La Chronique Agora

Les marchés actions, déjà baissiers

▪ Mario "à n’importe quel prix" Draghi a fait parler de lui vendredi. Après avoir déçu les investisseurs jeudi avec une promesse molle et indécise d’alimenter les marchés mondiaux, il a clairement dit qu’il ne se laisserait freiner ni par le bon sens ni par des théories intelligentes, et encore moins par l’expérience de six générations de banquiers centraux. Barron’s :

"Draghi a écarté les spéculations que des dissensions au sein du conseil dirigeant la BCE (notamment des Allemands) l’empêchaient de prendre des mesures plus vigoureuses. Des dissensions sont normales au sein des banques centrales, Fed comprise, mais il a ajouté que le manque d’unanimité n’était pas une contrainte pour ses décisions. La taille du bilan de la BCE non plus, qui peut être étendu pour remplir ses objectifs. ‘Nous avons le pouvoir d’agir. Nous avons la détermination d’agir. Nous avons l’engagement d’agir’, a souligné le président de la BCE".

Le but de Draghi est d’imposer des niveaux d’inflation plus élevés à l’Europe. Pourquoi la perte de pouvoir d’achat serait un but louable pour la devise d’une nation, voilà qui n’a jamais été entièrement expliqué. Il n’a pas non plus été démontré — que ce soit en pratique ou dans des thèses universitaires — qu’acheter les dettes pourries des banques à des prix au-dessus du marché soit un moyen efficace de stimuler les prix à la consommation.

Mais il est assez clair, à présent, que lorsqu’on met plus d’argent dans le secteur financier, on a de bonnes chances de faire bondir les prix des actions. Les investisseurs du monde entier ont donc accueilli les paroles de Draghi comme une truite bien dodue réagit à un ver de terre vivace — et les marchés ont grimpé.

Nous sommes d’avis que le ver cache un hameçon. Et l’hameçon est lié, en fin de compte, à une économie mondiale réelle. Dans cette économie, des choses sont fabriquées, expédiées et vendues… à des gens qui, tôt ou tard, doivent les payer.

Ni l’économie mondiale ni l’économie US ne montrent le genre de vigueur qui justifierait normalement des attentes aussi élevées sur les marchés boursiers

Ni l’économie mondiale ni l’économie US ne montrent le genre de vigueur qui justifierait normalement des attentes aussi élevées sur les marchés boursiers.

▪ L’économie réelle prend le dessus
Le commerce américain avec le reste du monde chute. Les importations et les exportations ont baissé en octobre, les exportations perdant 7% d’une année sur l’autre. La chute des exportations peut facilement être attribuée à un dollar fort — qui rend les biens manufacturés américains plus chers sur les marchés mondiaux. Mais pourquoi les importations chutent-elles aussi ? Personne ne le sait, mais ça suggère que l’économie américaine n’est pas aussi solide que le dit Janet Yellen.

Le commerce au sein des Etats-Unis semble lui aussi être au 36ème dessous. Les stocks, par rapport aux ventes, augmentent depuis trois ans — une tendance qui ne donne pas signe de s’inverser.

Si on ne peut pas vendre son produit, il ne sert guère de le fabriquer. C’est peut-être pour cette raison que l’indice Markit des directeurs d’achats manufacturiers US a atteint son plus bas niveau en plus de deux ans en novembre dernier.

Aux Etats-Unis, si l’on achète quelque chose en dehors de son état, il y a de bonnes chances que cette chose vous parvienne à bord d’un lourd camion. L’indice de fret Cass chute depuis juin… et l’angle de descente est devenu si aigu que si c’était celui d’un avion commercial, des camions de pompiers et des ambulances seraient déjà sur les lieux.

Si l’on ne vend pas et que l’on n’expédie pas, inutile d’avoir de gros camions pour transporter la marchandise. Les ventes de poids lourds ont chuté de plus de 40% en novembre.

Inutile d’avoir des voies ferrées, également. La Union Pacific déplore une baisse de 5% de ses volumes d’expédition à ce jour cette année.

Les données sont si déprimantes qu’on pourrait trouver miraculeux que les actions ne soient pas en déclin elles aussi. Sauf qu’elles le sont peut-être…

Il y a deux semaines, Goldman Sachs a rapporté que seuls 10 titres représentaient tous les gains du S&P 500 en 2015

Il y a deux semaines, Goldman Sachs a rapporté que seuls 10 titres représentaient tous les gains du S&P 500 en 2015. Peu de ces entreprises — et ce n’est pas étonnant — fabriquent des choses aux Etats-Unis et les expédient à leurs clients. Au lieu de ça, comme Amazon, Google et Facebook, ce sont des entreprises qui souvent ne fabriquent rien et qui — à l’exception d’Amazon — n’ont rien à expédier.

Et Oppenheimer & Co. nous dit que deux tiers de toutes les valeurs du NYSE sont sous leur moyenne mobile à 200 jours. En d’autres termes, la plupart des actions sont déjà dans un marché baissier.

Bientôt — comme nous le disons depuis assez longtemps pour avoir perdu toute crédibilité — elles le seront toutes.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile