La Chronique Agora

De L’Oréal à LVMH, difficultés à venir pour le secteur du luxe

Marc Faber

▪ Dernièrement, j’ai assisté à une conférence où l’un des orateurs suggérait aux investisseurs d’acheter des « actions du bonheur », comprenant par là les actions d’entreprises du secteur du luxe comme LVMH (Moët Hennessy Louis Vuitton), L’Oréal, Prada et Tiffany (il a également prôné les actions de fabricants de bateaux de plaisance haut de gamme) ainsi que Nestlé (parce que cette entreprise fabrique et distribue des chocolats). A en croire cet expert des biens de consommation, les gens dans le monde entier essaient d’acheter du bonheur, et justement ces entreprises fournissent des « biens du bonheur ».

Je trouve ce concept « d’actions du bonheur » assez bizarre car chacun a une conception différente de ce qui le rend heureux

Personnellement, je trouve ce concept « d’actions du bonheur » assez bizarre car chacun a une conception différente de ce qui le rend heureux, tout dépend de son statut socio-économique. Ceux qui ont des revenus faibles peuvent se considérer heureux s’ils ont assez d’argent pour acheter de la nourriture, payer leur loyer, acheter d’autres biens nécessaires de la vie courante et si en plus il leur reste quelque chose pour acheter des cigarettes, de l’alcool, des sucreries, des tickets de cinéma, des billets de loterie, de l’électronique, des vêtements, etc.

D’un autre côté, les gens riches, eux, peuvent considérer que le bonheur réside dans le fait d’avoir assez d’argent pour acheter une maison de prestige ou un yacht, une montre de luxe, des vins fins, des vêtements de marque, des oeuvres d’art et des pièces de collection, etc. Dans les deux cas, chaque achat donnera à l’acheteur une certaine satisfaction initiale (bonheur), indépendamment du fait qu’il s’agisse d’un produit de luxe ou d’un produit de la vie courante.

Les banques centrales comme la Bundesbank demandent à rapatrier leur or des coffres américains et français.

Ce qu’elles ne savent pas, c’est qu’elles risquent fort de ne jamais revoir leurs lingots !

Découvrez pourquoi sans plus attendre : il pourrait y avoir de spectaculaires profits à la clé.

 

La satisfaction du consommateur n’est pas associée qu’à l’achat de biens ; les services sont également une source importante de bonheur pour la plupart des gens, qu’il s’agisse de voyages, de centres de bien-être ou de fitness, de cours de yoga, d’instituts de beauté ou de salons de coiffure, d’arts du spectacle, de chirurgie esthétique, de boîtes de nuit, de sports, de parcs de loisir, de cinémas, de concerts, de spectacles, d’établissements de jeux, de bureaux de paris, de services d’hôtesses, de maisons closes et de services financiers.

▪ Le bonheur en tant qu’investissement
En d’autres termes, le « bonheur » revêt des formes diverses et variées, tout dépend des préférences du consommateur. Mais je comprends ce que l’orateur de cette conférence voulait dire. Des centaines de millions de personnes à travers le monde entrent aujourd’hui dans la classe moyenne, les marques de luxe étant les premières bénéficiaires de cette tendance sociale. Je suis donc assez d’accord avec son opinion même si je dois émettre quelques réserves.

Si nous supposons qu’il y avait un malaise dans les économies émergentes, un ralentissement de la demande pour les produits de luxe est quasiment une certitude

Au cours des dernières années, la demande pour les produits de luxe a été principalement portée par les consommateurs des pays émergents (en particulier les Chinois) qui ont acheté ces témoins de l’amélioration de leur statut social soit sur leur propre marché soit en se rendant sur les marchés occidentaux plus développés. Par conséquent, si nous supposons qu’il y avait — et qu’il y a encore — un malaise dans les économies émergentes, un ralentissement de la demande pour les produits de luxe est quasiment une certitude.

Une telle demande est également portée par les marchés d’actifs. La hausse des marchés actions et immobilier a eu un impact favorable sur la demande de produits de luxe mais guère d’effet visible sur la demande de produits de la vie courante comme la nourriture et l’énergie. Inversement, une baisse des marchés d’actifs influence les ventes des produits de luxe de manière plus négative que les ventes de biens de première nécessité. Par conséquent, en supposant que la grande inflation des actifs finira bien un jour par prendre fin, une position prudente (voire négative) vis-à-vis du secteur du luxe semble garantie.

Je me dois également de mentionner que la concurrence entre les produits de luxe est féroce et que certaines marques peuvent avoir vu trop grand en ouvrant des magasins dans des endroits très chers. Que tout ne soit pas rose au Pays du Luxe est une évidence si l’on considère la récente performance du cours des actions de plusieurs entreprises de luxe. LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton est en dessous de son plus haut de 2012 et L’Oréal est plus bas qu’elle ne l’était en 2011. Au cours de cette même période, le maroquinier américain Coach a implosé.

▪ Plus de taxes, moins de plus-values ?
Autre point à prendre en compte : dans la plupart des pays, nous assistons à une augmentation de la richesse et des inégalités de revenus. Afin d’apaiser la majorité de ceux dont les revenus et la richesse n’ont pas pu beaucoup augmenter, les impôts sur les plus-values, sur les actifs et sur les produits de luxe vont sans doute augmenter. Prenons l’exemple de Singapour. Selon le Financial Times du 6 février 2014 :

« A Singapour, les ventes de ‘super-voitures’ se sont effondrées de plus de 90% pour atteindre leur plus bas niveau des années après que les mesures gouvernementales prises pour réduire les inégalités sociales croissantes ont commencé à avoir des effets néfastes. Le nombre de plus en plus important de milliardaires dans la Cité-Etat asiatique a été un aimant pour les fabricants automobiles comme Maserati, Lamborghini et McLaren. La marque britannique a ouvert son premier showroom à Singapour l’année dernière. Mais le gouvernement, de plus en plus inquiet à propos de l’écart important entre la population riche et la population pauvre de Singapour, a introduit deux mesures dans le budget de l’année dernière afin de rendre les voitures de luxe moins abordables. Une des mesures a consisté à augmenter la taxe sur les véhicules tandis que l’autre a augmenté la proportion de l’acompte dont les conducteurs ont besoin pour acheter une voiture via un prêt. Ces mesures ont fait dégringoler les ventes de voitures de luxe : ainsi, les immatriculations de Ferrari ont chuté de 92% au deuxième semestre de l’année dernière par rapport au premier semestre ».

Si le climat social se détériore, les riches pourraient décider de réduire leurs signes d’opulence

Certes, cela ne signifie pas que les taxes augmenteront sur les carrés Hermès, les produits de beauté L’Oréal, les vêtements Chanel, les sacs Louis Vuitton et les polos Ralph Lauren. Mais nos gouvernements interventionnistes pourraient facilement augmenter les impôts des 1% les plus riches sur les plus-values afin de s’attaquer aux inégalités sociales croissantes. De plus, si le climat social se détériore, les riches pourraient décider de réduire leurs signes d’opulence.

Je reviens au secteur du luxe parce qu’il est probable que nous sommes au beau milieu d’une énorme bulle dans ce secteur (propriétés à Mayfair, dans les Hamptons, à Manhattan et à Newport Beach, montres, vins fins, lieux de loisirs, magasins de mode, chirurgie esthétique, palaces, jets privés, franchises sportives, oeuvres d’art et objets de collection, etc.). Ce secteur est extrêmement vulnérable face aux bureaucrates dans les bureaux de perception des impôts du monde entier et face au ressentiment de 50% des ménages parmi les moins aisés.

En outre, où que j’aille, j’entends parler de la façon dont les étrangers (principalement des Chinois, des Latino-Américains, des Moyen-Orientaux et des Russes) achètent ou achèteront dans le futur ces propriétés, les peintures de tel artiste, des montres de luxe, telle voiture de prestige, etc. Si l’on considère le ralentissement significatif des économies émergentes, l’affaiblissement de leur monnaie ainsi que « la mère de toutes les bulles de crédit » en Chine, je serais bien moins enthousiaste à propos des secteurs du luxe dans le monde entier.

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