▪ Ah les jolis contes de Noël que nous servent les marchés… ou plus précisément ceux qui ont pour mission de faire l’opinion en répondant aux interviews en direct ou en publiant des tribunes dans la presse économique grand public.
Oui, nous raconter de belles histoires à s’endormir sur un banc public de Central Park par -15 degrés un soir de 24 décembre, c’est de saison — mais cela peut s’avérer mauvais pour la santé !
Alors nous prenons sur nous de prévenir les derniers naïfs que le Père Noël a subi un contretemps à Terre-Neuve parce que l’un de ses rennes s’est abîmé un sabot à l’atterrissage.
Difficile de trouver un maréchal-ferrant en activité à 23h56 dans cette île glacée, perdue au milieu de l’estuaire du Saint-Laurent.
Un délai d’une année supplémentaire est à prévoir avant que le barbu ne traverse de nouveau le ciel de New York sur son traîneau magique, avec sa traînée de poudre scintillante. Cette dernière nous rappelle d’ailleurs la cocaïne sniffée par un trader dans le carré VIP d’une boîte chic un soir de méga-bonus.
▪ Car contrairement au Père Noël, l’addiction à la drogue de nombreux brasseurs d’argent new-yorkais n’est pas une légende. Elle expliquerait même certains jours des comportements d’exubérance irrationnelle des marchés américains qui semblent n’avoir qu’un rapport très lointain avec les seuls faits d’actualité.
Certains opérateurs manifestent sporadiquement un sentiment de toute-puissance qui débouche sur des prises de risque inconsidérées.
Pour ceux qui tentent de s’expliquer certains mouvements de cours qui défient l’entendement, l’une des hypothèses, c’est que « quelqu’un, quelque part, sait quelque chose » !
S’ils participaient à certaines soirées top branchées dans des penthouses donnant sur Central Parc ou sur l’Hudson River, ils réaliseraient que les prises d’initiatives en Bourse sont souvent une question de flair… moyennant l’usage d’une petite paille.
Parce que lorsqu’on assiste, à plusieurs reprises, à des envolées de 4% à 5% des indices boursiers qui s’évaporent intégralement au bout d’une poignée de séances, on ne peut que s’interroger sur le genre de réalité qui a engendré ces bouffées d’euphorie sans lendemain.
▪ Comment s’expliquer, par ailleurs, l’absence de réaction de Wall Street mardi lors de la publication des ventes de détail américains pour le mois de novembre à 14h30. Elles ressortent en progression de seulement 0,2% alors que les attentes allaient jusqu’à 0,6% (voire 0,8%) après les communiqués triomphalistes qui avaient accompagné le week-end de Thanksgiving.
Il n’était question 15 jours auparavant que d’une fréquentation historique des centres commerciaux aux Etats-Unis et d’une progression inespérée de la valeur du panier d’achat moyen (+7% malgré la baisse des revenus).
La vérité est moins glorieuse : ce sont les essentiellement les méga-promos qui ont dopé les volumes de vente, laminant les marges. Cela s’apparente à du déstockage massif.
Les consommateurs ont profité de l’aubaine à l’occasion du week-end de Thanksgiving et largement anticipé sur leurs achats de Noël. Résultat des courses, les centres commerciaux étaient déserts le week-end suivant… et le début du mois de décembre sonne creux !
▪ Wall Street espérait encore un coup de pouce de la Fed mardi vers 20h, comme par exemple de vagues promesses de mise en oeuvre d’un QE3 pour bien démarrer 2012.
Mais Ben Bernanke s’est borné à réitérer — presque à la virgule près — le communiqué diffusé à l’issue de la précédente réunion de début novembre. La Fed reste déterminée à soutenir la reprise mais elle ne précise pas de quelle manière ni quand elle compte agir.
Wall Street l’avait plutôt mal pris, ce flou artistique, la fois précédente : les mêmes causes ont donc produit les mêmes effets.
Les indices américains qui affichaient plus de 1% de hausse en moyenne moins d’une demi-heure après l’ouverture ont inversé la vapeur à partir de 20h45. Ils ont terminé aux antipodes, sur un repli de 0,9% s’agissant du S&P et de 1,25% pour le Nasdaq.
Quelques rachats de ventes à découvert ont permis de ne pas finir la séance au plus bas ; mais le Dow Jones n’est pas parvenu à préserver les 12 000 points, malgré les 50 points repris au cours du dernier quart d’heure — l’indice historique clôturait au contact des 11 950 points.
▪ La correction aurait pu s’avérer plus sévère compte tenu de la raclée dont a été victime l’euro en fin d’après-midi. Cette dernière fait suite à la circulation d’une rumeur selon laquelle Angela Merkel refuserait d’approuver l’extension du plafond du FESF (alors que celui-ci aurait fondu bien en-deçà des 400 milliards d’euros dont il était encore crédité fin octobre).
Dès que cette nouvelle a commencé à se répandre à travers les salles de marché (autour de 17h), le CAC 40 a perdu 50 points en ligne droite, entre 3 110 et 3 060 points, avant de se redresser vers 3 078 points pour le fixing de clôture.
Face à ce « potin », l’euro a plongé en direction des 1,3050 $ dès 17h15 avant de remonter un peu vers 1,3080 aux alentours de 18h.
Mais l’absence de tout indice préfigurant un nouvel assouplissement quantitatif de la Fed (et donc de production de dollars à tour de rotatives) a fait replonger la monnaie unique vers les 1,3000 en milieu de soirée — il cotait 1,3030 $ vers 22h30.
▪ Malgré ce lourd et soudain repli de l’euro, la journée de mardi s’est s’achevée en Europe sur des corrections plutôt modestes. Le DAX 30 a reculé de 0,2%, Milan de 0,3%, Madrid de 0,6%, l’Euro-Stoxx 50 de 0,4%.
La City, qui ne cesse depuis vendredi (sommet de Bruxelles) de célébrer l’indépendance fiscale et monétaire de l’Angleterre, faisait cavalier seul à la hausse (avec un FTSE 100 à +1%) grâce à un redressement spectaculaire survenu au cours de la dernière demi-heure.
Mais les évolutions contrariennes de la Bourse de Londres constituent tout sauf un précurseur de la tendance sur le Vieux Continent !
Il n’en va pas de même pour les places asiatiques qui ont lourdement chuté mardi matin avec des contreperformances de -1,2% à Tokyo et -1,9% à Séoul. Il en est allé de même à Shanghai où l’indice SSE a pulvérisé son plancher annuel des 2 300 points pour se retrouver sous le palier des 2 250 points. L’autre indice chinois confirme de façon éclatante cette brutale rupture à la baisse puisque l’indice composite de Shenzhen a dévissé de 3%.
Et si le signal de correction court ou moyen terme apparu hier sur les places chinoises ne vous apparaissait pas suffisamment probant, associez-lui la chute de 2,5% de l’euro en 48 heures.
Vous pouvez sans peine imaginer quel impact négatif ce scénario va engendrer sur les valeurs exportatrices, lesquelles souffrent depuis déjà plus de quatre mois de l’anticipation d’une contraction économique (qui s’accélère, hélas) dans l’Eurozone.