La Chronique Agora

Ma troisième prédiction audacieuse

La fuite en avant est la seule conduite possible pour les autorités. C’est pour cette raison que la MMT sera expérimentée.

Nous avons fait deux prédictions audacieuses depuis un an environ.

Aujourd’hui, nous en faisons une troisième.

Selon notre première prédiction, la Fed ne normalisera jamais ses politiques de taux, ce qui permettrait au marché de décider lui-même des taux courts, au lieu de la Fed.

Notre deuxième prédiction était que Donald J. Trump ne mettrait jamais à exécution sa menace d’une guerre commerciale complète avec la Chine.

Ces deux prévisions ont un lien important. Ce sont les politiques de la Fed ainsi que le système d’argent factice qui les sous-tend — et non les taxes douanières — qui ont causé le déficit commercial avec la Chine. Avant l’introduction de l’argent factice, indépendant de l’or, en 1971, les Etats-Unis enregistraient un excédent commercial : le plus gros de la planète.

A présent, ils enregistrent le plus gros déficit au monde. Pourquoi une telle différence ? Parce qu’à présent, ils peuvent simplement imprimer l’argent nécessaire au remboursement de leurs créanciers étrangers.

Avant 1971, les déséquilibres ne s’aggravaient jamais trop. Ils se résorbaient en faisant passer l’or du pays déficitaire vers le pays excédentaire. La quantité d’or est limitée : cela avait donc pour conséquence de réduire la masse monétaire du pays déficitaire, forçant les taux à grimper et réduisant les dépenses d’importation.

C’est-à-dire que les autorités — et leur système monétaire — ont créé le monde dans lequel nous vivons… avec 250 000 Mds$ de dette… et certains des taux d’intérêt les plus bas depuis le déluge.

Si les Etats-Unis avaient conservé une monnaie réelle, adossée à l’or…  et/ou si la Fed n’avait pas soutenu l’industrie financière avec des taux d’intérêt ultra-bas et 4 000 Mds$ de nouvel argent… la situation serait bien différente.

Il n’y aurait pas de déficit commercial avec la Chine. Il n’y aurait pas 250 000 Mds$ de dettes. Une camionnette Ford coûterait probablement moins qu’en 1971, et non plus cher. La classe ouvrière n’aurait pas à se plaindre… et Donald Trump ne serait pas président.

La Fed ne serait pas en train de normaliser parce qu’elle n’aurait jamais « anormalisé ». Les riches ne seraient pas si riches. Le Dow ne dépasserait pas les 25 000 points. Le gouvernement américain n’aurait pas 22 000 Mds$ de dette à son propre nom. Et nous ne serions pas debout à 6h du matin pour écrire ces notes.

Toutes ces choses vont finir par disparaître, bien entendu. Mais pas de sitôt… et pas sans efforts encore plus outranciers et insensés pour tenter de faire durer toute l’affaire.

C’est là qu’entre en scène notre troisième prédiction.

Une théorie monétaire substitut au bon sens

Mardi, Jerome Powell a prononcé son verdict sur la TMM (Théorie monétaire moderne).

Rappelez-vous que la TMM est devenue très populaire depuis qu’AOC (Alexandria Ocasio-Cortez) l’a proposée comme substitut au bon sens.

Tout en étant logiquement cohérente, cette théorie suggère que les gouvernements peuvent — et devraient peut-être — imprimer autant d’argent qu’ils le souhaitent, jusqu’à ce qu’une catastrophe se produise. Dans la mesure où un gouvernement peut imprimer l’argent nécessaire au remboursement ses dettes, il n’a jamais besoin de faire faillite. Ainsi, selon ce raisonnement, la dette n’a aucune importance.

Powell, dans son témoignage mardi dernier, a déclaré que cette idée était « fausse, tout simplement ».

Nous prédisons qu’il va changer d’avis — lui ou son successeur.

Les gens en viennent à penser ce qu’ils doivent penser quand ils doivent le penser. Actuellement, M. Powell se débrouille très bien.

Avec des taux aussi bas, le chômage censé être à un plancher jamais atteint depuis les années 1950 et le marché boursier proche de ses sommets historiques, il peut se permettre de dire la vérité… au moins au sujet de la TMM.

Mais toute l’affaire repose sur des mensonges. De l’argent factice. Des taux d’intérêt factices. De fausses batailles « eux contre nous ». Des réductions d’impôts sans réduction de dépenses. Des programmes sociaux que nous ne pouvons pas nous permettre. Des aventures militaires qui réduisent notre sécurité.

Dans sa dernière lettre aux actionnaires, par exemple, Warren Buffett décrivait la hausse des marchés boursiers ces 77 dernières années comme étant dû à la « force de caractère américaine ». Là aussi, c’était un mensonge.

La force de caractère des entrepreneurs américains se mesure en termes de PIB, non du S&P 500. Et la croissance du PIB n’est que de 2-3% depuis des décennies, tandis que le portefeuille de Buffett enregistrait des intérêts composés six fois supérieurs.

Comment est-ce possible ? Grâce aux empêcheurs de tourner en rond. Les interventions des autorités ont déformé les finances mondiales, leur faisant adopter une forme grotesque, rendant les riches plus riches que jamais… et faisant hurler de douleur le citoyen ordinaire.

C’est cette forme que les initiés cherchent désespérément à préserver. C’est pour cela que ni les déficits commerciaux ni les politiques qui les ont engendrés ne sont près de disparaître.

Vous savez pourquoi ? C’est très simple. C’est « eux contre nous ». Il y a ceux qui traversent l’existence de manière honnête — donnant et prenant volontairement en faisant de leur mieux… et il y a ceux qui trichent et volent, ou utilisent la puissance du gouvernement pour obtenir quelque chose en l’échange de rien.

Telle est la lutte « eux contre nous » qui compte vraiment.

Le put Greenspan

Les élites ont commencé à se fier à la Fed pour gonfler les prix des actifs en 1987, la première fois où Alan Greenspan s’est précipité pour contrer une correction (le krach de 1987) par une réduction notable des taux d’intérêt.

Le « put Greenspan » assurait aux investisseurs que le marché boursier avait été dompté. Depuis, ils comptent sur la Fed pour que la richesse continue de couler de l’économie réelle vers l’industrie financière (la valeur des actions a grimpé, tandis que celle du temps du travailleur stagnait).

C’est de plus en plus difficile à faire, cependant. Les actions sont déjà à des sommets. Le fardeau de la dette est si lourd que l’économie réelle commence à se fissurer. Les consommateurs et les entreprises ne peuvent pas emprunter plus. Ne reste plus que le gouvernement fédéral dont le crédit est, selon les partisans de la TMM, quasiment illimité.

Mais le gouvernement fédéral ajoute déjà 100 Mds$ à sa dette tous les mois — alors que nous sommes encore dans un boom. Avant longtemps, ce boom prendra fin, les taux d’intérêt grimperont, les recettes fiscales chuteront… et les autorités seront incapables de payer les intérêts sur leur dette existante, sans parler d’en rajouter.

Que peuvent faire les universitaires… les compères… et les escrocs ? Reconnaître leur défaite ? Laisser les prix des actifs s’effondrer… pesant sur leur richesse et leur réputation ? Laisser le marché boursier corriger ? Laisser l’économie entrer en récession… voire en dépression… tandis qu’elle corrige les erreurs construites sur 30 années de politiques bidon d’argent facile ?

Imaginez M. Powell expliquer sa nouvelle politique « bas les pattes » aux ronds-de-cuir du Congrès :

« Vous savez », dirait-il, « nous ne pouvons pas vraiment affirmer ce que les taux d’intérêt devraient être. Ou ce que les actions devraient valoir. Et puis toute cette fausse monnaie… cette cible d’inflation à 2%… eh bien… ce n’était que des sottises, n’est-ce pas ? »

Non, nous n’arrivons pas à l’imaginer, nous non plus.

Nous voyons plutôt M. Powell changer d’avis sur la TMM. Peut-être que le gouvernement devrait plus emprunter et dépenser, commence-t-il à penser. Ensuite, derrière un écran d’épaisse fumée constitué de sottises théoriques sur la TMM, la Fed suivra la banque centrale japonaise, achetant des obligations américaines par milliers de milliards.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile