▪ Les opérateurs avaient abordé la dernière semaine boursière du mois de septembre avec un solide capital de confiance. L’effondrement des indices envisagé par Goldman Sachs le 14 septembre ne s’était pas produit. Petite parenthèse : il faut toujours parier contre les prédictions de GS… enfin celles qui fuitent vers le grand public — si vous avez un compte de 20 millions de dollars chez eux c’est différent. La majorité des stratèges affirmaient que la tendance serait soutenue par les habillages de bilans de fin de trimestre.
Une correction de quelque ampleur était d’autant plus improbable qu’une foule innombrable de gérants sous-investis était censée profiter de toute consolidation pour regarnir les portefeuilles.
La réalité s’est avérée bien différente car la fin du troisième trimestre se solde par une douche froide !
▪ Le CAC 40 connaît une fin de mois difficile
Le CAC 40 a conclu la dernière séance du mois de septembre par une chute de 2,45%, soit un plongeon de 100 points par rapport aux sommets de la matinée — dont 1% au cours des seules 20 dernières minutes.
Avec une clôture à 3 355 points, le bilan hebdomadaire ressortait à -5%… le pire depuis la mi-décembre 2011. Difficile d’envisager un scénario plus improbable, d’autant que Wall Street ne lâchait rien (score nul en agrégeant les trois dernières séances de la semaine).
Le piège vient-il de se refermer sur les opérateurs frileux qui avaient attendu la confirmation de l’intervention des banques centrales pour entrer sur le marché au plus haut, comme souvent avant une grosse correction ?
Des indicateurs de volatilité évoluant à proximité de leurs planchers historiques (notamment le VIX associé au S&P 500) induisaient la perception d’un risque de correction indicielle très faible, sur fond de normalisation des anticipations dans l’Eurozone. Le risque d’éclatement étant évincé des scénarios à court ou moyen terme.
Parmi les grands perdants de la semaine, il y avait beaucoup d’ex-grands gagnants de la période estivale. On a assisté à la chute des cycliques comme GDF Suez (-10,75%), Arcelor Mittal, Saint-Gobain ou Vallourec (-10%) ; des valeurs financières comme Crédit Agricole (-8,25%), Société Générale (-7,15%), AXA (-7%), BNP Paribas (-6,8%) , sans oublier Renault (-8%), Carrefour (-7,35%), Alstom ou Aperam ou (-6,8%).
Le sell-off sur les places européennes en toute fin de parcours vendredi nous a d’autant plus surpris que Wall Street ne cessait de reprendre du terrain au fil des minutes, avec des écarts moyens à la baisse inférieurs à 0,5% vers 17h30.
Cela ressemble presque à la manifestation d’un phénomène de vases communicants — c’est certainement une vision trop simpliste pour être pertinente.
▪ Les indices américains en lévitation en raison des élections américaines
Cela renforce un autre paradoxe : les actions US apparaissaient chères (à 5% ou 6% de leurs records absolus en début de semaine) et les européennes en grand retard — sauf Francfort, mais cet écart se radicalise brutalement en fin de trimestre. La volatilité qui a quasiment été absente depuis fin juillet ressurgit brutalement en Europe (mais de façon marginale à Wall Street).
Le S&P par exemple ne cède que 1% sur la semaine écoulée et engrange 2,2% sur l’ensemble du mois de septembre. Le CAC 40 cède 1,7% sur l’ensemble de la période et se retrouve au plus bas depuis le 3 août dernier.
Les indices américains semblent plus que jamais maintenus en lévitation à moins de six semaines des présidentielles. Sans pouvoir l’affirmer de façon péremptoire, cette bonne tenue des actions — tout autant que les récentes gaffes de Mitt Romney — n’est sans doute pas étrangère aux huit points d’avance du président sortant dans le dernier sondage divulgué dimanche soir par CNBC/Opinion Way.
C’est un écart très important car très largement supérieur à la fameuse marge d’incertitude de 2% — ce qui joue dans les deux sens et rend incertaine une victoire anticipée par 52 à 48.
▪ Les vrais besoin en capitaux des banques ibériques ne font pas broncher Wall Street
Wall Street n’avait en revanche pas réagi à la divulgation vendredi soir des vrais besoins en capitaux des banques ibériques. Le montant, estimé par un audit indépendant, est comme par hasard très légèrement inférieur à celui qui circulait de façon officieuse (60 milliards d’euros).
Certains économistes se tiennent les côtes à la lecture d’une telle évaluation qui s’avère inférieure de 70% à 75% à leurs prévisions — à condition que les prix de l’immobilier ne se contractent pas davantage au cours des douze à 18 prochains mois.
Tout le monde sait que les banques ibériques font tout leur possible pour ne pas dévaluer leurs stocks en vendant ce qui pourrait l’être, sachant qu’une bonne partie des biens qu’elles détiennent n’ont aucune valeur marchande.
En continuant d’estimer des centaines de milliers de logements fantômes (pas achevés, inhabitables) à leur valeur hypothécaire — moins quelques pour cent –, elles tentent de convaincre les marchés que 59,9 milliards d’euros, c’est un score pesé au trébuchet… alors que l’on annonce qu’une boule de bowling fait au gramme près le poids d’un boule de pétanque.
Les Espagnols ont pris grand soin de dévoiler cette parodie d’opération-vérité après la clôture des places européennes : il ne peut donc s’agir du détonateur de la chute de vendredi.
Il y avait une autre épée de Damoclès : le risque de voir Moody’s abaisser ce week-end la note des émissions obligataires espagnoles à spéculative.
En fin de soirée dimanche, silence radio : le suspense demeurait intact.
Les opérateurs ont-ils joué à se faire peur avec l’Espagne… la peur du saut dans l’inconnu ?
Le réel manifestement ne les inspire pas : ils n’ont pas réagi vendredi en début d’après-midi lors de la publication des dépenses de consommation des ménages américains. Elles ont progressé de 0,5% à un rythme cinq fois supérieur aux revenus (+0,1% contre +0,2% attendu) selon des statistiques publiées vendredi par le département du Commerce.
La hausse de 0,4% des dépenses en juillet s’expliquait déjà par l’effort financier engendré par la hausse des carburants. Le phénomène s’est confirmé et amplifié au mois d’août et la pression pourrait ne pas retomber avant le mois d’octobre.
La mauvaise surprise du jour est survenue avec la publication du PMI de Chicago qui rétrograde fortement (de 53 vers 49,7) et bascule ainsi sous le seuil pivot des 50 qui marque la frontière entre expansion et contraction de l’économie. Pire encore, les entrées de commandes chutent de 7,4 à 47,4… au plus bas depuis juillet 2009.
Là encore, aucune réaction de la part de Wall Street. Face à tant d’aveuglement par rapport aux signaux de ralentissement économiques locaux, il ne fallait pas s’attendre à ce que les investisseurs américains tiennent compte de l’enchaînement de manifestations d’exaspération sociale au sud de l’Europe.
▪ Immobilisme des deux côtés de l’Atlantique
Pour finir sur un petit coup de balai devant notre porte, nous avons pris beaucoup de plaisir à éplucher dimanche soir la une des journaux télévisés des deux grandes chaînes françaises (publique et privée) les plus regardées.
Alors que les défilés de protestation contre l’austérité envahissent toutes la capitales d’Europe… alors que Damas est à feu et à sang… alors qu’Israël met la pression sur la Maison Blanche — y compris à la tribune de l’ONU — pour cautionner des frappes contres les installations nucléaires iraniennes, les journaux télévisés du 20h tricolores ont titré sur cette nouvelle bouleversante, ce scoop qui fait trembler la planète et vaciller la Vème République sur ses bases : neuf joueurs de hand-ball de Montpellier ont été appréhendés après leur match avec le PSG ce dimanche.
Cinq d’entre eux sont accusés d’avoir participé la saison dernière à un match truqué… en ne figurant même pas parmi les effectifs alignés sur le terrain ce jour-là !
Certains parieurs indélicats se sont même permis de miser de fortes sommes sur la défaite d’une équipe privée de cinq meneurs de jeu vedettes habituels — mis au repos en vue de la coupe d’Europe. Et devinez quoi : Montpellier a perdu !
C’est sûr, c’était forcément truqué. En Bourse, quand les chiffres économiques sont exécrables… quand les Européens se tirent dans les pattes… quand de grandes entreprises révisent à la baisse leurs prévisions de bénéfices… les cours grimpent, et parfois même fortement.
Et là c’est sûr, personne ne soupçonne jamais qu’il puisse y avoir un truc.