Le programme d' »En Marche » propose de limiter l’ISF au seul patrimoine immobilier et les nouveaux députés du mouvement seraient moins portés sur l’immobilier, comme nous l’avons déjà vu.
Les investisseurs en immobilier taxables à l’ISF se tourneront-ils alors vers les actions et obligations — et cela sera-t-il suffisant pour enrayer la hausse de l’immobilier ?
Sur l’ensemble d’une vie, les Allemands dépensent en moyenne 15% de leur budget pour se loger, que ce soit en location ou à l’achat, tandis que les Français y consacrent 25%. C’est en moyenne 10% des revenus des ménages qui échappent ainsi aux dépenses de consommation et aux investissements dans l’appareil productif.
Certaines raisons de ce surcoût sont connues de longue date mais d’autres sont peu analysées.
La première cause de la valorisation excessive de la pierre en France tient tout d’abord à une offre insuffisante face aux besoins de logement. Avec les lois du marché, ce déséquilibre passager aurait dû se corriger de lui-même par l’arrivée de nouveaux biens, les constructeurs comme les investisseurs voulant profiter de l’aubaine.
Pourtant, les politiques publiques n’ont jamais vraiment réussi à atteindre cet objectif de construction suffisante, même si l’excuse de la rareté du foncier dans les zones tendues est recevable.
L’inflation nourrit l’appétit pour l’immobilier
Fondamentalement, depuis des décennies, du fait de l’impéritie continue des politiques publiques au temps où nous avions des francs, l’inflation galopait, poussant à la valorisation des actifs réels. Au cours de cette période, les particuliers qui investissaient dans des placements obligataires ont été régulièrement spoliés, tandis que ceux, plus avisés, qui avaient acheté de l’immobilier, a fortiori à crédit, avaient vu leur patrimoine se valoriser.
Certes, depuis l’entrée en Zone euro, et même avant avec la politique de désindexation des années 1980 puis la période dite de « convergence » des années 1990, l’inflation à deux chiffres a disparu des statistiques françaises. Mais les vieux réflexes ont la vie dure.
Les investisseurs, prenant en effet des décisions plus souvent en fonction de l’observation du passé qu’en analysant ce qui pourrait se présenter au cours des années à venir, en ont conclu que « hors la pierre, point de salut ! », contribuant ainsi à installer de façon durable les prix de l’immobilier à une certaine altitude.
Apparemment, tout le monde ou presque a oublié les deux krachs immobiliers les plus récents, celui de 1981-1982, et celui de 1990-1997, qui ont vu tous deux, du moins à Paris, les prix baisser de 30% en moyenne.
Et puis surtout, en 1999, la France a rejoint la Zone euro, cassant (définitivement ?) les anticipations d’inflation, grâce au rôle donné (du moins au début) à la Banque centrale européenne par les Allemands. Statistiquement, l’inflation en Zone euro a disparu.
Pourtant, au moins à Paris, et pour l’immobilier d’habitation, le krach, intervenu en 2008-2009 dans presque tous les autres pays, n’était curieusement pas au rendez-vous.
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Les prix ne baissent pas en raison de politiques publiques inadaptées
Le principal obstacle à la modération des prix de la pierre, qui aurait permis aux nouvelles générations les unes après les autres d’assouvir leurs rêves légitimes de propriété, a été constitué par l’accumulation de règlementations kafkaïennes, qui comme toujours traitent le symptôme et non la cause, contribuant à aggraver le problème.
Ces règlementations peuvent être classées en trois catégories: fiscales, liées aux rapports bailleurs locataires, et normatives.
La contrainte normative est la plus visible. A force d’imposer de nouvelles normes en matière de construction et de rénovation (ascenseurs par exemple) sur la base des meilleures intentions du monde bien entendu, on ne peut qu’aboutir à des surcoûts, qui se retrouvent dans les prix, car il faut bien que quelqu’un paye.
La litanie des avancées « en faveur des droits des locataires » est, paradoxalement, une autre source de l’inflation des prix de la pierre.
Régulièrement, les gouvernements, désireux de vouloir « rééquilibrer les rapports entre locataires et bailleurs » (comme si les retraités modestes qui investissent dans la pierre pour se faire des revenus complémentaires étaient tous d’horribles capitalistes à cigare, âpres au gain, profitant du malheur des autres, exploitant des locataires salariés déjà étranglés par les gros patrons), font voter des lois qui accordent de nouveaux « avantages » aux locataires.
Le marché fonctionnant un peu, ces avantages supplémentaires accordés aux locataires se retrouvent dans des prix majorés pour les nouveaux entrants (logique puisque le nouveau bail offre plus d’avantages au locataire, c’est forcément plus cher !). Ces mêmes locataires bénéficient aussi de l’afflux des aides et autres allocations logement que les propriétaires empochent pour l’essentiel en l’absence de constructions supplémentaires.
Cette augmentation des rendements locatifs (loyers plus élevés) provoque à son tour une hausse des prix au mètre carré, car la demande à l’achat (les rendements sont meilleurs) augmente.
Enfin, la fiscalité spécifique à l’immobilier est également inflationniste : taxe foncière, revenus imposés comme ceux du travail, et surtout droits de mutation à titre onéreux (improprement appelés « frais de notaire ») à environ 8%. Notre pays est ainsi « champion d’Europe » sur ce critère ; ce même taux est la plupart du temps de l’ordre de 2% à 2,5% chez nos voisins. Cet impôt très élevé freine la mobilité de la main-d’oeuvre, autre bizarrerie lorsque l’on veut la favoriser. D’autant plus que ce temps de profondes mutations nécessite des adaptations rapides.
Pressurés, les propriétaires, lorsqu’ils le peuvent, notamment en zone tendue, répercutent dans le loyer ces surcoûts fiscaux aberrants. Des loyers trop chers incitent ceux qui normalement seraient locataires à regarder du côté de l’accession à la propriété, augmentant encore la demande de ce côté, et donc poussant les prix à la hausse. Une fois de plus, tout le contraire de l’objectif affiché par les politiques publiques.