La Chronique Agora

Malgré la catastrophe nippone, pour Charles Plosser, Wall Street n'a jamais vu des perspectives économiques plus favorables

▪ De durs combats se déroulent en Libye depuis trois semaines. La Syrie est au bord de l’embrasement depuis 10 jours. L’issue de ce qu’il convient de qualifier de « guerre civile » est bien incertaine. Mais les stratèges de Wall Street estiment que leurs répercussions seront négligeables sur les marchés — sauf si la contagion gagnait l’Arabie Saoudite. Un calme relatif semble toutefois encore régner dans le royaume.

Les investisseurs ont envie de croire que les aspirations à plus de démocratie vont rapprocher de l’Occident les cinq ou six pays qui sont en train de se libérer du joug de tyrans. Cependant, rien ne prouve que les peuples — même trop longtemps oppressés — s’empresseront d’adopter des constitutions inspirées de Thomas Jefferson et d’élire des dirigeants se voulant des émules du Mahatma Gandhi

Supposons cependant que l’avenir donne raison à ceux qui privilégient l’hypothèse de l’instauration de la démocratie dans des pays qui ne l’ont jamais expérimentée. Pus de liberté ne rime pas forcément avec prospérité…

Même mieux partagées, les richesses ne deviennent pas automatiquement plus considérables. La plupart de ces pays doivent ou devront repartir économiquement. Leurs besoins en capitaux (empruntés, faut-il le préciser) vont être énormes.

▪ Comme le prouvent les monétisations massives de dettes par la Fed, la BCE et bientôt le Japon, l’épargne mondiale n’est pas extensible à l’infini. De plus, elle s’avère déjà insuffisante pour couvrir le refinancement des trois premiers blocs économiques du monde occidental. D’où va sortir l’argent dont l’Egypte ou la Tunisie ont besoin ? La question se posera bientôt pour la Libye, le Yémen, la Côte d’Ivoire…

Imaginons que la Chine casse sa tirelire pour leur venir en aide. Cela semble sensé : le potentiel de redressement de l’Afrique du Nord est certainement plus important que celui de l’Europe ou des Etats-Unis. Comment pourrait-elle en même temps souscrire aux émissions du Trésor américain, racheter massivement de la dette grecque et irlandaise — tout en préservant la solidité de son propre système bancaire, menacé par le surinvestissement et la bulle immobilière ?

▪ Voici donc de nombreuses inconnues pour des problèmes complexes mais de nature classique. Que dire alors des conséquences du tsunami du 11 mars et de la destruction de la centrale de Fukushima dont la situation est totalement hors de contrôle.

Ce sont deux Tchernobyl (au minimum) qui devront être neutralisés. Les Japonais sont-ils en mesure de construire des sarcophages comme le firent les Russes, au prix de sacrifices humains immenses ? Un réacteur semble avoir fusionné et fondu  en totalité et un second au moins partiellement. Sans oublier les stocks usagés de combustible non refroidis qui prennent peut-être le même chemin (fusion et dispersion de radioéléments).
La quantité de radioactivité émise pourrait dans un avenir proche devenir supérieure à Tchernobyl. La zone de sécurité autour de la centrale pourrait être étendue à 40 ou 50 kilomètres, entraînant des déplacements de population se chiffrant en centaines de milliers. Le périmètre de Fukushima pourrait être inhabitable durant des centaines d’années, voire des milliers d’années pour les zones les plus contaminées.

Le chiffrage d’un tel désastre n’est pour l’instant pas encore évoqué tant il pourrait s’avérer étourdissant. Mais c’est à coup sûr une inconnue à plusieurs centaines de milliards de dollars.
Faut-il s’en inquiéter ? Quel impact cela pourrait avoir sur l’économie mondiale ?

Nous n’osons privilégier aucun scénario mais d’autres n’ont pas nos scrupules. Charles Plosser, un des bras droits de Ben Bernanke, estime que les marchés ont sur-réagi au drame japonais et que l’impact sur l’économie américaine sera moins lourd qu’envisagé.

Nous sommes abasourdi par l’insondable légèreté d’une telle déclaration !

C’est à croire que le Japon est victime d’un simple feu de tourbe comme en Russie l’été dernier.

Pas de différence entre l’incinération de quelques centaines de kilomètres carrés de lande désolée et l’irradiation d’une région agricole et industrielle qui représente 8% du PIB nippon. La fumée de Fukushima aura juste fait tousser les Japonais habitant au sud-ouest de la centrale durant deux ou trois semaines… Fin de l’histoire, circulez, y’a rien à voir. Retournez à vos écrans et ramassez-moi le Dow Jones jusque vers 14 000 points.

▪ La Fed a remis quelques milliards dans le circuit et Wall Street s’est offert une troisième séance de hausse (0,3%) consécutive vendredi. Sans oublier un étourdissant six sur sept à la hausse depuis le 16 mars.

Les indices américains ont repris 5% sur leurs récents planchers et se retrouvent à 2% ou 3% de leurs sommets annuels de la mi-février. Il faut bien convenir que ce n’est pas l’actualité qui tire les actions vers leurs sommets.

La volte-face du marché survenue mercredi repose sur la croyance que la Fed n’hésitera pas à mettre en place un nouveau programme d’assouplissement monétaire (QE3) à partir du mois de juin.

Les 3% de Wall Street repris la semaine dernière font presque pâle figure en regard des 4,25% du CAC 40. Rappelons que cette semaine, rien ne s’est arrangé, ni au Japon, ni au Proche-Orient. Et encore moins sur le front économique avec de bien mauvais chiffres en Angleterre et aux Etats-Unis.

A la stupéfaction d’une majorité d’opérateurs devant des indices boursiers en apesanteur, nombre de commentateurs opposent des explications à dormir debout. « Les mauvaises nouvelles sont dans les cours », « les bénéfices des entreprises progressent », « le PIB américain est révisé de 0,3% à la hausse ».

▪ Nous sommes en train de revivre le même genre de story telling qu’au beau milieu de l’été 2008. Rappelez-vous, quand le pétrole et les indices boursiers montaient de concert tandis que le système bancaire américain subissait un Tchernobyl financier.

Henry Paulson déclarait alors : « je n’ai jamais observé un système bancaire aussi solide ». C’était moins de deux mois avant son explosion mais bien après la fusion complète du réacteur contenant le combustible des subprime. Seuls les plus naïfs n’ont pas fui le marché à l’époque.

Charles Plosser, passant outre les décombres toujours incandescents de Fukushima, affirme que les retombées du 11 mars ont été surévaluées. C’est bien la déclaration la plus irresponsable proférée par un sherpa de l’économie américain depuis deux ans et quatre mois !

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