La Chronique Agora

Macron – « Vous, un milliardaire en devenir ? »

richesse

Damien Theillier, président fondateur de l’Institut Coppet et professeur de philosophie à Paris

▪ Cher lecteur,

Relèverez-vous ce défi ? Imaginez votre vie : vous pourriez réaliser tous vos rêves. Vous ne dépendriez de personne. En fait, vous seriez totalement libre.

Mais attention. Comme Mark Ford l’expliquait récemment dans le Club des Créateurs de Richesse, "il ne suffit pas d’investir pour s’enrichir. Alors si vos finances ne vous permettent d’investir que quelques milliers de dollars par an, ce n’est pas ça qui vous rendra riche, même avec un rendement de 10% pendant 40 ans. […]" "Vous devez augmenter vos revenus".

▪ "Vous devez augmenter vos revenus"
Augmenter vos revenus, c’est aussi le voeu exprimé par Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, qui tenait des propos… pour le moins explosifs :

"Les entrepreneurs qui réinjectent leur argent en France ont un rôle fondamental à jouer. L’économie du Net est une économie de superstars. Il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires".

Qu’a-t-il osé dire là ! Les réactions outrées provenant de tout le spectre politique n’ont pas attendu. Pourtant, le Ministre ciblait LA solution pour relancer l’économie française : l’entrepreneuriat.

Mieux, l’entreprenariat vous ouvre des portes : pour en savoir plus…

Je sais. Vous lisez cet article, vous regardez votre compte en banque, et il manque quelques zéros pour relever le défi. Vous avez peut-être même des dettes à combler avant de vous lancer dans cette aventure.

Cette idée vous semble donc illusoire ? Croyez-le ou non, vous avez peut-être plusieurs qualités nécessaires pour rejoindre les entrepreneurs. Et nous pouvons vous y aider.

▪ Avez-vous l’étoffe pour rentrer (un jour) au classement Forbes ?
Analysons ce classement. Il comporte 1 826 milliardaires en 2015, contre 1 645 l’an dernier.

Peut-être avez-vous lu le dernier livre de Thomas Piketty, Le capital au 21ème siècle. Selon lui, pour devenir milliardaire, il faudrait être né bien doté et laisser fructifier le capital accumulé par vos parents.

LA LISTE NOIRE DE L'INVESTISSEMENT
Ces quatre placements présentent un danger immédiat pour vos finances : en êtes-vous protégé ?

Pour le savoir, continuez votre lecture…

 

Le classement Forbes nous ramène aux réalités. Seuls 230 sont des héritiers. Ajoutez néanmoins 405 qui ont passé le cap du milliard en faisant fructifier le capital accumulé par leurs aïeux.

A contrario, 1 191 ont construit leurs fortunes avec leurs entreprises, en partant de zéro. Autrement dit, 65% des milliardaires sont détenteurs de la new money.

C’est une tendance de long terme. 996 des 1 723 nominés au classement Forbes entre 1996 et 2010 sont des entrepreneurs de première génération.

▪ Pourquoi tant d’entrepreneurs parmi les plus riches ?
Nous tenons la réponse de Jean-Baptiste Say. En effet, l’économiste français a posé une équation toute simple :

Création d’utilité = création de richesse.

Plus une chose est utile à un plus grand nombre de clients, plus l’entreprise est rentable. Cela nous paraît logique aujourd’hui. Mais la conception qui prévalait auparavant était celle d’Adam Smith : la valeur matérielle de la chose.

Tout part de la notion de valeur, réévaluée par Say dans son Traité d’Economie Politique :

"La valeur que les hommes attachent aux choses a son premier fondement dans l’usage qu’ils peuvent en faire. […] La production n’est point une création de matière, mais une création d’utilité.

Elle ne se mesure point suivant la longueur, le volume ou le poids du produit, mais suivant l’utilité qu’on lui a donnée. Il n’y a donc véritablement production de richesse que là où il y a création ou augmentation d’utilité".

Récapitulons…

Première condition : devenir entrepreneur.

Deuxième condition : rendre un service de première importance à de nombreuses personnes. Mais est-ce suffisant ?

▪ Entreprendre n’est qu’une première étape — ce qui suit est aussi important.
Entreprendre est nécessaire – mais aucun milliardaire ne s’en contente. Ils n’ont aucun état d’âme à mettre leur argent au travail, à "investir".

Oh, je me doute que vous ne considérez pas ce point comme un grand secret. Après tout, vous lisez La Chronique Agora depuis quelques temps. C’est donc que vous vous intéressez déjà à cet aspect de l’enrichissement.

Pourtant, vous devez parfois défendre votre besoin d’épargner et d’investir… Et ce n’est pas toujours aisé. Gardez alors à l’esprit que les sciences économiques sont de votre côté : ainsi, Frédéric Bastiat démontre la nécessité d’épargner et d’investir dans Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas.

Mais laissez-moi vous raconter une histoire.

▪ 10 ans plus tôt, deux entrepreneurs…
Tenez. Jetez un oeil au parcours de ces deux entrepreneurs. Leurs fortunes étaient à peu près équivalentes. De même que leurs qualités de capitaines d’industrie, dont la réputation n’était plus à faire.

Toutefois, leurs manières de vivre étaient bien différentes. Allons à leur rencontre.

– Mondor vous salue d’un air radieux. Sa fortune rapidement acquise l’a mis en confiance. Peut-être un peu trop. Il dépense sans compter. Bastiat illustre :

"C’est ce qu’on nomme un bourreau d’argent. Il renouvelle son mobilier plusieurs fois par an, change ses équipages tous les mois ; on cite les ingénieux procédés auxquels il a recours pour en avoir plus tôt fini : bref, il fait pâlir les viveurs de Balzac et d’Alexandre Dumas".

Mondor doit vous laisser. Les affaires, vous comprenez ?

– Saisissons l’occasion pour rencontrer Ariste. Ses manières de vivre sont bien différentes.

"La presse le qualifierait volontiers d’égoïste. Ses dépenses sont raisonnées, sans pour autant sacrifier à sa qualité de vie".

Lâchons le mot : cette vile canaille épargne au lieu de flamber ! Cela ne l’empêche pas de se faire plaisir, de temps à autre.

Après une charmante discussion, vous repartez vaquer à vos occupations…

▪ Qu’est-ce qui a fait la différence ?
10 ans viennent de s’écouler. Que sont-ils devenus ? Bastiat énonce un constat implacable :

"Que sont devenus Mondor et sa fortune, et sa grande popularité ? Tout cela est évanoui, Mondor est ruiné ; loin de répandre soixante mille francs, tous les ans, dans le corps social, il lui est peut-être à charge.

En tout cas, il ne fait plus la joie de ses fournisseurs, il ne compte plus comme promoteur des arts et de l’industrie, il n’est plus bon à rien pour les ouvriers, non plus que sa famille, qu’il laisse dans la détresse.

Au bout des mêmes 10 ans, non seulement Ariste continue à jeter tous ses revenus dans la circulation, mais il y jette des revenus croissants d’année en année".

Dépenses versus épargne et investissement … à vous de choisir.

▪ Attention : est-il trop tard pour vous ?
"A mon âge, vous savez"…

"Vous savez…?"

"Eh bien, quand bien même je ne suis pas vieux, ma jeunesse est passée. Entreprendre est un truc de jeunes, voilà tout. Prenez Richard Branson ; il lança son journal papier à 16 ans, et ouvrit sa première boutique à 21 !"

Si vous vous êtes reconnus dans ce dialogue, vous pourriez bien passer à côté de l’opportunité de votre vie. Regardez :

– Henri Ford venait de fêter ses 40 ans quand il créa son entreprise, futur empire de l’automobile. Il a passé toute sa jeunesse à pratiquer deux métiers à la fois pour joindre les deux bouts.
– Christian Dior avait 41 ans quand il ouvrit sa maison de haute couture. Selon la légende, il a failli ne pas le faire. Avec une bonne place, n’étant pas sûr de lui et un peu superstitieux, il hésita et demanda l’avis à une cartomancienne.
– Jerry Baldwin était bien la dernière personne que vous auriez vu entreprendre. Ce professeur de littérature fêtait ses 42 ans quand il s’associa à deux amis férus de bons cafés pour ouvrir le premier Starbucks.

Comme eux, vous possédez l’expérience de la vie, capitale pour l’entrepreneur.

Vous en doutez ?

Voici ce que vous répondrait l’économiste Jean-Baptiste Say, par trois fois entrepreneur :

"La création d’un produit quelconque, est une pensée unique où une multitude de moyens concourent à une seule fin. Aussi vient-elle en général dans une seule tête, celle de l’entrepreneur ; et c’est lui qui rassemble les moyens nécessaires.

Il fait concourir à son but jusqu’aux volontés des hommes, telles que celles des travailleurs qu’il emploie, des prêteurs qui lui confient des fonds, etc." 

Cette expérience de la vie vous a donné les cartes pour mener à bien cette mission ; avouez-le, les jeunes ont encore un peu de travail pour égaler votre expérience.

La phrase de Macron mérite donc d’être nuancée : construire sa richesse n’est pas qu’une affaire de jeunes loups.

▪ Tout voyage commence par un premier pas
Personne ne devient riche du jour au lendemain. Si internet a pu accélérer les choses pour un certain nombre d’entrepreneurs, l’instantané sans effort ne sera jamais de ce monde.

D’ailleurs, ce serait se tromper sur la nature de l’entrepreneuriat. Gustave Courcelle-Seneuil dans le Manuel des Affaires :

"La vie de l’entrepreneur est une vie d’action : elle n’a pas pour but de philosopher, mais de produire ; il faut donc qu’il ait des principes fixes sur sa conduite, sur ses moeurs, sur son travail, des principes qu’il comprenne bien une bonne fois et qu’il observe dans la suite sans réflexion. C’est le meilleur moyen qu’il ait d’économiser le temps, ‘l’étoffe dont la vie est faite’." 

Voyez-le plutôt comme une bonne nouvelle ; Bill Bonner le disait dans l’une de ses chroniques : le vrai plaisir est d’obtenir l’argent, pas de le posséder".

Damien Theillier est le président fondateur de l’Institut Coppet et professeur de philosophie à Paris. Il remet au goût du jour la tradition économique française. Vous pouvez découvrir sa rubrique coup de poing ici.

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