▪ « Ceci n’est pas une manipulation de devise »
(Et que R. Magritte nous pardonne).
Il n’y a pas de guerre des monnaies. Voilà, c’est dit, et comprenez-le bien une bonne fois pour toute car c’est Mario Draghi qui nous l’affirme.
Les rédacteurs des Publications Agora sont des ânes. Quant au ministre des Finances brésilien qui avait dénoncé le problème avec la mise en oeuvre du second QE de la Fed dès septembre 2011, il n’a rien compris au film et ferait mieux d’aller s’inscrire dans une école de samba (c’est carnaval cette semaine à Rio).
La France pour sa part ferait mieux de travailler plus pour gagner beaucoup moins (selon Goldman Sachs) avant de s’inquiéter de la flambée de l’euro face au yen et de son impact négatif sur notre compétitivité.
L’Eurogroupe qui ne veut froisser personne a également réaffirmé ce mardi son attachement au principe de « liberté de fixation des parités de change », dès lors que cela ne se traduit pas par des mouvements anarchiques.
Et vous pouvez croire Mario Draghi sur parole : une chute de 27% du yen en moins de 90 jours ne constitue en rien une variation excessive… même si c’est le plus violent mouvement jamais observé depuis 15 ans, hors panique de l’automne 2008 où le Japon avait subi une remontée de 30% de sa devise lié au débouclement en catastrophe du carry trade euro/yen.
Rien qui vaille que l’on s’inquiète… surtout si l’on a réservé ses vacances au Japon : elles vont revenir moins cher de 25% que ce qui était envisagé l’automne dernier.
▪ Un Rubicon de l’absurdité
Nous sera-t-il permis de nous demander jusqu’où les médias, les sherpas économiques du G20 ou Mario Draghi vont nous prendre pour des idiots ?
Apparemment, ils sont prêts à explorer des zones situées très loin au-delà du Rubicon de l’absurdité et de l’invraisemblance.
Mais il va falloir qu’ils unissent leurs efforts pour battre dans ce registre M. Taro Aso, le ministre japonais des Finances récemment nommé par Shinzo Abe : il a salué la clairvoyance de l’Eurogroupe qui a « bien compris que la politique monétaire du Japon n’était pas une manipulation de sa devise ».
Après avoir lu cela et constaté l’absence de réaction des « grands esprits » qui tiennent le destin de l’Europe entre leurs mains (et peut-être également un grand nombre de médias qui ne survivent qu’en s’abstenant de critiquer la pensée unique et les mensonges officiels), il n’est pas étonnant que les populations de l’Eurozone (et du sud en particulier) ressentent comme un grand moment de solitude.
Laminés par la guerre des changes « qui n’existe pas » et méprisés par les élites (qui passent leur temps à insulter leur intelligence), les simples citoyens n’ont surtout plus leur mot à dire sur la construction européenne et les statistiques frelatées de l’inflation que nous dénonçons régulièrement.
Alors pour alléger notre quotidien, les Japonais nous régalent de leur sens de l’humour : « si nous venons de vous défoncer le portait de -27% façon karateka, ce n’était pas pour vous faire cracher vos dents mais pour tester la souplesse du cuir de nos nouveaux gants de boxe ».
« Accessoirement, cela a permis à nos exportateurs engourdis par un yen trop cher depuis 2009 de réchauffer leurs muscles, mais ce n’est pas plus méchant que ça ! »
Bien, bien !… leur répond-on depuis Bruxelles : puisque vous n’aviez aucune intention belliqueuse, ce passage à tabac fut un vrai plaisir ! Nous espérons pouvoir poursuivre nos relations commerciales encore très longtemps dans le même esprit.
▪ Rentrer sur le marché, vraiment ?
Pendant que nous tendons la joue gauche après nous être fait déboiter la mâchoire par un crochet du droit (que du bonheur), nous sommes priés d’avaler une autre couleuvre : c’est le moment de rentrer dans le marché, de se lancer dans la « Grande Rotation »… alors que les insiders vendent leurs titres dans des proportions inégalées depuis le début du 21ème siècle.
Nous ne doutons pas un seul instant qu’ils se délestent massivement (9,2 actions vendues — très exactement — pour une seule achetée au mois de janvier) afin de permettre aux petits porteurs d’acheter des titres à un prix raisonnable avant que le Dow Jones s’envole vers les 20 000.
Ce serait vraiment trop injuste que l’investisseur lambda — celui qui ne connaît rien à la bourse et au high frequency trading et qui s’est fait rincer en 2008 — ne gagne pas ses 40% sans risque comme n’importe quel initié d’ici la fin de l’année.
Comment cela, 40% ça fait beaucoup ? Mais pas du tout ! Les indices américains ont gagné 5% au moins de janvier. S’ils continuent au même rythme, le Dow Jones par exemple atteindra notre objectif et dépassera même les 20 000 avant la mi-septembre.
Nous sommes certains que la Fed est fermement déterminée à faire en sorte que n’importe quel investisseur qui s’imposera d’ignorer totalement l’environnement économique réel puisse continuer de s’enrichir sans trembler jusqu’en 2015 (horizon supposé d’un retour à une politique monétaire de la Fed plus orthodoxe).
Nous sommes heureux de constater que les initiés renoncent par grandeur d’âme à s’en mettre plein les poches au cours des prochains mois… au nom de la notion de partage et du droit qu’a chacun à gagner de l’argent facilement grâce à la fausse mornifle de Ben Bernanke.
▪ Merci, Monsieur Schmidt !
Parmi ces bienfaiteurs qui pensent un peu aux autres, nous plaçons au sommet de notre panthéon M. Eric Schmidt, l’ex-président de Google. Il va se délester d’ici fin 2013 de 42% de ses parts dans sa société, soit 3,2 millions de titres, ce qui devrait représenter au cours actuel (780 $) un montant de 2,5 milliards de dollars.
Les acheteurs de ce début d’année pourront viser les 1 000 $, tout comme ceux d’Apple à la mi-septembre 2012, quand 98% des analystes évoquaient des objectifs compris entre 750 et 1 500 $.
Eric Schmidt vient donc de faire un cadeau potentiel de 700 millions de dollars aux nouveaux entrants ! Car qui oserait le soupçonner d’anticiper des lendemains qui déchantent ?
Tout est merveilleux dans ce scénario… sauf peut-être le terme « potentiel ».
Alors revenons-en au concret avec une nouvelle pluie de records annuels ou historiques à Wall Street mardi soir en clôture : le Russell 2000 a pulvérisé de nouveaux plus hauts absolus (+0,5% à 917,5 points) et le S&P 500 (+0,13% à 1 519,4) est au plus haut de l’année après avoir atteint 1 522 à la mi-séance.
Le Dow Jones (+0,35% à 14 020 points) se retrouve maintenant à 1% de son zénith de 2007 et en situation de le rejoindre d’ici vendredi (journée des « Trois sorcières »).
Seul le Nasdaq s’effritait hier soir de 0,2%, non sans avoir au préalable retracé son zénith du 21 septembre dernier à 3 196,92 contre 3 196,93 il y a cinq mois. Le sommet a été retracé avec une précision admirable… ou franchement troublante, pour dire le fond de notre pensée.
Enfin, et comme c’est le cas à chaque veille de l’expiration des options sur le VIX depuis huit mois, le baromètre du stress a été fermement maintenu proche de ses planchers des quatre dernières semaines écoulées, avec une brusque chute inexplicable (mais délibérée) de 2% en fin de séance… ce qui a permis d’inscrire un nouveau plancher historique de 12,65.
Tout ceci afin d’offrir aux non-initiés (que l’on cherche à appâter) un tableau pas du tout artificiel ni biaisé de la situation boursière : c’est pour leur bien, on vous dit — comme la désintégration du yen ou les ventes massives d’Eric Schmidt.