l’étranger. Les profits vont à la Banque de Chine, qui prend les devises étrangères… et donne en échange des devises locales — qu’elle créée dans ce but.

En deux mots, il y a beaucoup d’argent là-dehors… et il y en a probablement encore plus qui arrive

En deux mots, il y a beaucoup d’argent là-dehors… et il y en a probablement encore plus qui arrive. Le Japon est confronté à des "déficits jumeaux"… sur ses comptes courants et sur son budget gouvernemental. Eux aussi doivent être financés par l’impression monétaire de la banque centrale. Le gouvernement émet des obligations. La Banque du Japon émet du cash pour les acheter. L’année d’après, le gouvernement a besoin de plus d’argent. Il émet plus d’obligations. La banque centrale émet plus de cash. Une partie de ces liquidités est utilisée par le gouvernement pour payer des intérêts (à la Banque du Japon) et encaisser ses obligations (auprès de la Banque du Japon) lorsqu’elles arrivent à maturité.

Que peut faire un pauvre banquier central ? Il a du cash. Il doit en faire quelque chose. Pourquoi ne pas investir en actions ?

Qui se plaindra s’il le fait ? Personne. Il recevra plutôt les remerciements des autorités — qui lui sont reconnaissantes de financer leurs déficits. Il aura les applaudissements des investisseurs — qui seront ravis de voir leurs propres positions grimper. Les dirigeants des entreprises seront tout aussi satisfaits ; leurs primes dépendent d’une hausse des actifs. Les 1% deviendront plus riches. Et les 99 autres pour-cents ne sauront pas ce qui diable se passe…

L’une des caractéristiques les plus élégantes de cette dernière escroquerie en date, c’est qu’elle n’atteint absolument pas le citoyen lambda. Les banques centrales créent de l’argent… il circule dans la communauté financière de diverses manières… et finit sur les marchés boursiers. La plupart des gens ne le voient pas, sans parler de le dépenser. Son odeur ne parvient pas jusqu’à leurs narines. Leurs mains ne le touchent jamais. Et les prix à la consommation n’augmentent pas. Résultat ? Pas de problèmes du côté du lumpenélectorat. Pas de râleries du commentariat. Et pas de gémissements de l’investoriat.

Bref, un grand chelem de la tromperie. La Coupe du monde des catastrophes financières s’ensuivra. Mais ce pourrait être dans longtemps.

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