La Chronique Agora

Malgré les événements du 11 mars dernier, tout va bien dans le meilleur des mondes pour le CAC 40 et Wall Street

▪ Cette fois, ça y est. Les forums boursiers et les salles de marché commencent à frissonner d’aise — ou de commentaires consternés. La rumeur de la mise en oeuvre d’un QE3, sous la houlette de Monkey Business Ben, gonfle et s’amplifie.

Un nouveau largage de dollars par hélicoptère sur Wall Street se prépare. A côté, les largages d’eau sur la centrale de Fukushima auront l’air d’un verre de vin blanc versé sur des darnes de saumon dans un plat en terre cuite.

Plus les nouvelles affligeantes ou dramatiques s’enchaînent depuis le 11 mars, plus il apparaît impossible que la réalité se permette de contrarier l’avance inexorable des marchés. Une réalité « sans grand impact », nous affirme un stratège du premier négociateur de bons du Trésor au monde, Kantor Fitzgerald. « Les marchés ont surestimé les conséquences de la catastrophe nippone sur la reprise économique américaine ».

Il faut oser ! Pour résumer : si la conjoncture ne conforte pas le discours dominant, niez-la !

Non mais de quoi la planète se mêle-t-elle, avec ses tremblements de terre et ses tsunamis ? Depuis quand les investisseurs devraient-ils se préoccuper de l’endettement abyssal des trois premières économies mondiales (Etats-Unis, Europe, Japon) ? Qui sur Terre peut prétendre être plus puissant que le trio Bernanke/Geithner/Wall Street ?

Plus aucune règle économique ou éthique ne s’applique aux marchés. Le seul but des élites américaines ultra-libérales est de les voir grimper éternellement. Pendant ce temps, la récession et l’inflation laminent les classes moyennes. Pourquoi la Fed ou la Bank of Japan s’interdiraient-elles de noyer Wall Street ou Tokyo sous un déluge d’argent fictif qui emporterait les derniers vestiges du capitalisme entrepreneurial ?

Comment ne pas être abasourdi par la hausse de 2% des indices boursiers ? Elle s’est amorcée mercredi, juste après la publication des pires chiffres immobiliers de l’histoire des Etats-Unis.

Cela a constitué pour certains opérateurs et stratèges un véritable électrochoc. Les Etats-Unis se dirigent tout droit vers une nouvelle récession. Et cette dernière sera précipitée par la chute prévisible de la consommation dans un contexte d’inflation réelle hors de contrôle. Ni une ni deux, ce sera le QE3 ! Les « marchés de flux » sont de retour.

▪ C’est ainsi que nous retrouvons le CAC 40 au-dessus des 3 970 et l’Euro Stoxx 50 à 2 910 points. Ce sont là des niveaux supérieurs à la clôture du 10 mars dernier !

C’était avant le séisme/tsunami/accident nucléaire du 11 mars, avant les frappes aériennes sur la Libye, avant les chiffres calamiteux concernant l’immobilier américain, avant que le pétrole n’atteigne les 106 $, avant la démission du Premier ministre portugais, avant la dégradation de la note d’une trentaine de banques espagnoles par Moody’s.

Le message induit par la forte hausse des marchés depuis 48 heures, c’est que tout va mieux maintenant qu’avant les tristes événements du 11 mars. Les indices ont grimpé 2% en moyenne et même 2,5% pour l’Allemagne.

La conjoncture économique et géopolitique serait manifestement plus favorable aujourd’hui qu’il y a 10 jours.

▪ C’est si vrai que l’or — il a fusé vers 1 449 $ l’once — et l’argent (38,3 $ l’once) battent de nouveaux records historiques. C’est une preuve indiscutable de confiance dans le caractère bénin des pressions inflationnistes. La Chine, elle, multiplie les initiatives pour les contenir.

En aucun cas la chute de 0,9% des ventes de détail au Royaume-Uni ne saurait constituer un motif d’inquiétude vis-à-vis d’une potentielle récession. Londres menait la hausse tambour battant (1,5%) dès le milieu de la matinée, comme stimulée par un taux d’inflation de 4 à 4,3% en rythme annuel.

Il n’existe plus aucune corrélation entre la hausse des indices et l’actualité au jour le jour. Les indices boursiers sont de nouveau gouvernés par la liquidité. L’argent, qui fuit tour à tour les émergents, puis le Japon, puis les dettes des pays périphériques, va s’investir partout où il y a un potentiel de plus-values à court terme.

Oubliée la centrale de Fukushima, oublié le Proche-Orient en ébullition, oubliées les mauvaises statistiques. Il faut bien faire quelque chose de l’argent sorti de nulle part et que la Fed déverse sur Wall Street chaque matin depuis début décembre.

▪ Wall Street poursuit son rally haussier ; les indices américains refranchissent d’importants seuils techniques comme les 1 300 sur le S&P ou les 2 700 sur Nasdaq (1,3% à 2 735 points). Tout cela alors que les commandes de biens durables ont rechuté de 0,9% en février.

A Paris, 100% des valeurs du CAC 40 ont terminé dans le vert. Tout va mieux qu’hier… ou même que le 10 mars dernier. Une évidence qui n’échappe à personne…

C’est pourquoi tous ceux qui ne sont pas passés acheteurs au-dessus des 3 930 points (clôture du 11 mars à Paris) sont des idiots. C’est le genre de commentaires qui prolifère sur les forums. Ils émanent des suiveurs systématiques qui se calent dans la roue des manipulateurs d’indices et ne s’émeuvent ni des cadavres japonais, libyens ou syriens, ni de ce qui a causé leur décès et en causera, hélas, encore beaucoup d’autres.

Il y avait de « l’argent à prendre », peu importe le contexte, le marché n’en a que faire.

Si vous les poussez dans leurs retranchement, vous aurez droit à l’incontournable : « les mauvaises nouvelles sont déjà dans les cours ; le marché dans sa prodigieuse omniscience postule que le pire est passé et que le meilleur reste à venir ».

Un meilleur qui ne vient jamais. C’est ce que nous constatons depuis l’automne 2008, une fois évacuées les statistiques truquées de la croissance et de l’inflation aux Etats-Unis.

Si jamais vous suivez le mouvement haussier amorcé mercredi, et que la tendance se retourne, alors vous serez ridiculisé et blâmé. Tout ça parce que vous aurez payé le marché plus cher que le 10 mars. Comme si vous viviez sur une autre planète et n’aviez pas constaté un enchaînement de drames et de difficultés dont aucune n’est résolue. Ni les fuites radioactives de Fukushima, ni l’avenir des pays en révolte du Proche-Orient, ni la solvabilité du Portugal, ni celle de nombreuses banques américaines plombées par la crise immobilière.

Il fallait être fou pour acheter le CAC 40 au-dessus de 3 900 ou le S&P à plus de 1 300.

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* 1,35 euro par appel + 0,34 euro / minute.
Depuis la Belgique : composez le 09 02 33110, chaque appel vous sera facturé 0,75 euro / minute.

Depuis la Suisse : composez le 0901 801 889, chaque appel vous sera facturé 2 CHF / minute

 
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